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La technique va-t-elle de pair avec le travail ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

Grâce à la société, l’homme a institué plusieurs conditions pour qu’il soit possible de cohabiter harmonieusement avec ses semblables. Mais aussi, il réfléchit aux moyens les plus efficients pour s’adapter au monde physique en vue d’entretenir confortablement tous les membres de la société. C’est à travers la technique que l’homme a pu laisser des héritages matériels et culturels à ses descendants, et qu’il a pu assurer sa survie face aux aléas de la nature. Toutefois, il doit également penser aux rapports avec ses semblables, en monnayant ses ouvrages par une contrepartie. Puisque chacun ne dispose pas des mêmes capacités à transformer efficacement la nature selon ses besoins, la vie en société doit s’opérer par un échange. « C’est ce que fait celui qui propose à un autre un marché quelconque : donnez-moi ce dont j’ai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-mêmes ; et la plus grande partie de ces bons offices qui nous sont si nécessaires s’obtient de cette façon », déclare Adam Smith dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations. Bien que la technique que j’ai conçue me soit très utile, je dois alors penser à ce qui pourrait être utile aux autres, et cela pour mon propre avantage. La technique n’aurait-elle pas de valeur si ses fruits ne peuvent être vendus ? La réponse à cette problématique sera détaillée à travers les trois paragraphes qui suivent : premièrement, la technique est un pont qui relie l’intelligence humaine et le potentiel de la nature ; deuxièmement, le travail pallie les différentes valeurs créées par l’homme ; et troisièmement, le technique présente une valeur qui s’extériorise par le travail.

I) La technique rend service à l’homme en transformant la nature

De par sa nature animale, l’homme doit recourir aux ressources déployées par la nature pour pouvoir survivre, tout en s’adaptant aux conditions de son environnement naturel. Ce mode d’adaptation ne se fait pas pourtant de manière quelconque, mais par les possibilités offertes par son corps. Quel que soit le degré de l’intelligence de l’homme, il ne peut pas faire abstraction de sa technique corporelle, de sorte qu’il peut très bien transformer indéfiniment la nature, mais pas son corps. Ainsi, l’intelligence est conditionnée tout d’abord par le corps humain, et nous pouvons même affirmer que l’intelligence se comprend notamment dans cette manière ingénieuse de rattacher le corps à la nature. C’est ainsi que la première machine naquit, qui se voyait par la suite multipliée en plusieurs formes et destinée en différents usages. Marc Bloch rappelle ce fait important dans une Revue de synthèse historique : « Étroitement limitées dans l’emploi de la force motrice animale, les civilisations antiques ont dû faire un emploi extrêmement large de la force motrice humaine, c’est-à-dire de la main d’œuvre servile ». Le premier contact de l’homme avec la nature se fait alors avec le corps, mais ce geste doit viser un objectif précis, notamment de faire la nature sienne. Mais puisque les besoins humains augmentent tels que son imagination puisse atteindre, il estime que ses capacités doivent s’accroître dans le même sens. La création des machines répond alors à cette aspiration, ce qui allège grandement les efforts déployés par le corps, avec un résultat nettement plus efficient. Effectivement, l’homme peut très bien se complaire dans des conditions archaïques, or cela réduit ses facultés à créer et à se dépasser. Ainsi, la machine reflète essentiellement le génie humain, ce qui contribue également au développement de son existence. « Le génie ne fait rien que d’apprendre d’abord à poser des pierres, ensuite à bâtir, que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme », constate Nietzsche dans son livre Humain trop humain. Selon une comparaison objective, l’outil le plus archaïque créé par l’homme peut très bien être dépassé par l’édifice bâti par les animaux des autres espèces. A une différence près : l’animal ne fournit pas un signe d’intelligence, mais seulement d’instinct. Tous les oiseaux savent construire leur nid, et tous les castors sont très doués à construire des barrages, mais chez les hommes, seuls des individus formés particulièrement pour la tâche peuvent manier des machines ultra sophistiquées. Par conséquent, la technique se développe chez les individus doués d’une intelligence particulière, et d’autres formes de techniques chez d’autres plus habiles dans ce savoir-faire précis. Comme le précise Oswald Spengler dans L’homme et la technique : « La caractéristique exclusive de la technique humaine, au contraire, est qu’elle est indépendante de la vie de l’espèce humaine. C’est, dans l’histoire entière du monde vivant, l’exemple unique d’un individu qui s’affranchit de la contrainte générique ».

