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La science ne fournit-elle que des certitudes ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

La science est souvent comprise comme la meilleure approche rationnelle des faits. Elle est forte d’au moins deux millénaires d’histoire couronnée de succès autant théorique que technique. A l’ère du XXème siècle elle a une si grande autorité qu’elle clôt souvent les discussions, car ses dires sont souvent considérées comme les références ultimes. La science semble pouvoir trancher partout où il est question de faits. On se demandera pourtant si la science ne fournit que des certitudes. En effet on peut observer que la science n’a cessé de se rectifier car il y a eu des moments historiques où elle a fait fausse route ou qu’il y a et qu’il y a encore des discussions pertinentes autour de la validité de nombreuses de ses théories. Ceci est le plus souvent causé par de nouvelles perspectives ou de faits nouveaux. On découvre alors le problème suivant. Si ce qu’offre la science peut être aussi incertaine alors elle est fondamentalement illusoire dans son approche de la réalité. Au contraire si on estime qu’elle n’offre que des certitudes alors ses théories auraient dû être à chaque fois définitives.  En somme, si on peut légitimement douter de la science du fait de ses fragilités théoriques, peut-on alors se fier à ce qui manque de caractère scientifique comme la vérifiabilité et l’objectivité? Nous répondrons à cette question en adoptant le plan suivant. Dans une première partie, développons pourquoi ce qui est scientifique paraît certain. Dans une seconde partie nous expliciterons aussi le fait que la science puisse être douteuse. Enfin dans une dernière partie nous considérerons qu’il serait plus pertinent de distinguer l’idée de certitude qu’offre la science à celle des perspectives qu’elle veut dépasser.

I) La  science devrait ne fournir que des certitudes

a. Ce qu’offre la science comme théorie devrait par principe être vérifiée par des faits.

La certitude d’une théorie scientifique réside premièrement dans le fait qu’on peut vérifier sa pertinence par des faits mêmes. En effet une théorie scientifique n’est pas une théorie dans le sens où il s’agit d’une pure supposition mentale. Une théorie scientifique est une proposition vérifiée par une expérience rigoureusement contrôlée. On estime d’ailleurs qu’une théorie dont on ne peut imaginer une réfutation par l’expérience des faits n’est pas scientifique. L’expérience scientifique assure fortement sa certitude par la possibilité qu’elle peut être reproduite et vérifiée par la communauté scientifique si ses conditions sont proprement respectées. On peut en effet la reproduire avec exactitude car le dispositif expérimental qui contrôle l’observation est mathématiquement précis. Le scientifique n’estime pas dans la simple spéculation, il est muni d’instruments de mesure quantitatifs. Ensuite les outils théoriques qui appuient l’expérience, y compris les technologies utilisées qui sont en soi des « théories matérialisées » comme le dit Bachelard, restent incontestées dans leur domaine d’applications.

b. Le fait de pouvoir agir effectivement sur le monde devrait attester de la certitude de ce qu’offre la science comme connaissance.

Deuxièmement, si une certitude doit être basée sur les faits concrets,  alors l’état actuel du monde devrait pouvoir attester de l’effectivité des connaissances scientifiques. Si la science n’est pas encore absolument maître et possesseur de la nature, la précision des modèles théoriques qu’elle formule arrive à prédire et par conséquent à contrôler certaines réalités qui lui sont accessibles. Ces modèles théoriques sont si efficaces qu’il se peut qu’on les définisse comme des lois. Cette efficacité est due à au principe scientifique de la causalité traditionnellement définie par l’esprit du déterminisme. Cet esprit renvoie à l’idée que toute chose devrait avoir une cause qui lui est propre dans des conditions définies et que par conséquent si on arrive à déterminer la cause on peut prédire l’effet. Ce principe qui consiste à décrire l’enchaînement des phénomènes dans un rapport de causalité permet d’opérer mathématiquement sur les faits et de définir rationnellement les moments nécessaires de leurs événements. Par conséquent en étant capable de déterminer ces événements  une opportunité de faire effet sur eux est ouverte et par ailleurs  d’en élaborer un moyen d’action. Ainsi le résultat actuel est manifeste dans les technologies qu’on utilise au quotidien au plus sophistiquées réservées à des tâches spéciales.

