Dissertation de Philosophie (corrigé)
Introduction
Le Roman 1984 de George Orwell nous parle d’une réalité alternative dystopique où le totalitarisme règne sur l’individu dans l’absolu. Elle nous fait observer la vulnérabilité de notre idéal de liberté face à la toute puissance du pouvoir politique qu’est l’Etat, si celui-ci décidait de finalement tout contrôler. L’idée que l’Etat en tant que tel est un contrôle de la vie collective et qui s’oppose à la liberté n’est pas rare dans les interprétations fictives de l’histoire de la société humaine. Mais qu’en est-il véritablement en réalité ? L’Etat peut-il vraiment se passer de respecter la liberté de ses membres individuels dans son propre intérêt ? Les rébellions historiques qui sont interprétées dans les livres d’histoire comme des renversements de la dictature semblent répondre négativement. Ce qui paraît pertinent dans la mesure où la liberté n’advient que par son obstacle. Il n’y aurait de rébellion que s’il n’y avait pas la volonté de s’opposer à une contrainte. Quelque chose dans le fondement de l’Etat doit donc rendre compte d’un esprit de choix pour que celui-ci ne stimule pas les envies de rébellion. Toutefois, la liberté n’est-elle pas en quelque sorte problématique vis-à-vis de la nature coercitive des lois du pouvoir politique ? La loi si elle est une impérative demande-t-elle moins notre choix que notre obéissance inconditionnelle ? Pour répondre à ces interrogations, nous allons procéder par le développement suivant. Dans une première partie, nous expliquerons en détail pourquoi la liberté est fondamentale au maintien de l’État. Dans une seconde partie, nous explorerons aussi l’idée que L’Etat puisse être au contraire liberticide. Enfin, dans une dernière partie, dans la tentative de dépasser la problématique, il nous semblera pertinent de faire quelques éclaircissements sur la place de la loi dans l’Etat et son rapport d’autonomie avec la liberté plus que d’hétéronomie.
I) La liberté est fondamentale à l’Etat
1.L’Etat doit respecter l’indépendance de l’homme
L’Etat représente le Pouvoir politique qui s’applique sur la vie collective des hommes et non sur de simples objets à organiser d’une manière strictement déterminée. En ce sens, l’Etat doit respecter la dignité humaine de l’indépendance. Ce n’est d’ailleurs pas par pure conventionalité que tous les articles de la déclaration universelle des droits de l’homme découlent rationnellement du principe que tout homme est fondamentalement libre. L’idée de donner droit à la liberté est la reconnaissance que l’homme diffère du simple objet par le fait qu’il soit doué de conscience. De ce fait, il n’agit pas toujours par pure nécessité mais se donne la volonté des fins. Il s’ensuit qu’entre les hommes une volonté ne doit pas dominer une autre, car il faut considérer que celui qui est soumis pourrait ressentir négativement que sa dignité d’homme soit perdue. Si l’homme n’était soumis que par le seul déterminisme naturel, il n’y aurait pas de problème mais la soumission morale est lourde dans son sentiment, qui est celui d’être humilié. Si l’Etat ne respecte pas ce droit à l’indépendance, il ne respecte donc pas l’humanité de ceux qu’il organise.
2.L’Etat vient de la volonté des hommes à être libre
Par ailleurs, l’institution de l’Etat vient de la volonté d’une liberté, celle de l’affranchissement de l’État de nature. L’État de nature est l’hypothèse d’une vie primitive des rapports entre hommes. Cette hypothèse de Thomas Hobbes semble ne dessiner que le chaos et la misère de la guerre de tous contre tous. Il n’y a dans cet état aucune forme de liberté, ni dans la conscience qui doit se méfier constamment du désir vicieux d’autrui, ni dans les faits qui soumettent l’instinct de survie à répondre par la violence pour dominer autrui. Dès qu’on peut imaginer cet état qui peut d’ailleurs en partie concrètement s’observer dans les terribles conditions des guerres civiles plongeant les hommes dans le chaos, on peut comprendre à quel point la liberté nous est chèrement permise dans l’Etat de droit. Les droits qui réglementent nos conduites font que chacun ait des libertés qui ne puissent s’empiéter entre elles.
