Dissertations

Peut-on parler de liberté en dehors de la société ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

La vie en société, pense-t-on souvent, nous charge du poids de la responsabilité et des devoirs sans notre consentement. Il n’est pas alors rare qu’on se laisse divertir par des pensées rebelles et des envies d’évasion. Toutefois, la peur d’être complètement livrée à nous-mêmes et surtout à l’autre dans la vie sauvage peut vite aussi nous laisser perplexes. Déjà les débauches humaines dans les dérives des misères de la guerre civile narrées par la littérature et l’actualité même, nous rappellent les désastres de l’anarchie dans l’absence de la sécurité publique. Au fond, on sait qu’on doit une certaine reconnaissance au succès de l’Etat à instaurer un ordre général; sans lequel on ne pourrait véritablement prospérer dans nos affaires. Ce qui demande cependant la contrepartie de bien nous tenir malgré nos désirs individuels.  Mais où se trouverait alors cette véritable liberté qui nourrit nos espoirs de jours meilleurs ? Se trouve-t-elle dans l’affranchissement ou dans l’accommodation, à un vivre ensemble obligatoirement réglementée ? L’idée d’une liberté absolue livrée aux vices de l’homme semble non viable mais telle est aussi la contradiction d’une liberté conditionnée par les contraintes de la vie sociale. Pour résoudre cette aporie, on proposera de suivre le cheminement suivant. D’abord, il nous faudra développer en quoi il paraît évident qu’une vie en dehors de la société serait liberticide. Ensuite, il nous faut aussi cependant considérer d’examiner en quoi la vie sociale n’est pas non plus libre. Enfin, on proposera un compromis qui dépassera la contradiction entre société et liberté par le devoir autonome et la responsabilité politique.

Partie I : La vie en dehors d’une société civilisé est liberticide

1. La vie en société assure le confort et la sécurité d’être libre dans ses affaires

Remarquons de prime ce qui semble évident. En ce qui concerne la liberté, l’hypothèse d’une vie sans la société paraîtrait catastrophique. D’abord, l’individu à lui seul serait plus facilement livré à la brutalité de la nature sauvage. La nature est amorale, elle n’a ni pitié ni compassion pour les faibles. Même si on se sent assez fort à un certain moment, on ne le sera jamais assez face à notre immense ignorance individuelle. Ensuite, s’il fallait quand même s’associer à d’autres hommes, ce ne serait que temporaire sans un souverain transcendant qui nous enjoint à ne pas trahir nos semblables. Selon Kant, « L’homme est un animal qui lorsqu’il vit parmi d’autres membres de son espèce, a besoin d’un maître. Car il abuse à coup sûr de sa liberté à l’égard de ses semblables ». En fait, loin de la simple animalité, la conscience de soi a fait de l’individu du sujet une existence qui ne peut d’abord penser qu’à lui-même. Dès lors, quand les désirs et les intérêts subjectifs divergent, chacun fait l’usage de sa force ou de sa ruse pour s’offrir un avantage. De là commence alors l’anarchie chaotique dans le règne impitoyable de la violence sans mesure. On rejoindra alors l’idée de Thomas Hobbes de préférer les conditions contraignantes de la tutelle de l’Etat à nous offrir la sécurité et la possibilité de mener à bien nos affaires sans constamment se méfier de ses semblables.

2. Il ne peut y avoir de liberté sans la réciprocité du droit et du devoir

Enfin, il faut considérer que si les règles de la société semblent contraignantes, il s’agit tout au plus de suivre les règles d’un jeu plus qu’une contrainte naturelle. Les règles demandent la reconnaissance d’un être raisonnable capable de l’initiative pragmatique et de l’abstraction politique. Les règles semblent certes purement descriptives de sorte que si on fait ceci, ceci sera la conséquence. Toutefois, il s’agit bien de règles et non d’une pure formalité en ce sens qu’il reconnaît en l’individu civilisé un agent libre. La loi est dite « à observer », car elle est bien destinée à un esprit qui sait faire preuve de discernement et d’engagement. Le droit nous offre alors la possibilité des avantages de nos efforts dans le commerce des relations humaines. Nous offrons un service à autrui et si autrui l’accepte il aura le devoir de nous donner un certain droit dans l’idée bien entendu que nous avons le devoir de le satisfaire. Cette réciprocité commerciale serait ineffective sans la tutelle d’une juridiction impartiale. Dès qu’on accepte le jeu social, chacun est tenu à ses devoirs, car chacun a ses droits.

Partie II : La vie sociale, n’est pas la vie libre

1. L’homme se sentirait plus libre en dehors de la société

D’abord, on ne peut négliger la perspective que l’homme puisse plutôt se sentir libre en dehors de la société. Si la société est l’organisation de la vie commune réglementée, cette réglementation demande un contrôle strict et l’appui de sanctions sévères pour être effective. La vie sociale peut alors paraître des plus oppressantes, car il faut obligatoirement observer chacune de ses conduites par rapport à ce qui est obligé, ce qui est permis et ce qui est interdit. Le problème est que la vie en société demande le sacrifice de notre liberté individuelle pour respecter des intérêts politiques dont on est obligé d’être en accord. En fait, dans la vie sociale on dit que notre liberté s’arrête là ou celle des autres commence. Plus simplement, chacun est limité. Ce qui signifie que qu’importe nos avantages naturels ou ceux qu’on a acquis par un certain effort, on ne peut les développer que dans des cadres fixes parfois restreints et réducteurs, ce qui peut paraître frustrant.

