Dissertation de Philosophie (corrigé)
Introduction
La politique signifie d’une manière traditionnelle, l’art de gérer la cité ou l’État dans son sens moderne. Il s’agit d’organiser une harmonie entre les différents éléments tant humains que matériels qui composent la vie en communauté. On peut déjà alors entrevoir que ce n’est pas une mince affaire, car il faut maîtriser la nature volatile de l’homme et réduire toute contingence. Cette gestion demande alors un esprit particulièrement pragmatique, soit un esprit qui considère que la fin justifie les moyens les plus efficaces. Toutefois, l’homme politique peut-il agir en dehors de l’État? On peut comprendre par exemple que le souverain puisse faire preuve d’immoralité pour renforcer son pouvoir en vue de l’intérêt général, mais ce pouvoir peut-il en droit dépasser les limites autorisées par l’État étant donné qu’il est censé être au service de ce dernier ? Pourtant, on ne peut nier le pragmatisme du Machiavélisme quand il s’agit de gérer à travers l’illégalité, ce que la légalité n’observe pas et peut manquer de résoudre. Comment dès lors servir au mieux les intérêts de l’État si on se prive des moyens qui peuvent les servir efficacement ? Afin de répondre à ce problème, considérons le plan suivant. Premièrement, demandons-nous pourquoi par principe l’homme politique ne peut agir au-dessus du système légal de l’État. Deuxièmement toutefois, considérons aussi pourquoi dans les faits ce n’est pas toujours le cas. Puis finalement, il faut remarquer pourquoi en droit l’homme politique devrait garder une autonomie rationnelle vis-à-vis de l’État pour mieux le servir.
I) L’homme politique ne peut en droit agir en dehors de l’État
1. Un homme politique qui agit en dehors de l’État manifeste une contradiction de principe
L’État est la forme moderne de l’organisation politique. Cette organisation fonctionne à partir de règles qui définissent les rapports entre les individus qui la composent. Agir en dehors de l’État serait donc agir en dehors de ces règles. De ce fait, si l’homme politique est celui qui est engagé dans cette organisation à travers une certaine responsabilité, il ne peut donc outrepasser ces règles. En effet, définissons d’abord ce que devrait être, à travers les termes, un homme politique. Un homme politique est généralement considéré comme un citoyen qui a la responsabilité d’un pouvoir politique. On pense ici aux fonctionnaires publiques qui participent au gouvernement. Ce pouvoir varie d’un degré à un autre selon les responsabilités que sa fonction demande. Toutefois, cette variété sert la même fin : l’intérêt public. En principe, il n’est donc pas envisageable qu’un homme politique puisse agir en dehors de l’État puisque son pouvoir, étant encadré par les règles de l’État, devrait essentiellement servir ce dernier. Agir en dehors de l’État ne peut donc être considérée que comme une trahison permise par un abus de pouvoir.
2. Les actions de l’homme politique sont déterminées par la légitimité de son pouvoir politique
Considérons deuxièmement que toute action de l’homme politique devrait répondre aux fondements de son État sans qui elle n’aurait aucune légitimité. Partons du fait que la vie de l’État ne s’est pas organisée arbitrairement. Elle est le produit historique de la communauté des hommes réglementée par l’idée de droit. Ce dernier est un ensemble de règles de conduite qui définit ce qui est permis, interdit et obligatoire, tirées de principes qui devraient dépasser l’individu. En ce sens, l’homme politique ne peut agir en dehors des principes qui fondent son pouvoir, car il n’en est que le médium et non le maître. Le souverain ne peut par exemple commander les hommes sans qu’il prétende manifester la « volonté » des lois divines, des traditions sacrées, des principes démocratiques ou des principes rationnels.
Il est donc clair qu’en droit, l’homme politique ne peut servir l’État qu’en étant soumis à lui. Pourtant, que remarquer alors à travers l’idée péjorative de la politique comme uniquement un moyen de conserver et d’augmenter le pouvoir si ce n’est que dans les faits de certains souverains l’idée d’homme politique qui sert religieusement l’État n’est qu’une utopie ?