La science semble donc n’offrir que des certitudes car ses théories sont vérifiables et se manifestent effectivement. Pourtant il reste cette possibilité-ci au vue des changements de perspectives manifestes dans l’histoire de la science que ces certitudes peuvent encore être douteuses.

II) La science peut être douteuse

a. Il est possible que l’état de ses connaissances actuelles ne soit que approximatif

Premièrement en science il reste toujours cette possibilité ci que ses théories soient réfutées. En effet, il n’est pas certain que ces dernières soient définitives. La raison pour laquelle de nombreux scientifiques préfèrent le nom de théorie scientifique à celle de vérité scientifique est pour signifier un esprit de prudence et par ailleurs un certain esprit d’humilité. Le fait est qu’une théorie scientifique ne prétend pas être une représentation absolue de la réalité mais plutôt une explication encore incontestée en vertu de ses observations actuelles. On remarquera d’ailleurs à travers l’histoire de la science que ses perspectives peuvent changer. On notera par exemple que si la théorie de la gravitation universelle a eu un certain succès pendant des décennies, après l’apparition de la relativité d’Einstein, elle est devenue moins pertinente. Il faut en effet remarquer que les théories dites vérifiées ne le sont qu’en fonction des phénomènes accessibles et des théories admises temporairement comme pertinentes. Rien ne peut nous assurer que des faits nouveaux peuvent être découverts ou que des dispositifs expérimentaux inédits peuvent être inventés. La physique théorique est d’ailleurs une fenêtre ouverte aux hypothèses rationnellement démontrées mais qui ne sont pas encore expérimentalement vérifiables du fait de l’état actuel de nos technologies.

b. La certitude rationnelle des théories scientifiques est insuffisante à définir des vérités objectives.

Deuxièmement, en ce qui concerne la certitude rationnelle des théories scientifiques, elle ne peut à elle seule prétendre à une objectivité définitive. D’abord même si on considère qu’elles sont mathématiquement précises, cela ne devrait pas en principe définitivement garantir leur pertinence vis-à-vis des faits. Les opérations mathématiques permettent tout au plus de formuler des théories approximatives comme dans les sciences humaines où il est préférable de préciser que les conclusions de ces dernières sont appuyées par la grande probabilité des statistiques. Dans les sciences dures il y a aussi des probabilités concernant la réussite d’une observation expérimentale. Une hypothèse n’est jamais totalement vérifiée due à l’ampleur titanesque de la tâche. Pour être sûr de sa vérité, il faudrait considérer d’examiner par induction tous les cas possibles dans leur innombrable variété. La théorie de l’effet papillon veut qu’un phénomène considéré comme insignifiant puisse faire effet sur un ensemble plus signifiant car tous les phénomènes interagissent d’une certaine manière à différents degrés. Ensuite la rigueur rationnelle n’est concernée que par la cohérence de nos propos qui ont amené à une telle ou telle conclusion. De ce fait, si les prémisses sont fausses on peut toujours démontrer qu’une théorie est formellement valide alors que sa correspondance avec la réalité n’est pas objective. On constatera pourtant que la science part rarement d’une collection de faits, à cause des limites de la pure induction, et plus d’une intuition considérée comme ingénieuse face à un problème donné. Ces faits amènent à considérer qu’il est légitime de douter de la prétention à l’absolu d’une théorie scientifique.

La science ne peut même pas garantir la certitude de ses théories. Toutefois cela signifie t-il qu’elle soit dès lors inutile puisqu’elle a pour but de fournir des connaissances certaines ? En fait ne faut-il pas mesurer l’idée de certitude et voir si le souci de certitude scientifique est le même que celle du souci de certitude absolue ?

III) Le fait de ne pas pouvoir garantir des certitudes d’une vérité absolue n’amoindrit pas l’importance du souci de certitude.

a. Le progrès scientifique n’est pas exclusivement poussé par des certitudes mais surtout par l’esprit d’ouverture.