Les créations humaines sont issues de l’intelligence de la main, qui est également capable de multiplier les performances de l’outil. Le travail inclut toutes ces formes d’action sur la nature, mais vu sous l’angle des rapports entre les hommes.

II) Le travail est le besoin qui se réalise mutuellement chez les hommes

Hormis son environnement physique, l’homme côtoie ses semblables en reconnaissant leur identité de nature par des manières sympathiques et altruistes. Cependant, chacun ne dispose pas du même confort matériel en fonction des efforts qu’il déploie pour combler ses besoins. Il est vrai que chaque individu présente les mêmes besoins vitaux, toutefois il existe d’autres demandes, non essentielles certes, qui sont mieux valorisées. Parallèlement, le type d’activité qui répond à ces demandes est mieux rémunéré, et suscite l’intérêt de plusieurs. L’homme est donc plus motivé à travailler lorsqu’il y a davantage de valeur qui en résulte. Cela dit, on peut définir le travail comme de la création de valeur. Comme le disait John Stuart Mill dans L’utilitarisme : « La doctrine qui donne comme fondement à la morale l’utilité ou le principe du plus grand bonheur affirme que les actions sont bonnes ou sont mauvaises dans la mesure où elles tendent à accroître le bonheur ». Chaque élément présent dans la nature présente une valeur qui est reliée à son utilité directe chez l’homme. Étant fortement recherché, cet élément disparaîtra aussitôt suite à une exploitation abusive et acquerra une valeur incroyable que l’homme ne pourra se procurer. En conséquence, cette théorie de la valeur ne peut pas être maintenue : seul un objet fourni par le travail peut être considéré comme de la valeur. Si les objets nécessaires à l’homme étaient tous fournis par la nature, il n’aurait pas besoin de travailler. Et parmi ceux qui sont disponibles gratuitement, certains ne sont pas donnés en quantité suffisante. Cette idée est confortée par ce passage tiré des Conférences sur la destination du savant : « Il n’y a pas de salut pour l’homme tant qu’il n’a pas combattu avec succès cette inertie naturelle, et tant que l’homme ne trouve pas dans l’activité et seulement dans l’activité ses joies et tout son plaisir ». Étant donné que le travail est suscité par les multiples besoins, les individus qui en bénéficient les fruits présentent également des goûts diversifiés. En termes de résultat, le travail de l’homme n’est donc pas destiné à le satisfaire personnellement, puisqu’il est motivé par la demande émise par autrui. C’est autrui qui détermine la valeur de mon travail, et plus nombreux sont ceux qui apprécient mon ouvrage, plus valeureux sera considéré ce dernier. On peut alors observer des activités très florissantes pour une communauté donnée, mais qui sont méconnues dans une autre agglomération. Cette idée est soulignée par ce passage de L’idéologie allemande écrit par Marx et Engels : « La concentration du talent artistique chez quelques individualités, et corrélativement son étouffement dans la grande masse des gens, est une conséquence de la division du travail ».

Le travail s’effectue d’emblée pour autrui, puisque ce dernier juge en dernier ressort de la valeur que j’ai créé, et ce, en fonction de ses propres critères. Si le travail a pour principal objectif l’échange, sa manière de concevoir des objets artificiels relève d’une dimension purement technique où la société n’a pas son mot à dire.