II) Dans les faits, l’homme politique peut agir en dehors de l’État
1. Dans les faits, l’homme qui a un certain pouvoir politique peut user de celui-ci pour agir en vue de ses propres intérêts
Premièrement, il faut noter que l’homme politique est avant tout, en tant qu’homme, un être mue par les forces du désir que sont les passions. Le problème est que comme le pouvoir politique est nécessairement délégué dans différentes responsabilités qui forment naturellement des hiérarchies avec les privilèges et les honneurs qui s’ensuivent, l’individu peut y voir des opportunités d’en abuser pour ne servir que ses désirs personnels. En effet, il ne faut pas oublier que la politique est aussi le terrain de jeu parfait pour les hommes qui sont mus par le désir d’acquérir toujours plus. Ceux qui se sont nourris de l’aspect pragmatique de la philosophie de Machiavel connaissent bien l’arte dello stato ou comment conquérir et conserver le plus longtemps possible sa conquête. Machiavel est un de ces rares penseurs humanistes de son époque à avoir l’audace d’examiner l’aspect dépoli des jeux du pouvoir qu’est en grande partie la vie politique. En effet, il ne se froisse pas les yeux à examiner avec une mesure rigoureuse les rouages vicieux des stratégies calculatrices de l’homme de pouvoir à émanciper celui-ci et à le garder scrupuleusement. Violence, tromperie, coup bas, intimidation, tels sont les outils nécessaires à la bonne maîtrise des passions de l’homme que sont l’avidité, l’amour de la gloire, l’envie, la colère et la peur pour la pérennité de sa propre souveraineté (la possession du pouvoir) dans les coulisses du théâtre politique.
2. L’homme politique transcende doit faire preuve de pragmatisme même au-delà des règles officielles
Si agir en dehors de l’État signifie essentiellement user de moyens illégaux, alors, d’une manière pragmatique, l’homme politique peut contourner les règles de la cité dans l’intérêt général de celle-ci. En effet, si gérer la cité demande que la politique soit l’art de gouverner et non le simple fait presque passif de surveiller le système légal, un homme politique se doit dans un certain esprit un homme d’action. Ce dernier est défini par Machiavel comme un homme qui sait saisir l’opportunité d’une situation. Le fait est que les règles formelles de l’État dans leur généralité prescrivent des situations idéales. Elles prescrivent à partir de l’observation de ce qui doit être et manque parfois de considérer les rouages concrets de la vie de l’État qui sont de loin plus complexes que l’esprit rationnel peut concevoir. C’est pourquoi l’action politique qui veut être effective ne peut être réglée par des principes abstraits et rigides dans le souci d’une intégrité religieuse, mais doit convenir à l’égard de la fortune que les situations offrent en temps réel. Ainsi, on n’objectera pas toujours que l’action malhonnête est indigne de l’homme politique quand certaines situations comme les échanges diplomatiques ou les discours publics cruciaux, pour convaincre, demandent un certain sens du paraître.
L’homme politique peut être donc, dans les faits, différent du cadre idéal que l’État conçoit de lui. Ce fait nous permet d’ailleurs de considérer que tout homme politique devrait avoir une certaine autonomie rationnelle vis-à-vis des mécanismes tant idéaux ou supposés concrets de l’État afin d’en être mieux responsable.