Premièrement il faut mesurer l’idée de certitude derrière le progrès apparent de nos connaissances et de nos moyens d’action. Il faut remarquer que le mouvement de ce progrès n’est pas poussé par une accumulation de certitudes, mais plutôt par une série d’essais, de succès et d’échecs expérimentaux. Le fait est que même si on s’attend à la réussite expérimentale d’une hypothèse même au vue d’un développement théorique rationnellement valide, il reste toujours la possibilité d’un mauvais point de départ intuitif, d’un manque de rigueur objective et d’un accident hasardeux. C’est pourquoi il arrive même que certaines découvertes soient d’origine accidentelle. On remarquera par exemple la découverte du Rayon X ou de la pénicilline. Toutefois ceux qui font face aux imprévues avec un esprit fermé car n’ayant pas eu de réponses confirmant ses hypothèses sont ceux qui précisément ferment les opportunités. Il faut en fait aussi considérer que l’attitude scientifique invite aussi à l’audace de l’esprit critique, de l’esprit de curiosité et d’ouverture. C’est une attitude qui a autant le sens de la certitude que du scrupule car les deux sont dialectiquement dynamiques dans la recherche de la vérité.

b. Le souci de certitude scientifique reste nécessaire à la recherche de connaissances fiables

Considérons ensuite ce que signifie vraiment une certitude afin de mieux comprendre pourquoi celle que la science veut mérite d’être distinguée. Une certitude est par définition un sentiment de vérité. Ce sentiment est produit par un certain accord de l’esprit à elle-même. De cette définition il n’y a donc pas de différence manifeste entre la certitude d’une théorie scientifique et le jugement subjectif car un simple sentiment ne peut être jugé par des critères rationnels. Remarquons toutefois que ce qui produit ce sentiment comme jugement subjectif est le plus souvent issu d’un jugement précipité influencé par l’expérience réduite des faits, par l’habitude culturelle, par un endoctrinement idéologique ou simplement par paresse intellectuelle. Dans tous les cas, le jugement subjectif prend déjà un parti pris dans un manque de clarté rationnelle et de perspective. L’esprit scientifique ne prétend d’ailleurs pas être immunisé de cette imprudence intellectuelle car le scientifique reste humain en perspective et en affection. Toutefois dans la conscience justement de notre faillibilité à la subjectivité, la science a le mérite de vouloir dépasser cette dernière. D’abord la science ne se préoccupe que des faits empiriquement observables, elle ne s’intéresse pas aux faits métaphysiques car on ne peut définitivement réfuter ceux-ci. Une théorie ne devrait être considérée comme scientifique que si on ne peut imaginer une expérience capable de la réfuter. C’est la démarcation de la scientificité développée par l’épistémologue Karl Popper. Il cite plus exactement : « Une théorie qui n’est réfutable par aucun évènement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique ». Le fait est que le cas échéant ne permettrait aux théories que des preuves dont la seule mesure serait l’ingéniosité de ses spéculations. Sans le critère de la réfutabilité l’astrologie pourrait prétendre être une science comme toutes les pseudosciences d’ailleurs. Ensuite les théories scientifiques doivent pouvoir être appuyées par la quantification mathématique car celle-ci leur assure un contrôle expérimental précis et impartial pour neutraliser les appréciations subjectives. En définitive, si on a vu que la science peut ne pas atteindre une objectivité absolue à cause des limites de son approche, la valeur d’une théorie scientifique réside non dans l’idée d’une certitude absolue mais dans celle d’une fiabilité temporaire.

Conclusion

Comment accorder à la science le crédit de certitude si on peut constater qu’elle a manifesté des changements au fil du temps ou comment aussi se passer de sa volonté d’objectivité et laisser les jugements subjectifs régner? On ne pourrait certainement nier que ce qu’offre la science offre comme théorie n’est pas fiable dans la mesure où elles sont vérifiables et effectives. Toutefois, le fait de dire qu’elle n’offre que des certitudes est naïf. Il reste toujours la possibilité que son approche généralement vue comme objective ne soit que approximative, mais aussi que son caractère rationnel est insuffisant à certifier un rapport d’objectivité avec la réalité. Néanmoins il fallait considérer que son côté incertain fait partie de sa progression car l’esprit scientifique inclut aussi l’esprit critique et l’esprit d’ouverture. Enfin le fait qu’elle ne puisse pas garantir de connaissances absolues ne devrait pas compromettre son souci de certitude qui anime l’esprit de rigueur rationnel et de vérification.

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