Dissertation de Philosophie (corrigé)
Introduction
Les anciens détenaient une bonne réputation en ce qui concerne la sagesse, alors qu’ils n’étaient pas allés à l’école. De nos jours, les enseignants chercheurs ne peuvent pas être qualifiés de savants comme autrefois, puisque les disciplines se spécialisent de manière très pointilleuse. Ainsi, nul ne peut se prétendre être détenteur de la connaissance, tellement elle s’accumule et s’élargit au fil du temps. Toutefois, il est toujours conseillé de se cultiver quel que soit le niveau d’études que nous avons effectué, car la valeur de l’homme se mesure non seulement par ses diplômes, mais aussi par sa manière d’être. « Le désir de connaître le pourquoi et le comment est appelé curiosité », affirme Hobbes dans le Léviathan. Au quotidien, le fait d’être cultivé nous fait penser immédiatement à des gens distingués, c’est-à-dire que la culture possède une certaine valeur. Or, même avec des moyens très modestes, rien ne nous empêche d’avoir un intérêt particulier pour des choses hors du commun. Néanmoins, il serait plus facile de s’ouvrir au monde lorsque nous détenons un certain degré de connaissances. Serait-il impossible de se cultiver si nous n’étions pas polyvalents ? Cette problématique sera détaillée à travers les trois paragraphes qui suivent : le premier consiste en un exposé sur le vaste champ de la culture ; le deuxième renvoie à une étude particulière concernant les sciences et les techniques, et le troisième met en avant le rôle capital des sciences chez un esprit cultivé.
I) La culture constitue à la fois une identité et une valeur
Le mot culture est intimement associé à la civilisation, pour désigner les traits caractéristiques d’un peuple issu d’un espace déterminé et, parfois aussi, dans une époque de l’histoire. Cela se reflète par l’existence d’objets créés explicitement pour un but représentatif, mais aussi d’outils qui impliquent la maîtrise de certaines techniques d’adaptation avec le milieu. La langue est alors le trait principal pour reconnaître une culture, une technique corporelle que tout un chacun peut apprendre aisément. On peut également associer d’une manière intuitive une culture avec les traits physiologiques d’une population, cela pour désigner l’héritage qui s’est transmis dans un cadre spatial déterminé. Voici une définition tirée de La vie de la vie de Morin : « La culture s’apprend, se réapprend, se retransmet, se reproduit de génération en génération. Elle n’est pas inscrite dans les gènes, mais au contraire dans l’esprit-cerveau des êtres humains ». La culture est donc quelque chose de tangible qu’on peut observer et incorporer à sa guise, cependant elle n’est pas une affaire de choix. Autrement dit, il existe des traits particuliers qui déterminent l’identité d’une personne, ce qui a été hérité depuis l’éducation enfantine. Il s’agit donc de ma propre culture, par laquelle je me réfère pour me connaitre et pour que les autres puissent m’identifier. En s’ouvrant au monde, je peux incorporer d’autres pratiques que je juge pertinentes pour le perfectionnement de soi, c’est une sorte de deuxième identité que je pourrai délaisser facultativement. Etre cultivé renvoie essentiellement dans cette deuxième acception, dans le sens où je m’enrichis des choses qui m’entourent, et effectue un effort de compréhension sur ce que les autres font. C’est pourquoi Kant énonce ceci dans ses Réflexions sur l’éducation : « L’homme doit être cultivé. La culture comprend l’instruction et les divers enseignements. Elle procure l’habileté ». Cela dit, il existe forcément des personnes incultes, notamment ceux qui sont étrangers à ce qui se fait dans le monde humain. Puisque les hommes vivent toujours parmi ses semblables, nous employons souvent le terme sauvage pour désigner quelqu’un qui manque de finesse dans ses actions. Cela s’explique par le fait que la culture s’acquiert dans un milieu déterminé, entre des individus qui partagent les mêmes valeurs. Certains comportements qui sont propres à un groupe d’individus sont donc jugés inacceptables par un autre, des fois selon des critères purement objectifs, des fois aussi par de fausses interprétations. Les personnes ethnocentriques atteignent le plus souvent un degré de connaissances très élevé, mais manquent d’ouverture à la culture des autres. Être cultivé ne signifie pas uniquement exceller dans sa propre culture, mais surtout savoir englober l’ensemble de l’humanité à travers la diversité culturelle. Lévi-Strauss propose cette définition de l’ethnocentrisme dans son livre Le racisme devant la science : « Refus d’admettre le fait même de la diversité culturelle : on préfère rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit ».