III) La technique est libre de créer des choses sans valeur

Personne n’a appris à l’homme à adapter la nature à ses propres conditions, c’est-à-dire qu’il s’est forgé lui-même la technique qui lui permet de survivre. Qu’il vive solitairement ou en groupe, il doit toujours disposer d’un minimum de savoir-faire, qui est de l’ordre de la pratique, en vue d’exploiter son environnement à son avantage. Par conséquent, la technique humaine dispose d’une valeur inestimable à tel point qu’il est impossible pour la société d’y attribuer une valeur marchande. Ce sont les fruits de la technique qui sont destinés au commerce, et non la technique elle-même : or, ces produits sont évalués uniquement en fonction de son utilité pour le grand nombre. Ainsi, la technique est ce qui fournit essentiellement les produits à échanger dans le commerce, mais elle ne détermine pas la valeur des échanges. Alain avance l’argumentation suivante dans son ouvrage Propos sur les pouvoirs : « Qu’est-ce qu’un prix juste ? C’est un prix de marché public. Et pourquoi ? Parce que, dans le marché public, par la discussion publique des prix, l’acheteur et le vendeur se trouvent bientôt également instruits sur ce qu’ils veulent vendre ou acheter ». La création de valeur passe donc nécessairement par cette transformation du monde physique par l’homme, ce qui fait intervenir la technique. Même dans les activités intellectuelles les plus abstraites, on a toujours besoin d’une part de technicité de façon indirecte, ne serait-ce que pour les outils déployés en guise de support pour les connaissances. Tant que le travail fait intervenir le corps, par exemple pour les services ou les emplois dans les bureaux, il faut une technique particulière pour adopter les bons gestes et mouvements en vue d’accomplir sa tâche comme il se doit. La maîtrise de la technique est alors la condition nécessaire pour qu’on puisse travailler avec efficacité. En voici une illustration faite par Jean Paul Sartre dans L’Être et le Néant : « Toute sa conduite nous semble un jeu. Il s’applique à enchaîner ses mouvements comme s’ils étaient des mécanismes se commandant les uns les autres, sa mimique et sa  voix même semblent des mécanismes ; il se donne la prestesse et la rapidité impitoyable des choses ». Originairement, la technique n’a pas été conçue pour avoir du profit, mais seulement pour faciliter la survie de l’homme. Jusqu’à présent, l’homme n’échappe pas à la survie, sauf qu’il a désormais recours au travail, tel que la structure sociale et la transformation de l’espace géographique le proposent. Par conséquent, la technique doit suivre le rythme par lequel le travail gouverne la vie en société, et contribue en ce sens dans le développement du commerce. La naissance de la technologie répond donc à ce besoin, et tous les secteurs professionnels présentent un essor notable en fonction de la technologie dont ils disposent. Comme le définit Habermas dans La technique et la science comme idéologie : « Par « travail » ou activité rationnelle par rapport à une fin, j’entends ou bien une activité instrumentale, ou bien un choix rationnel, ou bien encore la combinaison des deux ».

Conclusion

Le monde physique tel qu’il se présente naturellement ne se conçoit comme rationnel et ordonné que par l’intervention de l’humain, notamment par son intelligence conceptuelle et pratique. La machine est donc un modèle plus développé de l’outil, mais qui vise des objectifs dépassant la simple survie. La création de valeur dépend en effet de ce que la société pense, et ce paramètre conditionne particulièrement les efforts investis dans le travail. C’est pourquoi l’homme est obligé de créer lui-même les choses dont il a besoin, et cet effort supplémentaire pour les faire advenir à l’existence devient une valeur supérieure par rapport à celle qui a existé naturellement. A part sa dimension commerciale, le travail renvoie précisément à une activité humaine, qu’elle soit de nature pratique ou intellectuelle. La technique devient alors au service permanent du travail, pour former un duo inséparable. Existe-t-il une technique susceptible de détruire le travail ?

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Toute La Philo

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