III) L’homme politique devrait avoir conscience de sa responsabilité politique
1. Le véritable homme politique ne sert pas aveuglément l’État
Au fond, servir l’État n’a aucun sens si on ne comprend pas ni qu’on n’envisage pas les enjeux de ses humeurs d’actualités sur le bien-être général. Les humeurs selon la conception machiavélienne sont les aspirations collectives parfois harmonieuses, parfois conflictuelles au cœur de la vie de l’État. Par conséquent, si on manque d’avoir une emprise rationnelle sur eux, on est moins un responsable politique qu’un instrument au service de leur force aveugle. En effet, convenir aux humeurs est tendancieux, mais il est vital d’en être le plus conscient possible. On remarquera à cet égard les situations historiques où elles ont été canalisées par des fins totalitaires. Hitler a su saisir habilement l’opportunité de l’humeur d’un peuple humilié et bouleversé par la défaite de la Grande Guerre pour asseoir une idéologie aux promesses revigorantes. Le pragmatisme de ce stratagème n’est pas à discuter, mais l’aspect moral de l’instrumentalisation du peuple est honteux. Ici, l’homme politique doit se demander qui il sert véritablement soit si c’est une machine aveugle ou une structure d’êtres autonomes. S’il considère que le second mérite d’être sa fin ultime alors il a le devoir de désobéir aux régimes illégitimes. Mais il faut remarquer toutefois que, bien que la désobéissance civile paraisse au premier regard un acte d’insubordination envers l’État, il ne s’agit pas d’une manifestation impulsive qui se donne le droit de maltraiter le bien public pour attirer l’attention du gouvernement. La désobéissance civile vise en soi la conscience collective et non l’anarchie qui est la neutralisation absolue de l’État. Il s’agit de servir l’État en le libérant de l’illusion idéologique ni plus ni moins.
2. L’homme politique devrait participer aux affaires de l’État d’une manière autonome, car il sert une cité d’homme et non de simple chose
Puis fondamentalement, il faut repenser l’idée d’homme politique. Il devrait moins s’agir d’un rôle défini qu’un état d’esprit responsable, car la politique est en droit l’intérêt de tous citoyens. Considérons cette brillante expression du Comte de Montalembert: « Vous avez beau ne pas vous occuper de la politique, la politique s’occupe de vous tout de même ». Cette expression qui implique l’impossibilité d’une vie sociale sans politique avertit le citoyen de sa passivité vis-à-vis des affaires de l’État qui le gouverne. Cette passivité est l’opportunité parfaite de la politique dans sa connotation péjorative de politicienne à agir sur la conscience collective. Le citoyen mal informé dû à son manque de culture politique devient les instruments des politiciens corrompus alors qu’il devrait être la fin même des affaires politiques. En ce sens, l’esprit politique doit faire partie de la vie citoyenne. Selon Aristote, le souci politique est même des plus naturels à l’homme en ce sens que la rationalité du langage est tributaire des discussions politiques de l’homme, soit fondamentalement des discussions sur la gestion de la vie en communauté. Le principe est donc de rester un acteur autonome de son État. Il s’agit de considérer d’une manière responsable l’évolution de ce dernier et ceci peut-être à travers la participation aux débats publics comme la suggestion d’Habermas ou plus simplement de mesurer l’impact de ses actes individuels sur le niveau national comme l’esprit foucaldien. Dans tous les cas, il s’agit d’être un citoyen au sens éthique du terme et non d’être un mouton.
Conclusion
Le problème était de situer la véritable position de l’homme politique vis-à-vis de l’État tant agir pour celui-ci demande en droit de le respecter religieusement et en fait de faire preuve de pragmatisme qui demande parfois d’ignorer ses cadres. En effet, il nous a d’abord paru d’une manière logique que, puisque l’État représente le pouvoir politique à travers ses règles, celui qui tient à le servir devrait donc ne pas sortir des cadres de ce dernier. Ici, agir en dehors de l’État serait donc en droit de trahir l’État. Cependant, dans les faits, la situation est loin d’être idéale. Les considérations du pouvoir politique présentent des opportunités attrayantes pour ceux qui désirent plus que tout arriver à leurs fins personnelles. Les corruptions ne sont pas, dès lors, rares. Pour celui qui tient quand même à l’intérêt de l’État, il ne peut absolument agir d’une manière efficace sans considérer de dépasser les règles officielles. L’homme politique doit être un homme d’action qui sait saisir les opportunités en usant des moyens pouvant être illégaux. Ce qui, au fond, manifeste la possibilité d’une transcendance sur l’État ; une transcendance qui est à conserver pour le salut de notre autonomie et se prémunir de la honteuse instrumentalisation du régime totalitaire. L’idée d’homme politique finalement n’est qu’un symbole, car chacun devrait participer à sa manière à la vie de l’État tant qu’il se considère comme un citoyen fort de son sens de responsabilité.