Dissertation de Philosophie (corrigé)
Introduction
L’Etat est le pouvoir politique de la vie collective. Il a pour fin essentiel de maintenir l’ordre et la sécurité de cette dernière. Le droit désigne l’ensemble des règles formelles qui organisent la vie en société. La question demande alors de confronter Etat et droit comme si les deux entités abstraites pouvaient être antinomiques. Considérons que le droit désigne aussi l’idée d’une justice morale dans son sens commun. Quand on dit « en droit », on veut souvent signifier ce qui nous est dû en dehors de toute convention et seulement par l’ordre de la raison. Ainsi, on distingue ce droit en l’appelant le droit naturel, car c’est le droit qui va de soi, par opposition au droit positif qui est la définition légale du droit. Supprimer l’Etat au nom d’un ordre de la raison serait alors le définir comme illégitime. Ce qui semble contradictoire, car n’est-ce pas l’Etat qui donne le pouvoir de la légalité au droit pour être effectif ? La raison peut certes justifier le bon sens du droit et tirer autorité d’elle-même, encore faut-il que tout le monde soit assez raisonnable pour pouvoir toujours distinguer la nécessité rationnelle du simple jugement personnel. Dans un souci d’objectivité, ne faut-il pas préférer la présence formelle des lois que la seule conscience morale ? En somme, une problématique se dévoile. Il faut que l’Etat ait une légitimité or l’autorité de cette légitimité qui peut-elle se maintenir sans l’Etat ? Face à ces problèmes, nous répondrons par le développement suivant : premièrement, il faut examiner sous quelles conditions on pourrait condamner l’Etat. Deuxièmement, il nous faut aussi observer pourquoi l’Etat est la condition du droit et doit le rester. Puis, finalement nous éclaircirons le véritable rôle de l’Etat et voir ce qui le sous-tend véritablement comme une abstraction effective.
Partie I : L’État qui n’a plus de légitimité est à condamner
1. L’Etat qui ne respecte plus la volonté autonome de l’homme ne mérite pas de s’imposer aux hommes
Premièrement, il semble évident d’un point de vue moral que l’Etat doit faire preuve d’un certain humanisme s’il veut garder le soutien des hommes qu’il gouverne. L’Etat est précisément une entité abstraite en tant qu’il n’est pas le pouvoir du fait mais celui du droit sur la vie collective des hommes. Par conséquent, il doit respecter les hommes en tant qu’hommes. Ceci implique particulièrement le respect de la volonté autonome des individus en ce sens que l’Etat ne peut contraindre ces derniers, mais seulement les obliger. La différence est en ceci que la contrainte parle à l’instinct animal et l’obligation, à la conscience morale. L’Etat comme organisation de la vie collective est la volonté d’un contrat de l’hétéronomie de ses membres. C’est-à-dire que les individus se sont accordé entre eux des principes constitutionnels de leur vivre ensemble.
2. L’Etat qui ne respecte pas la justice ne mérite pas de définir des règles
Deuxièmement, outre la seule autonomie, l’Etat doit faire preuve d’une certaine justice qui satisfait la raison dans les règles qu’il demande à respecter. Ces règles qui sont les règles du droit doivent à la fois faire preuve d’impartialité dans sa prescription et d’une certaine équité dans l’observation de cette dernière vis-à-vis des circonstances. L’impartialité demande la rectitude du droit sur ce qu’il définit objectivement. Les anarchistes préfèrent la libre coopération des sujets autonomes. Ils refusent l’idée de la transcendance des lois normatives qui peuvent être injustement arbitraires au-dessus de la conscience morale. Ce qui semble être justifié quand l’Etat ne privilégie que l’intérêt de certaines parties et pensent éduquer le peuple que celles-ci soient les seules légitimes. Ou que l’Etat par ses lois catégoriques néglige d’apprécier la particularité des situations où ces derniers voudraient appliquer objectivement.
Dans le droit qui s’impose par leur légalité, il devrait donc y avoir une certaine rationalité qui dans l’idéal nous paraît comme notre propre loi.
L’Etat doit donc obtenir le respect de ses membres en faisant preuve d’une certaine légitimité s’il veut se maintenir. Cependant, n’y a-t-il pas une confusion des ordres dans le fait que l’Etat demande le droit d’exister alors qu’il est la condition même de tout droit ?
Partie II : L’Etat est la condition du droit
1. L’Etat préserve la liberté sous le cadre du droit
D’abord, revenons à l’idée de l’autonomie. Les hommes n’en sont certainement pas dépourvus, mais l’autonomie ne vaut que pour soi et n’a aucune effectivité pour autrui. On ne peut que s’obliger soi-même par soi même et non l’autre. Certainement on peut convaincre l’autre mais ce n’est qu’une influence extérieure, car l’obligation lui revient toujours. Cela signifie que l’autonomie est insuffisante à assurer l’ordre général et qu’il faut recourir à un pouvoir qui transcende la liberté individuelle. C’est en ce sens que l’Etat est nécessaire par l’institution positive du droit. Dans l’hypothétique, l’État de nature où aucune loi formelle règne, puisque chacun est libre de se laisser emporter par ses désirs égoïstes, chacun piétinerait inévitablement alors la liberté de chacun et ce sera, comme le souligne Hobbes, « la guerre de tous contre tous ». Pour remédier à cela, l’Etat définit la liberté de chacun en fonction d’un ordre pratique pour le bien de tous. Il y a par exemple le droit privé qui encadre la liberté des individus dans leur rapport professionnel, civil et commercial. Fondamentalement, le droit semble donner corps à la liberté dans la vie collective, car sans lui elle n’est qu’un sentiment personnel.