2. La conscience morale du devoir sociale n’est ni transparente à nous-mêmes ni gratuite

Certainement, on peut penser que respecter les règles sociales est un devoir de citoyens. Après tout, le respect des règles du code civil fait de nous des individus civilisés. Toutefois, nos conditions sociales ne sont pas si évidentes lorsque la conscience morale d’un regard extérieur nous hante. La conscience morale est souvent représentée par l’idée d’une petite voix intérieure qui nous somme de faire ce qui est juste ou qui nous fait regretter nos conduites immorales. Le problème est que cette conscience n’est pas toujours transparente à elle-même. D’abord, chacun peut avoir vécu une enfance où le devoir social de la cellule familiale aux diverses communautés et par l’éducation formelle en général, aura à plusieurs niveaux d’une manière socioculturelle conditionnée sa conception du bien et du mal. Le conditionnement est même des plus efficaces quand la peur d’être ostracisé prend le dessus sur ses désirs personnels. Ensuite, se sentir obligé n’a rien d’une liberté quand la contrainte vient d’ailleurs. Kant nous dit qu’on peut penser respecter l’idée d’un devoir par des raisons intéressées qui n’ont rien de vertueux. Faire son devoir peut n’être que le désir d’attendre une certaine réciprocité. Or, on remarquera alors qu’il y a moins de générosité gratuite et d’altruisme dans cette considération que d’un souci égoïste. Il s’ensuit que dans le sentiment de bonne volonté il y a tout un complexe structuré.

D’un côté, on a aussi pu observer que la liberté d’une vie sociale n’était pas si évidente, voire illusoire. Comment alors concevoir l’idée d’une véritable liberté si elle n’est ni en dehors ni au-dedans de la société ?

Partie III : En fait, la liberté n’est pas sans condition

1. L’obligation morale est en soi une obligation de choisir

Il faut d’abord dépasser la conception de l’obligation morale comme une pure pression extérieure. Il est certes vrai que la juridiction nous observe et qu’en retour elle peut nous hanter. Toutefois, remarquons comment on s’aperçoit du poids de notre liberté dans le choix moral. Entre l’obligation morale et la pure nécessité, il y a cette différence que l’obligation fait preuve à un moment d’une conscience. Une conscience qui nous positionne comme volonté. En effet, si la conscience morale peut suspendre nos actions ou nous en faire regretter, c’est parce qu’elle est d’abord une prise de conscience, celle, plus exactement de notre être en tant qu’agent imputable de nos actes. On ne peut ignorer cette présence à soi dans nos actes et nos regrets ; aussi obscures ou oppressantes puissent être les causes. La conscience nous enjoint de ne pas fuir ce qui s’ensuit, car on est par ailleurs obligé de choisir la prochaine course de nos actions. Il faut considérer que même l’inaction ou la neutralité soit les supposés faits de ne pas choisir, sont des choix.

2. Si l’homme est naturellement libre, cette liberté n’est pas inconditionnelle par sa responsabilité

Toutefois, il faut encore bien remarquer que le fait qu’on soit obligé de choisir n’est donc nullement une liberté absolue. Rappelons que cette liberté est pesante car dès qu’on est sous la prise de notre propre conscience, on ne peut y échapper. En fait, ce poids est plus d’une nature morale que de la nature problématique de notre condition existentielle. La réflexion sur cette conscience n’est plus seulement le paradoxe de la nécessité de choix, mais elle nous enjoint maintenant à sa responsabilité. D’un, la conscience ne peut que nous pousser moralement à l’autonomie soit le pouvoir d’être nous-mêmes notre propre maître. On peut comprendre que la faiblesse humaine soit partagée, toutefois elle ne peut être une excuse indéfinie pour toutes sortes de lassitudes et de paresses quand on est sommé de reconnaître cette petite chose qui nous sépare de la simple chose déterminée.  De deux, la conscience est la possibilité de toute réflexion, elle est la condition de départ de toutes les explorations tant riches en théories et en pratiques de ces « sciences » sur nos conditions psychanalytiques et psychosociologiques. La conscience est le support du fameux « connais-toi toi-même ». Elle est la transcendance d’un être conceptuel qui peut amener la raison à s’occulter lui-même. Il s’ensuit que ces conditions sont celles de cette liberté à maintenir son état libre. Si la liberté est donnée, il faut quand même l’entretenir par la considération de sa responsabilité.

Conclusion

En résumé, il y a une contradiction entre société et liberté. D’une part, la vie libre en dehors de la société est impensable. La société nous offre le confort de la sécurité et les avantages de la réciprocité réglementée entre droit et devoir. Ce qui semble nous offrir une certaine forme de liberté dans le commerce social. D’autre part, elle peut pourtant nous obliger à des règles dont on n’est pas toujours à l’aise de respecter. De plus, les conditionnements sociaux de notre conscience morale ne nous sont même pas toujours évidents.  Ce qui semble au final n’être que l’illusion d’une liberté. En fait, s’il y a une apparence de contradiction, c’est qu’on a oublié la véritable valeur existentielle et morale de la conscience. La conscience dès qu’elle est à l’œuvre nous enjoint à nécessairement choisir et à bien peser cette nécessité. Il s’ensuit que ce n’est pas une liberté sans condition. Finalement, elle demande l’autonomie de son entretien par le bon usage de la raison.

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