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Le respect de la morale est-il une preuve de liberté ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

La crise des sociétés occidentales s’explique par la dissolution des principes moraux pour être remplacée par de nouvelles valeurs, notamment la liberté. Appuyé principalement par le culte de la raison, la liberté voudrait se manifester concrètement dans les moindres détails de notre quotidien. Mais la morale se fraie encore sa place lorsque la confiance entre les individus est menacée, bloquant ainsi la fluidité des relations économiques et interpersonnelles. Il est vrai que la liberté s’avère efficace dans l’avancement vers la majorité, puisqu’elle permet d’avoir une autorité sur soi-même, une responsabilité et une autonomie dans ses propres actions. La morale et la liberté présentent alors leurs rôles respectifs, et les appliquer en même temps engendre parfois des ambiguïtés. Comme le confirme cet extrait de Réflexions sur la vie mutilée de Theodor Adorno : « Parmi les concepts sur lesquels se replia la morale bourgeoise après la dissolution de ses normes religieuses et la formalisation de ses normes autonomes, celui d’authenticité occupe la première place ». Ainsi, la morale est sujette à diverses rectifications afin de pouvoir avancer avec la liberté, cette dernière voulant s’ériger comme principe premier de toutes les actions humaines. La liberté devrait-elle se porter garante de l’obéissance à la morale ? La réponse à cette problématique sera donnée à travers les trois paragraphes qui suivent : d’une part, la conscience morale valide l’action indépendamment de l’efficacité ; d’autre part, l’autorité de la morale est toujours confortée à la clarté des réflexions individuelles ; et pour finir, il serait vain d’obéir aux règles morales à l’intérieur des conditions contraignantes.

I) La morale est acquise dans un environnement social sain

Les règles du savoir-vivre les plus élémentaires reflètent un indice de moralité, ce qui est appris à travers l’éducation des enfants et s’étoffe au cours de l’expérience de toute une vie. Bien que chaque culture dévoile un aspect extérieur par lequel elle définit le bien et le mal, ces entités abstraites présentent toutefois des critères reconnus universellement. Néanmoins, l’éducation morale ne s’acquiert pas nécessairement à travers des leçons académiques : son intériorisation est facilitée par le vécu et l’observation des pratiques dans la société. Ainsi, le bien et le mal ne sont pas des doctrines à apprendre, ils sont incorporés via la participation de la vie sociale. Diderot, dans sa Lettre sur les aveugles, émet le constat suivant : « Je m’aperçus d’abord qu’il avait une aversion prodigieuse pour le vol ; elle naissait en lui de deux causes : de la facilité qu’on avait de le voler sans qu’il s’en aperçût ; et plus encore, peut-être, de celle qu’on avait de l’apercevoir quand il volait ». Antérieures aux lois écrites, les règles morales détiennent une force qui se fait un avec la conscience de l’individu. Il est vrai que le jugement et les châtiments face à des comportements vicieux peuvent redresser l’individu vers le droit chemin. Or, si l’obéissance aux règles morales reposait seulement sur la peur d’être blâmé en public, on ne peut pas parler véritablement de moralité dans ce cas. En effet, la morale consiste en une bonne volonté, sans calculer préalablement les conséquences bonnes ou mauvaises de ces actions, et tant que la conscience les détermine comme propice à la poursuite du bien. C’est le sens même de cette citation de Kant, tirée des Fondements de la métaphysique des mœurs : « Une action accomplie par devoir tire sa valeur morale non pas du but qui doit être atteint par elle, mais de la maxime d’après laquelle elle est décidée ». Ce qui pousse les hommes à écouter et à obéir à la morale est donc l’appel de la conscience. Le devoir, qui est le principe par lequel se manifeste le respect de la morale, est l’acceptation des lois que l’on s’est forgé pour soi-même. Le premier et le seul bénéficiaire d’une vie pleine de moralité est soi-même, et si les autres retiraient quelques avantages de cette bonne conduite, cela ne se serait produit que par le fruit de la contingence. Après tout, tout le monde est libre de se soumettre ou de désobéir aux règles morales, c’est-à-dire que les pressions extérieures de la part de la communauté restent vaines tant que l’individu rejette la moralité selon sa volonté. Ainsi, le rôle de la société demeure dans le cercle de l’éducation morale, mais elle ne peut pas garantir que tous ses membres soient dotés d’un degré supérieur de moralité. C’est pourquoi Sartre affirme ceci dans L’existentialisme est un humanisme : « Humanisme, parce que nous rappelons à l’homme qu’il n’y a d’autre législateur que lui-même, et que c’est dans le délaissement qu’il décidera de lui-même ».

Deux facteurs principaux concourent à bâtir la moralité d’un individu, d’une part l’éducation que la société lui inculque en théorie et en pratique, et d’autre part l’obéissance à l’appel de la conscience. Mais puisque l’obligation morale, dans son effectivité, se traduit par une action, les conséquences de cette dernière impliquent forcément des remises en question.