Tant qu’on vit parmi les hommes, nous détenons toujours une culture qui nous identifie, et qui se personnalise avec le changement du milieu. Parallèlement, l’acquisition des connaissances est à la fois un désir et un devoir pour l’homme, aussi large et diversifié que soit leur champ.
II) Les sciences et les techniques sont les formes les plus prisées du savoir
La science est une saisie abstraite de la réalité, une façon de comprendre la diversité des phénomènes dans une forme universelle. Ayant intéressé au début qu’une poignée de savants, elle a été plébiscitée par la suite pour devenir une manière officielle pour parler du monde. Celui qui a créé la science pour la première fois partait d’un simple questionnement sur une réalité jugée évidente. C’est la raison qui va y répondre en usant d’un langage qui lui est propre, à savoir la logique et la mathématique. Son avantage s’explique également par le fait qu’elle permet de transformer le monde, puisque ses principes sont vérifiables sur les phénomènes. Voici donc une explication fournie par Auguste Comte dans son Cours de philosophie positive : « C’est dans les lois des phénomènes que consiste réellement la science, à laquelle les faits proprement dits, quelque exact et nombreux qu’ils puissent être, ne fournissent jamais que d’indispensables matériaux ». Mais avant de recourir à ce discours scientifique, les hommes possédaient déjà la technique qui est une manière directe pour appréhender le monde. Le type de savoir qui y intervient n’est point scientifique, mais plutôt intuitif, puisque ce sont les sens et la main qui constituent principalement les outils. Ainsi, la technique fait intervenir un savoir, mais cela consiste en une étape intermédiaire pour atteindre la transformation de la nature. Tout comme la science, la technique s’offre un problème à résoudre, dont la réussite s’observe notamment dans l’efficacité et non dans le langage. En effet, le monde physique dans lequel l’homme est placé ne correspond pas à ses attentes, c’est par la technique qu’il puisse s’offrir les matériaux et le confort pour s’y adapter. Dans ses Œuvres, Marcel Mauss définit la technique comme suit : « On appelle technique, un groupe de mouvements, d’actes, généralement et en majorité manuels, organisés et traditionnels, concourant à obtenir un but connu comme physique ou chimique ou organique ». Avec les avancées de la science, la technique devient de plus en plus scientifique, ce qui lui fait perdre son caractère manuel et traditionnel. Ainsi, les scientifiques se tournent davantage vers le côté pratique de la science, et les techniciens s’intéressent de plus en plus à la maîtrise du réel par le savoir. Toutefois, les deux disciplines ne perdent pas de vue leurs objectifs respectifs qu’elles ont posés lors de leur création. Par contre, les hommes du commun qui reçoivent les fruits des recherches confondent aussitôt la science et la technique, et jugent comme inutiles les travaux scientifiques ne produisant pas un objet technique exceptionnel. Bertrand Russell souligne particulièrement ce nouvel aspect dans son livre L’esprit scientifique et la science dans le monde moderne : « Peu à peu cependant, la conception de la science, en tant que connaissance, a été refoulée à l’arrière-plan, pour céder la place à la conception de la science comme moyen qui confère le pouvoir de manipuler la nature ».
Les sciences et les techniques sont des moyens typiquement humains pour s’adapter à la nature, mais aussi prouver sa capacité à s’élever au-dessus de des autres êtres par le biais de la connaissance. Considérées actuellement comme un savoir universel, ces deux disciplines deviennent un symbole incontournable de la culture.
