Dissertations

Peut-on vivre sans se soucier de la vérité ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

Le désir de la vérité est une quête éprouvante tant la vérité est complexe à conquérir. La vérité est dit-on le saint-graal des philosophes car il semble qu’à vouloir conquérir la vérité dans l’absolu on tombe sur plus de questionnements que de réponses. Cependant peut-on vivre sans se soucier de la vérité. On conçoit communément la vérité comme la qualité d’une proposition qui rapporte d’une manière objective les faits. Être dans le vrai est donc impératif pour celui qui veut agir effectivement en toute situation. Pourtant, on peut observer que vivre une vie ordinaire, voire heureuse, sans trop se soucier ou être complètement indifférent à la vérité est possible. L’illusion et l’ignorance paraissent ne pas toujours affecter négativement le dynamisme de la vie. Le fait est que tant qu’on apprécie sensiblement la vie on peut se sentir vivant. Mais encore, est-ce au fond une vie digne de l’homme dont le propre est l’usage de la raison ? Vivre en usant de sa raison c’est vouloir être dans le vrai et par conséquent dans la condition rationnelle de notre esprit on ne peut être indifférent à la vérité. Il s’agit alors au fond de savoir comment vivre pleinement la vie face à la vérité en tant qu’homme qui est un être doué de raison. Pour résoudre ce problème il nous faut d’abord développer  l’idée que se soucier de la vérité soit contingente au fait de vivre. Toutefois, il nous faut aussi considérer que le désir de la vérité est naturel à notre état d’être doué de raison. Enfin, nous remarquerons que bien que le souci de la vérité soit inséparable de notre condition d’être rationnelle, il ne devrait pas nécessairement réduire notre perspective de la vie et trouver sa valeur autrement.

  • La contingence du souci de la vérité
  • Le fait de vivre n’est pas naturellement dépendant du souci de la vérité.

Dans le sens premier de la vie en tant que phénomène de l’organisme vivant, avoir à l’esprit le souci de la vérité n’est pas essentiel au maintien du système biologique.  Le souci de la vérité n’est pas dans l’ordre naturel du mécanisme de la vie en elle-même. Si on s’accorde que le dynamisme de la vie est essentiellement l’effet des interactions instinctives entre les êtres organiques alors les impacts d’une conscience qui se soucie de la vérité lui sont contingents. Il semble naturel qu’en toute rigueur vivre ne consiste qu’à fuir ce qui nuit au développement de la vie. Cet ordre de conservation prime sur le besoin de la vérité car elle demande avant tout la capacité réflexive qui devrait répondre efficacement à une situation donnée.  Si le souci de la vérité est stimulé par l’étonnement et l’intuition du doute et bien que ces phénomènes accaparent considérablement notre esprit, ils ne sont pas pressant au même degré que le besoin de se nourrir ou de se défendre, soit généralement de survivre. Remarquons par exemple que l’ignorant est prêt à renoncer au scrupule s’il estime qu’une telle disposition de l’esprit est dangereuse dans une situation donnée. Le souci de la vérité est donc non seulement facultatif mais aussi handicapant, voire nuisible à la vie qui veut avant tout se conserver.

  • Vivre sans soucier de la vérité peut faire partie d’une éthique personnelle

Toutefois, l’importance de la vie au-delà du souci de la vérité peut se montrer d’une manière plus complexe que l’idée de la simple survie. L’homme est naturellement engagé par la subsistance de sa matérialité. Il doit respirer, boire, se nourrir et généralement se mettre à l’abri du danger. Cependant son existence est aussi animée par le désir d’une vie heureuse soit du bonheur. Or, ce désir ne met toujours pas en avant le souci de la vérité. Certains pensent trouver le bonheur dans la simplicité de l’humilité sceptique, soit dans l’esprit qu’il y ait des choses qui nous sont ultimement insaisissables. D’autres voient le souci de la vérité comme une conscience pesante qui gâche le plaisir de vivre. Le philosophe nous avertit généralement que la quête de la vérité est ardue étant donné qu’elle place sur son chemin de nombreux obstacles dont la résolution demande des sacrifices. Il peut arriver qu’il faille sacrifier une partie conséquente de son temps, de ses ressources vitales et de sa vie personnelle ou sociale pour s’y engager pleinement. Enfin il y a ceux qui peuvent voir dans la fausseté le plaisir esthétique et l’utile. Les premiers sont souvent des artistes qui s’enivrent dans les créations fantastiques. Quant aux seconds, ils sont des hommes d’actions soit de pragmatisme qui voit l’opportunité du succès avant tout.