L’Etat semble ne pouvoir alors que respecter la liberté pour son propre intérêt. Cependant, cela n’est-il pas contradictoire au fait que l’Etat soit un pouvoir politique, car il organise les hommes par l’impérativité de la loi ?
II) Le Pouvoir politique de l’Etat est une autorité qui s’exerce sur la vie individus
1.L’Etat est autoritaire
Le caractère de l’Etat est d’exercer son pouvoir sur les individus. L’Etat est, n’oublions pas, une organisation qui suit avant tout des principes constitutionnels et se doit de les rendre effectifs à travers les règles du droit positif. Ces derniers sont les cadres impératifs qui réglementent la vie en société en définissant ce qui est permis, interdit et obligé d’une manière formelle. Ainsi, à travers le statut de citoyen, l’individu est administré par l’Etat en tant qu’un membre fonctionnel où des devoirs et des responsabilités lui seront fixés indépendamment de ses désirs personnels. Les rapports entre individus particuliers par exemple sont limités par le cadre du code civil. Un individu ne peut librement choisir son conjoint ou sa conjointe si certaines caractéristiques du mariage sont prescrites dans le code. Aussi personnel soit le choix des deux individus adultes, certains types de mariage comme le mariage homosexuel peut être interdit dans un Etat et permis dans d’autres.
2.Pour établir l’ordre et la sécurité, l’Etat doit user de la coercition
En principe, l’Etat doit rendre prioritaires l’ordre et la sécurité au-dessus de la liberté individuelle. Ce qui implique qu’il doit user d’une certaine forme de coercition sur celle-ci. L’Etat ne peut seulement se permettre de prescrire le devoir des individus, mais il doit aussi les rendre effectifs en tout temps et en tous lieux. En effet, la seule confiance au bon sens des individus est insuffisante car ceux-ci ne sont pas tout le temps raisonnables. Et s’ils le paraissent, il faut toujours se méfier de l’impartialité de leur jugement, car ils ne sont à priori jamais objectifs. Les sentiments personnels et les motifs intéressés par leur seule personne ne sont jamais loin des prémisses de leur raisonnement. D’où la nécessité d’imposer la formalité du droit par une figure autoritaire, qu’est la loi et qui doit par ailleurs s’asseoir avec l’exercice d’une certaine force dans les forces de l’ordre. La loi prévient ainsi ceux qui posent leur propre intérêt au-dessus de celui de l’Etat par la menace de l’usage d’une certaine agressivité. Une méthode qui ne peut qu’être nécessaire, car il faut bien comprendre que l’ordre et la sécurité ne peuvent s’établir par eux-mêmes ni par l’instabilité de la seule conscience morale.
L’Etat semble fondamentalement s’opposer à la liberté par son aspect autoritaire qu’il doit nécessairement paraître. Pourtant, au fond si les citoyens peuvent se voir dans l’observation des lois à être obligés qu’à être contraints, n’est-il pas pertinent de souligner la distinction entre le devoir et la contrainte ? Et que par ailleurs que l’Etat représente plus la volonté autonome des individus qu’un pouvoir absolument transcendant ?
