Dissertation de Philosophie (corrigé)
Introduction
Dans la genèse chrétienne, suite au péché originel, Dieu a privé l’homme de l’abondance de l’Eden et l’a condamné à dépendre de la peine du travail pour survivre dans un environnement hostile. Le sens est symbolique de la condition humaine du travail. En toute rigueur, travailler signifie faire l’effort d’une volonté physique ou mentale significative en vue d’une production. Cependant, il est d’usage de penser que le travail est le moyen de gagner sa vie. On se demande dès lors si le travail est un droit naturel. C’est-à-dire, si le travail ne peut nous être enlevé, car il constitue un accès à une vie humaine décente. Cependant, que penser véritablement du travail quand des perspectives ne soulignent plus son aspect contraignant ? Où est la décence dans la servitude d’un ordre qui s’impose ? Le droit n’est-il pas l’ordre d’une volonté morale et consciente alors que le travail est de l’ordre du nécessaire ? En résumé, comment penser le travail à travers ces perspectives morales contradictoires ? Aussi, pour répondre à cela, nous allons premièrement développer pourquoi le travail serait un droit de l’homme. Ensuite deuxièmement, nous verrons pourquoi le caractère naturel du travail est contraire même à l’idée de droit et ne peut être donc érigé en ce dernier. Puis finalement, on éclaircira la véritable nature du travail et verra que le travail est un droit qui dépasse la dimension individuelle.
I) Le travail est un droit de l’homme
1. Le travail est la justice de la nature envers l’homme
Si le droit naturel est la nature raisonnable des choses, vis-à-vis de la raison qui observe la nature, le don naturel du travail est une certaine justice. Une justice envers l’homme qui a subi un tort. Celui de la constitution fragile de son corps. Le corps humain est particulièrement vulnérable à la nature dans son état naturel. L’homme n’est ni doté de crocs ni de griffes pour pouvoir instinctivement chasser ou répondre à la violence. Il n’est pas doté de fourrure ni de sang chaud pour supporter la moindre brise froide. C’est comme si les fonctions du seul corps n’étaient pas complètes pour faire face à la nature qui ordonne pourtant les choses d’une manière qui lui est adéquate. Est-ce dire que la nature aurait fait preuve d’une erreur en produisant un accident ? Il semble que l’idée que la nature ne fasse rien en vain reste pertinente. Elle a doté l’homme de l’intelligence qui est une faculté qui compense les limites du seul mécanisme corporel de l’homme. L’intelligence est la capacité naturelle de l’homme à voir dans la nature le moyen de s’opposer à la brutalité de cette dernière. L’intelligence permet à l’homme de ruser la nature pour faire face à la nature. Cette intelligence prend corps dans le travail de l’homme par l’usage de la technique. Travailler, c’est faire usage d’une ingéniosité. Il s’agit de d’user efficacement de son énergie en vue d’une fin. Ainsi, l’homme fabrique des outils de chasse et de défenses, des technologies de production et de conservation qui garantissent la survie durant les différentes saisons et des abris pour se protéger des intempéries.
2. Travailler c’est préserver sa dignité d’homme
Un homme qui ne travaille pas est souvent moralement mal perçu, car il n’aurait aucune dignité. En effet, le travail a une image morale. Cette image est celle de l’effort d’autonomie, soit de l’indépendance vis-à-vis des autres. Pour l’homme, il n’est pas rare de se sentir humilié dans la conscience de sa dépendance. C’est que le sentiment de la volonté est cher à l’homme. Celui-ci lui permet de se sentir libre en ne devant rien à autrui. Ainsi, l’homme qui travaille se donne l’honneur de gagner sa vie par ses propres efforts. S’il se soumet aux autres, ce n’est que par discipline envers le devoir de satisfaire une demande et non par pure contrainte. Le droit naturel au travail serait donc un moyen pour l’homme de faire reconnaître sa dignité tant à autrui qu’à lui-même.
Comme le travail est le propre de l’homme, car il lui permet d’exploiter son potentiel naturel et lui confère une dignité, il semble qu’il lui soit donc un droit naturel. Toutefois, l’idée d’un droit au travail n’est-il pas vide du fait que le travail soit une nécessité naturelle qui est donc indépendante de la volonté morale qui soutient tout droit ?
II) Le droit au travail est moins un droit qu’un fait
1. Le travail qui est un fait ne peut être un droit
Soulignons d’abord le caractère naturel du travail. L’homme qui travaille est une réponse originale à l’exigence des besoins naturels et si l’effort et l’ingéniosité sont à l’œuvre, ce n’est que pour les surmonter. Effectivement, au cours d’un long processus naturel d’assimilation et d’accommodation vis-à-vis de l’environnement naturel, l’homme a pu développer l’entendement de l’ordre et l’ingéniosité technique. La réponse au mystère de la vulnérabilité de l’homme face à la nature n’est pas l’idée d’un accident naturel. Le fait que l’homme dans sa nudité soit fragile est le produit d’une dépendance à la technique plutôt qu’un a priori naturel. Par des comparaisons génétiques, nos ancêtres ont bien été dotés d’un corps robuste pouvant au minimum supporter les intempéries et muni d’une dentition et d’un système digestif capable de manger cru. Ce n’est que par la sédentarité produite par le confort technique que l’homme s’est rendu à l’état actuel de sa fragilité. Toutefois, si l’homme a perdu en robustesse physique, il a gagné une richesse et une intelligence technique plus ingénieuses. C’est pourquoi, l’avènement du travail est en soi naturel. Mais alors, si le travail est un fait de nature, il ne peut être un droit. Le fait est ce qui s’impose en s’opposant parfois à nôtre volonté, il est de l’ordre du nécessaire. Le droit est un cadre idéal qui prescrit ce à quoi l’homme doit aspirer à être en vertu de la culture. Il est de l’ordre du devoir d’être. On ne peut pas fonder la nature sur le droit, car ce serait absurde de devoir faire ce qui s’impose nécessairement. Mais encore, ce serait chaotique, car il faut au contraire maîtriser notre nature impulsive pour garantir l’ordre tant personnel que social.