Le souci de la vérité ne serait donc pas fondamentalement impératif pour la simple survie ni pour donner sens à son existence. Cependant une telle perspective ne réduit-elle pas la complexité de l’importance de la vérité dans l’évolution actuelle de l’être vivant qu’est l’homme doué de raison ?

  • L’importance du souci de la vérité dans la vie de l’homme en tant qu’être doué de raison.
  • La nature rationnelle de l’esprit de l’homme ne peut s’empêcher de vouloir être dans le vrai.

Premièrement la perspective du simple organisme biologique à l’égard de l’existence humaine est réductrice. La vie est arrivée à développer un être doué de ce qu’on appelle la raison. La raison est la faculté de se représenter les phénomènes en concepts et distinguer les perspectives dont le jugement est faux ou vrai. Cette nouvelle condition du vivant est jusqu’ici souvent considérée comme le propre de l’homme. C’est une condition qui engage l’homme à la réflexion, soit le retour de l’esprit sur elle-même et par conséquent à éventuellement se heurter à l’inconfort de l’irrationnel, soit la qualité des propos qui présentent des contradictions. L’homme dans son état d’être rationnel fait dans ce sens que le souci de la vérité puisse lui sembler naturel. Nul homme pleinement conscient dans sa capacité réflexive ne peut supporter le jugement faux dès qu’il met en lumière ses contradictions. L’esprit rationnel fait que la réflexion coule dans l’ordre des évidences en évidences et dans la cohérence des rapports entre nos propos. Sans ces conditions, l’esprit est hanté par l’intuition du doute et cet état pèse et demeure autant, voire plus, inconfortable que le poids de la vérité. Le fait est que celui qui doute est suspendu non entre le vrai et le faux mais entre la croyance et l’incertitude. Croire connaître la vérité et vivre dans le mensonge est une situation moins oppressante que vivre dans l’incertitude car la première manifeste au moins une réponse  à ses questions alors que la seconde manifeste l’encombrement d’une insatisfaction.

  • L’homme pour agir ne peut qu’avoir le souci de connaissances vraies.

Deuxièmement, il reste aussi cette perspective-ci que le souci de la vérité reste fatal à l’homme car elle est consubstantielle à la connaissance et par conséquent au pouvoir que cette dernière procure à un être intelligent dans son rapport pragmatique au monde. Cela veut dire tout simplement que l’homme tend naturellement à vouloir connaître pour pouvoir agir effectivement. C’est pourquoi il développa l’attitude scientifique et les diverses sciences. Le fait est que la vérité caractérise la pertinence cognitive d’une proposition en rapport à l’objet réel qu’elle désigne. Ainsi elle donne à l’intelligence des rapports de sens et de faits fiables qui lui permettent d’interagir efficacement avec le monde. Tout homme n’est certainement pas avide de connaissances mais le besoin d’avoir des informations vraies lui reste inconditionnelle et peut même devenir critique. La vérité est ainsi autant vitale et pratique que la seule écoute de l’instinct.

Le souci de la vérité est donc inséparable à la nature de l’homme en tant qu’être doué de raison. Il faut enfin mesurer comment cette condition donne à la fois une certaine valeur à l’existence humaine et ne pas être connoté négativement comme un poids.

  • Pour vivre pleinement en tant qu’homme il faut adjoindre une éthique d’autonomie rationnelle à l’obstination d’une vérité absolue.
  • Le fait d’être doué de la raison ne signifie pas qu’on devrait vouloir des vérités absolument correspondantes à la réalité.