II) La pensée libre suggère une action libre

La force de la moralité ne s’exerce pas dans une évidence totale, de manière telle que l’individu serait enclin automatiquement à faire le bien en toutes circonstances. Soulignons que l’accomplissement du devoir n’engendre pas nécessairement une suite favorable, lorsque l’effet est observé sous la lumière de la saine raison. Sachant que le Bien, dans le cadre de la morale, se limite uniquement dans l’accomplissement du devoir, le Bien considéré dans l’aspect de la vie quotidienne prend un autre sens. On peut lui assigner des contenus concrets comme l’efficacité, la richesse, ou tout simplement la conservation de la vie où la notion de devoir n’a pas sa place. Comme le stipule ce passage de L’Utilitarisme de John Stuart Mill : « C’est affaire à la morale de nous dire quels sont nos devoirs, ou quel est le critérium qui nous permet de les reconnaître ; mais aucun système de morale n’exige que le seul motif de tous nos actes soit le sentiment du devoir ». Au moment du choisir entre le devoir et l’action efficace, l’individu se penchera vers celui qui lui procure la plus grande satisfaction mentale, c’est-à-dire le bonheur. Cela dit, il doit être libre dans l’exercice de sa pensée, ce qui signifie que la morale sera placée au même rang que les autres options. Ainsi, la liberté de pensée qui est tout à fait conforme avec la raison s’érige comme première instance pour délibérer. Au cas où l’individu choisit une action efficace au détriment de ce qui est prescrit par la morale, alors il s’appuiera sur la force de la raison. Toutefois, une action contraire à la morale engendre nécessairement des conséquences qui lui correspondent. Nietzsche, dans son ouvrage Par-delà le Bien et le Mal, émet la remarque suivante : « Parce que, dans la plupart des cas, la volonté ne s’est exercée que quand l’efficacité du commandement, c’est-à-dire l’obéissance, par conséquent l’action, pouvaient être attendues ». Dans le concret, la liberté précède toute action humaine, puisque c’est la liberté qui active la volonté d’agir. En effet, la volonté est tout le contraire de l’automatisme, car l’homme ne dépend pas du seul mécanisme de la nature. Il est donc de l’essence de l’homme d’agir librement, et les esclaves qui ont perdu leurs droits par usage de la force ne sont pas des hommes par définition. Mais aussi, ceux qui optent pour l’action morale sont des hommes libres, puisque cela résulte d’une réflexion saine de la raison. Le seul cas où l’homme s’enchaîne volontairement serait lors de la suspension de la raison, c’est-à-dire qu’il choisit sur la base des principes obscurs des désirs et des passions. Voici une illustration fournie par Rousseau dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes : « C’est ainsi que les hommes dissolus se livrent à des excès qui leur causent la fièvre et la mort, parce que l’esprit déprave les sens, et que la volonté parle encore quand la nature se tait ».

La liberté de penser réfléchit sur les tenants et aboutissants de la morale, mais aussi sur les conséquences bienheureuses d’une action mesurée. Par définition, la soumission à la morale fait intervenir une obligation, ce qui reflète en apparence une contradiction face à la liberté.

III) La liberté peut se joindre à l’obligation morale

Afin de juger si une action est accomplie selon le devoir, il ne suffit pas d’observer que cela s’est réellement produit par l’intervention de l’agent. Il faut revenir sur la qualité de sa décision, si son intention se réduit à la bonne volonté, c’est-à-dire accomplir le devoir sans l’appui d’un but extérieur. Il est tout à fait possible que l’individu se soit conformé dans cette ligne de conduite, toutefois nous pouvons également affirmer qu’il a agi en toute liberté. Cela dit, la liberté dans ce cas précis renvoie certes à la référence à plusieurs possibilités de choix, mais se résout finalement, en écoutant la voix de la conscience, vers le devoir. C’est le sens même de cet extrait des Méditations métaphysiques de Descartes stipulant : « Car si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai, et ce qui est bon, je ne serai jamais en peine de délibérer quel jugement et quel choix je devrais faire ; et ainsi je serais entièrement libre, sans jamais être indifférent ». C’est cette volonté qui prouve même la liberté, en ce sens que je me soumets librement à cette obligation. En d’autres termes, c’est moi qui pose le devoir comme étant une obligation sur ma propre personne, et je le réalise librement sans qu’une entité extérieure me l’impose. L’exécution d’un devoir doit se faire en toute liberté de conscience, cependant toute action issue d’un choix libre n’est pas forcément conforme à la morale. Néanmoins, tout un chacun peut se dissimuler derrière des actions vertueuses pour des fins personnelles, or cette action effectuée en toute liberté ne constitue aucun sens moral. Comme disait Hegel dans son Encyclopédie des sciences philosophiques : « Le Bien doit être réalisé, on a à travailler à le produire et la volonté n’est que le Bien en train de se manifester activement. Mais si alors le monde était comme il doit être, l’activité de la volonté disparaît par-là ». Tout compte fait, l’accomplissement du devoir est l’action libre par excellence, parce qu’elle émane de la qualité morale de l’homme. Bien que la société participe considérablement dans la formation de cet attribut chez l’individu, il relève de la nature de l’homme d’accepter les règles de la morale. Quant au fait de choisir d’autres options que le devoir, il s’agit également d’un autre type de liberté tel qu’il est compris et appliqué par le commun de mortel. Toutefois, c’est un choix motivé par des raisons extérieures et qui oriente indirectement vers d’autres buts intéressants certes, mais fortuits. « Telle est cette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que les hommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent », constate Spinoza dans sa Lettre à Schuller.

Conclusion

Tout être humain, quelle que soit son appartenance culturelle, reconnaît les notions du bien et du mal et se les représente à travers des règles dotées de moralité. L’obéissance à la morale concerne l’individu en particulier, bien que l’ensemble de la société dénote une grande importance quant à l’application de cette moralité. La liberté de choisir implique néanmoins la liberté d’agir, bien que les préceptes de la morale s’annoncent en toute clarté en notre for intérieur. L’individu délibèrera à travers un choix raisonné où, d’un côté, il y a l’impératif du devoir, et de l’autre côté les conséquences qu’il subira personnellement suite à ses actions. L’obligation morale se manifeste chez un agent libre, autrement dit il ne possède que la prérogative de la conscience pour guider ses actions. L’obligation morale et la liberté doivent aller de pair, de sorte que l’obligation doit rencontrer la volonté à agir de la part du sujet. Peut-on nier la morale au nom de la liberté ?

 

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