III) La culture embrasse un large éventail de connaissances
Le commerce, qui est l’échange de biens entre différentes contrées, entraîne nécessairement un brassage de culture grâce à l’usage d’outils qui souligne un mode de vie très différent du sien. Ainsi, la culture ne connaît plus de limite géographique, et il est désormais recommandé d’adopter la langue et la pratique des étrangers, comme une manière de créer un phénomène de mode. Mais le commerce transporte également dans son flux les connaissances technologiques, qui sont actuellement adoptées en masse et se rencontrent dans les moindres instruments du quotidien. Cela dit, nul n’échappe à l’universalisation de la culture, ce qui se manifeste par la reprise des représentations types des cultures particulières, ajoutée d’une touche de modernité qui n’est autre que la technologie. On peut donc se référer à cette explication de Durkheim dans son livre Sociologie et philosophie : « D’autres jugements ont pour objet de dire non ce que sont les choses, mais ce qu’elles valent par rapport à un sujet conscient, le prix que ce dernier y attache : on leur donne le nom de jugements de valeur ». Ainsi, nous jugeons une culture non plus pour son efficacité, mais par l’image qu’elle suscite aux yeux des autres. Et il en est de même pour les sciences et les techniques : sans être des spécialistes dans ces domaines, nous adoptons leurs produits pour en faire une étiquette de notre modernité. Rappelons également qu’être cultivé signifie pour les hommes du commun être moderne, donc ceux qui s’adaptent mal avec la technologie sont considérés comme étant incultes. Or, cette appréhension n’est qu’une façade, car la vraie culture c’est avant tout comprendre le sens caché des phénomènes humains. Un esprit cultivé, sans jamais prétendre être un savant, opère avec curiosité pour déceler les origines d’une pratique et la valeur que cela représente pour le peuple concerné. Voici une remarque énoncée par Auguste Comte dans son Système de politique positive : « Quand on compare profondément nos trois principales races, les seules dont la distinction soit vraiment positive, elles présentent des attributs respectifs qui tendront à les rendre équivalentes, lorsque notre complète systématisation utilisera toutes les forces humaines ». Sachons qu’une personne de spécialité littéraire peut très bien disposer d’une culture très riche, c’est-à-dire qu’elle insère dans son arène des connaissances élémentaires sur la science et la technique. En effet, les cultures dans leur diversité constituent également un ensemble de connaissances très intéressant. Pour leur part, les disciplines scientifiques et littéraires forment une richesse très étendue pour notre esprit. En somme, être cultivé signifie s’ouvrir à la culture d’autrui, mais aussi embrasser d’une manière la plus étendue possible toutes les branches de la connaissance. Jean-Paul Sartre propose cette description dans L’existentialisme est un humanisme : « L’homme n’est rien d’autre que son projet, il n’existe que dans la mesure où il se réalise, il n’est donc rien d’autre que l’ensemble de ses actes, rien d’autre que sa vie ».
Conclusion
La culture se reflète surtout au niveau de l’humain, c’est-à-dire une façon de penser qui est intériorisée pendant des générations, et se dévoile par des gestes et comportements typiques. On reconnaît facilement l’identité culturelle d’un individu par des signes tangibles tels que la langue, le code vestimentaire ou encore les traits physiologiques. Pour sa part, la science est la forme la mieux élaborée du savoir, dépassant les mythes et les dogmes, car elle dispose de cette forme cohérente pouvant être comprise universellement. Un homme cultivé ne dispose pas forcément de diplômes et de grades impressionnants, mais s’efforce continuellement d’assouvir sa curiosité sur les phénomènes, ce qui lui fait pencher nécessairement à la science et à la technique. Un esprit cultivé ressemble alors de très près à l’esprit d’un scientifique, par ce désir de savoir et de comprendre les mécanismes. Une culture donnée peut-elle être dépourvue d’une technique qui lui est propre ?