En premier lieu il faut en fait considérer ce que l’idée de vérité offre véritablement et ce que demande en soi l’esprit rationnel. D’abord être dans le vrai ne signifie pas que nos idées correspondent parfaitement à la réalité. En fait, le désir de la vérité est vain si on part du principe que la vérité doit être l’idée qui correspond absolument à la réalité. L’ambition de cette perspective est naïve. Une idée vraie donne seulement une perspective indisputable en rapport à l’état des connaissances actuelles. Il faut considérer par là qu’on n’est jamais certains de la puissance de nos moyens et de nos méthodes d’observation à définir sans faille les faits en eux-mêmes. Le fait est qu’il n’y a pas une troisième partie qui pourrait juger de l’adéquation de nos propos à leurs objets ; nous, sujets, sommes les seuls juges de la pertinence de nos représentations sur les objets. Ce qui apparaît par contre, c’est que la réalité d’un objet manifeste au moins un changement continu à travers ses nouvelles observations. Ensuite, qu’acceptons-nous au fond comme rationnel ? Il faut considérer qu’être rationnelle c’est finalement avoir le sentiment de l’évidence. Il s’agit d’arriver à un point où la raison ne peut qu’être en accord en elle-même. Ce qui implique par conséquent qu’il ne s’agit pas de découvrir la réalité dans l’absolu mais d’être dans la certitude validé par la logique indubitable. Quand bien même des perspectives ne correspondent pas aux faits, tant qu’elles font l’accord des esprits par les seuls critères de la raison, elles sont considérées comme vraies. Par exemple, les vérités mathématiques ne correspondent à aucune entité réelle concrète. Ce sont des signes conventionnels dus à leur utilité tant théorique pour donner un sens rationnel au réel et pratique pour appuyer le déploiement de nos actions avec l’efficacité de leurs opérabilités et leurs mesures précises. En somme, être rationnel ne consiste pas  à  vérifier dans le sens d’une définition absolue de la correspondance de nos idées à la réalité mais dans les sens d’une définition de la conformité de nos perspectives à la structure propre de la raison.

  • Le souci de la vérité devrait donc correspondre tout au plus à garder sa conscience éveillée et non à être considérée comme inconditionnelle à la vie.

Enfin il y a un certain danger dans le fait de croire qu’il y ait des vérités absolues. Cette perspective tend à nous faire croire qu’on peut posséder une telle vérité et éventuellement qu’on en possède or cette attitude présente le grand risque de fermer son esprit sur des nouvelles perspectives que la vie peut nous offrir comme le plaisir de la sensibilité esthétique. De plus, l’absolutisme  s’avère être en pratique totalitaire. Chacun peut certainement convenir fermement à ses principes qu’il estime dignes de conduire sa vie. Toutefois il est préférable vis-à-vis des dangers de l’illusion de garder une certaine conscience de la possession de sa propre raison.  Il n’est pas vital de maintenir un souci impératif de la vérité mais ne pas simplement exercer notre réflexion dénature notre humanité rationnelle. Le fait est que cet exercice permet de cultiver une habitude de précaution et de prudence dont l’enjeu est le maintien d’une conscience éveillée et par conséquent de notre autonomie soit le fait de penser et d’agir par soi même.

Conclusion

Comment vivre pleinement la vie en se souciant constamment de la vérité ou comment en qualité d’être doué de raison ne pas se soucier de la vérité? Dans le sens où il ne s’agit que de conserver l’organisme, le souci de la vérité est contingent car il suffirait d’écouter son instinct. Dans un autre sens où vivre signifie donner sens à son existence s’obstiner à rechercher la vérité n’est qu’un choix de vie car cette attitude risque même de s’opposer à l’idéal personnel d’une vie heureuse. Pourtant l’homme est un être doué de raison. En ce sens, vouloir être dans le vrai lui est naturel. D’un parce que l’incertitude que procure l’irrationnel lui est inconfortable et de deux parce qu’il a besoin d’informations fiables pour agir. Cependant il fallait en fait bien définir ce qu’offre la rationalité et de considérer les limites de la conception d’une vérité absolue.  La conception de la vérité comme rapport absolu à la réalité est vaine due à la finitude de notre approche et par conséquent le souci d’une telle vérité est donc aussi futile. Quant à la rationalité qui fait partie de notre nature, elle ne peut être garante pour produire une telle vérité. Ainsi pour ne pas dénaturer notre condition d’être doué de raison et vivre en étant pleinement homme, il nous suffit de maintenir une conscience éveillée par l’habitude de penser par soi-même car l’essentiel d’une vie d’homme est en définitive son autonomie.

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