2. Sans l’Etat le droit n’a aucune objectivité
Plus fondamentalement le droit peut-il avoir une véritable consistance sans sa forme légale et objective ? D’abord, on dit avoir le droit d’une telle ou telle chose en vertu de l’ordre naturel des choses mais si le droit est ce qui « doit être » et non ce qui « est », cette idée de droit naturel n’est-il pas suspecte d’un certain idéal ? Si c’est le cas, l’ordre des normes métaphysiques ne peut garantir l’objectivité. En métaphysique, on peut déduire tout de tout avec une certaine ingéniosité conceptuelle puisque l’objet métaphysique ne peut être éprouvé dans les faits d’une manière définitive. Le danger est que cette plasticité du concept métaphysique peut justifier toutes raisons concoctées par la perception subjective. Ainsi, on peut avoir le fort sentiment que l’Etat soit injuste quand il s’occupe tardivement de nos cas ou que les réparations qu’il offre ne soient pas de commune mesure au tort qu’on a subi. Le fait est que l’Etat doit formellement encadrer la justice du droit pour que tout le monde puisse s’y référer et qu’il n’y ait aucune place aux sentiments personnels. Observons par exemple l’article 9-1 du code civil qui dit que « chacun a droit au respect de la présomption d’innocence » un droit qui n’est dans les faits possibles que s’il est soutenu par la loi car quand bien même on pense être raisonnable, à la moindre perception d’un tort sur ce qui nous est cher, on ne peut faire preuve de la suspension de jugement tant que nos émotions ne se soient pas stabilisées. Le droit demande donc l’appui de l’autorité de l’Etat pour être véritablement effectif.
Ainsi, droit et état ne peuvent se contredire en pratique. Toutefois, quelle place doit donc l’Etat prendre vis-à-vis de la droiture morale si celle-ci n’est pas suffisante à le juger ?
Partie III : On ne peut supprimer l’Etat au nom du droit mais on peut améliorer sa condition
1. L’Etat est amoral et doit le rester
D’abord, remarquons la véritable position de L’Etat en tant que pouvoir politique avant de manquer de le juger équitablement. Si l’Etat paraît immoral, c’est en fait parce qu’il est amoral. L’Etat n’a pas la volonté de faire du mal à ses membres car quel intérêt y gagnerait-il ? Seulement en tant qu’organisation politique ses règles doivent présenter un certain pragmatisme. En fait, les droits positifs ou légaux que l’Etat formule sont les produits de conditions historiques. Les droits positifs sont les réponses de l’Etat aux exigences d’une époque qui a ses particularités. Ces exigences sont tout ce qui relève d’une organisation pragmatique comme les réalités économiques, culturelles, ou démographiques, etc. C’est pourquoi dans sa nature relative qui s’adapte au gré des changements du réel, le droit positif s’oppose à la rectitude universelle du droit et manque de satisfaire la justice en tout temps et en tous lieux. L’Etat en tant qu’il est un état est donc un produit et non une volonté. En ce sens, penser que l’Etat doit avoir une certaine manière d’être n’est pas souhaitable, car ce serait l’invitation au totalitarisme. Le jeu du pouvoir politique n’est jamais à l’abri du jeu de domination. Les faits historiques semblent malheureusement montrer que les souverains ont toujours vu en lui un instrument pour dominer effectivement les hommes en vue d’un certain idéal.
2. On ne peut en droit supprimer l’Etat mais on peut améliorer le rapport entre moral et réalisme s’il permet toutefois l’hétéronomie
L’idée de supprimer l’Etat au nom du droit est donc injuste étant donné que les problèmes qu’il pose à la conscience morale sont de l’ordre du régime politique soit de la finalité de sa forme historique et moins de l’ordre de sa nature. Par conséquent, toute finalité de l’Etat doit au moins préserver l’hétéronomie de ses membres pour que son pouvoir abstrait puisse rester effectif. L’Etat est à la fois un fait naturel par la tendance de la vie collective, mais aussi un fait de droit par l’ordre abstrait qui organise celle-ci. Cet ordre doit rester celle de l’association des volontés autonomes qui reconnaissent rationnellement sa légitimité. Sans quoi l’État se perdrait dans sa nature mécanique ou dans la domination dogmatique d’une partie qui veut asseoir sa seule vision politique. Ces deux modalités sont indignes de gouverner la volonté autonome de l’être humain. L’homme s’oblige en toute connaissance de cause où il serait réduit à n’être qu’une chose parmi les choses.
Conclusion
En résumé le problème était de savoir comment on pourrait rendre légitime la suppression de la condition de la légitimité même qu’est l’Etat. Il nous est alors paru que l’Etat pouvait être condamné s’il ne respectait pas la personne humaine autonome et s’organise dans un ordre juste. Toutefois, l’Etat semble bien pouvoir respecter la liberté et la justice mais dans le cadre de l’objectivité du droit positif et non par la seule conscience morale. En fait, en lui-même l’Etat est une abstraction amorale. L’Etat est un état qui n’a aucune volonté mais qui est produit de conditions historiques. Il faut plutôt adresser les plaintes à ses formes immorales. Aussi, il faut se méfier d’inviter le totalitarisme qui n’est jamais loin lorsqu’on pense absolument imposer à la direction de l’Etat une norme à un autre. La seule chose qu’il ne faut pas changer c’est la préservation de la nature hétéronome de l’Etat. L’Etat doit être en tout temps conscient de sa direction car il droit représenter la volonté autonome de la perfectibilité.