2. Le travail est une charge de la nature
Un droit naturel est généralement perçu positivement par le fait qu’il confère une dignité humaine. Or, demandons-nous pourquoi le travail peut-être d’usage perçu négativement en étant connoté par l’idée de charge ou de contrainte. Il est une contrainte, car son épreuve requiert une tension mentale et physique relativement astreignante pour servir les besoins de la nature ou de la vie en société. On travaille pour survivre ou pour garantir un certain confort de vie défini par la culture social et non par pur plaisir. En plus du fait que l’effort de travail soit pénible, le travail est même une condition sisyphienne quand on pense que la perspective de nécessairement gagner sa vie nous enchaîne à un cycle infernal. On travaille, on produit, on consomme et on répète la boucle jusqu’à ce que l’on redevienne poussière. Ce cycle ne s’arrête pas et on s’y complait.
Il apparaît que le travail ne peut être érigé en droit, car il est un fait naturel. De plus, il semble qu’il n’y a rien de digne dans son caractère asservissant. Cependant est-ce véritablement la faute de l’acte du travail en soi ou les concepts de valeurs qu’on lui attribue ?
III) le travail est plus un droit moral qu’un droit naturel
1. L’usage du concept du travail renvoie à des valeurs culturelles
Le travail en tant que mécanisme naturel plus ou moins sophistiqué n’a aucune forme objective qui le définit comme le propre de l’homme. Toutefois, la perception qui définit le travail comme un simple ordre naturel, manque d’apprécier cette partie où le travail « vise » une fin. Le travail n’est pas soumis au simple déterminisme, il use de ce déterminisme pour un projet. D’où l’importance de souligner aussi l’idée de volonté et d’effort qui soutiennent l’activité ouvrière. Ceci pour dire que le sens du concept des valeurs voit dans cette volonté de l’effort différentes directions finalistes. Pour certains, la volonté de l’effort du travail vise à surmonter les obstacles de la nature ou de la compétition commerciale de la société, d’où la valeur du travail comme servitude à l’idée d’une survie ou au rêve d’une certaine valeur sociale. Pour d’autres, cette volonté peut-être même pensée comme un accomplissement individuel qui procure un certain plaisir. Il s’ensuit inévitablement que le travail s’il a de proprement humain, c’est qu’il sert une valeur relative aux fins que l’homme se donne.
2. Le travail est un droit moral
Le travail ne peut à proprement parler être un droit naturel dans le sens strict de la visée de ce dernier. Le droit naturel a pour visée de respecter la dignité humaine de l’individu. En ce sens, il fait de sa priorité les libertés individuelles. Or l’acte du travail ne peut que dépasser cette seule dimension individuelle tant que l’individu évolue dans la vie collective. Il faut aussi penser au fait que celui qui ne travaille pas dans une société donnée se nourrirait alors nécessairement du travail des autres en toute impunité sans un certain droit. Il y a dans la société une richesse collective qui s’est accumulée par la contribution historique de ces membres et la prospérité de la société ne peut faire l’économie des échanges de services et de biens. Il est dès lors dangereux de se sentir intitulé par le seul fait de ses droits naturels individuels, de son confort sans reconnaître qu’il est redevable en quelque sorte de la société qui procure ce confort. Il faut penser par l’acte du travail une participation sociale non-négligeable de sorte qu’il devienne un devoir. Plus exactement, le droit du travail doit être une prescription morale qui souligne l’éthique de l’altruisme.
Conclusion
Comment penser le droit naturel du travail si celui-ci peut-être à la fois ressenti comme une contrainte naturelle et procurer la dignité d’homme? Il nous a effectivement paru qu’un droit naturel du travail ne peut qu’être pertinent, car il est dans l’ordre de la nature ce qui nous est donné pour survivre. De plus, le travail nous permet de préserver notre dignité humaine car dans son effort, nous soulignons notre indépendance. Toutefois, l’idée d’un droit naturel du travail pose le problème du concept même du droit. Le travail est semble-t-il un fait pénible qui s’impose dans la contrainte, alors que le droit demande le choix en tant qu’il est une obligation. En fait, le travail, s’il est en soi naturel, ne s’y limite pas dans sa nature finaliste. Le travail n’a donc pas un sens objectif,mais des valeurs culturelles. Une de ces valeurs, sa valeur sociale, lui donne la légitimité d’être un droit fondé sur une obligation altruiste. Travailler en dehors de ses valeurs qui portent essentiellement sur l’individu est une participation à l’édifice humain de la société.