III) Les droits qu’impose l’Etat doivent rester des obligations et non des contraintes
1.Le droit supporte la liberté
En fait, loin de s’y opposer, l’Etat supporte la liberté à travers le droit. Si celui-ci paraît contraignant, c’est parce qu’il se doit de l’être en apparence. Il faut observer le véritable vœu du droit avant de juger l’État d’être liberticide. L’émergence de l’Etat de droit montre que le droit est un affranchissement. Il est l’affranchissement de l’autorité arbitraire des hommes entre eux. Les hommes dans l’Etat de droit ne devraient pas obéir à d’autres hommes, mais seulement à l’objectivité des lois. Par l’idée d’obéissance aux lois , on ne tire souvent que l’aspect coercitif, d’où l’idée que la loi serait le tombeau de la liberté. Il convient de remarquer cette différence-ci que le droit prescrit une obligation et ne décrit pas la simple contrainte des faits. La contrainte fait l’usage d’une violence physique ou morale pour dominer l’individu. Elle ne demande pas l’accord de notre volonté, car elle le dépasse. La contrainte demande directement la réponse instinctive de la crainte. Contrairement à elle, l’obligation prescrit ce qui doit être. Elle parle à notre autonomie en demandant d’observer les choses d’une manière responsable. L’opposition n’est donc pas véritablement entre autorité et liberté mais entre maîtrise et manque de contrôle. L’individu sans loi n’est pas plus libre que l’animal déterminé par ses instincts naturels. La loi paraît certes agir d’une manière hétéronome, mais elle nous rappelle qu’on est des êtres conscients qui peuvent faire preuve de maîtrise de soi. En ce qui concerne la violence de la loi, elle n’est pas gratuite à l’encontre de notre liberté. La séquestration a pour visée de nous maîtriser dans nos moments impulsifs jusqu’à ce que nous reprenons contrôle de nous même.
2.Les droits doivent être justifiés d’une manière rationnelle
Néanmoins, la loi est la loi en ce sens qu’il doit être obéi. Ce qui demande donc leur justification par respect à la dignité de l’indépendance morale des hommes à qui elle s’applique. Les justifications de son obéissance sont multiples, elle peut fonder sa légitimité dans des principes coutumiers, rationalistes ou divins. Ces justifications doivent au moins respecter la lumière de la raison. Principalement, elles ne doivent porter en elles aucune contradiction et ceci dans l’enchaînement de ses déclarations qui découle de ses premières constitutions. Par exemple, le droit civil doit avoir une certaine continuité logique avec le droit constitutionnel. Par ailleurs, la formulation du droit doit être transparente à l’observation rationnelle en ce sens qu’il ne doit pas avoir de termes ambigus ni vagues et les propos doivent être pertinents dans leur cohérence et dans leur pratique aux situations auxquelles le droit veut s’appliquer. Il s’agit ici encore une fois de rendre grâce à l’autonomie qui ne se réalise pleinement sans l’observation d’informations honnêtes. Ainsi, deux options nous sont principalement offertes. Soit, nous faisons de la loi notre propre loi, car nous la jugeons comme étant assez rationnelle. Soit, dans le cas où elle ne répond pas à l’exigence de la raison, on a le devoir de la désobéissance dans la conscience des responsabilités qui s’ensuivent.
Conclusion
L’Etat respectant la liberté peut-il se passer de son autorité ? Tel était le résumé de notre problématique. Dans sa réponse, nous avons considéré que la liberté est fondamentale à la légitimité humaniste de l’Etat. L’Etat doit maintenir l’indépendance de ses membres, car ceux-ci ne sont pas à traiter comme des objets mais des êtres doués de volontés. L’Etat est d’ailleurs la réalisation de cette volonté dans l’affranchissement de la vie sauvage où chacun est nu face à l’humiliation de la domination de chacun. Si dans l’État, il faut alors obéir aux lois, l’impression de cette obéissance peut renvoyer à la contrainte. Les lois semblent transcender notre volonté et si l’Etat a pour souci l’ordre et la sécurité, elles doivent être strictes et accompagnées d’une force de coercition pour les moins raisonnables. Finalement, il faut justement distinguer loi et contrainte du fait que le premier demande l’obligation et non le simple effet naturel. La loi a ses justifications, mais celle-ci qui est fondée dans le respect de l’autonomie de la personne humaine et de la raison soutenant cette autonomie, doit faire preuve de rationalité dans ses propos. Le véritable État est celui qui rappelle qu’il est la volonté autonome des hommes à se respecter entre leur dignité humaine. Dignité qui est essentiellement la conscience.