Dissertation de Philosophie (corrigé)
Introduction
La réponse semble évidente puisque le progrès scientifique a déjà montré plusieurs visages du monde à travers l’histoire de l’homme. La recherche scientifique est donc apparemment au cœur même du changement. Pourtant, que change véritablement la science si elle a d’abord ses critères vis-à-vis de son rapport au monde ? La science semble ne pas vouloir toucher tout ce qui est métaphysique, or les idées font aussi partie de la structure du monde. La science elle-même en tant que construction humaine a ses fins métaphysiques. Elle sert tant l’idée de la recherche d’une vérité atteignable que celle du pouvoir technique capable de maîtriser le monde. Si elle a donc véritablement un pouvoir sur le monde, peut-on penser le fait qu’elle ne se donne à elle-même ses propres fins ? Pour résoudre ce problème, nous verrons d’abord pourquoi la science a le pouvoir de changer la vision du monde tant en matérialité qu’en spiritualité. Puis, deuxièmement nous verrons aussi qu’elle a ses limites qui ne permettent pas d’observer qu’elle change véritablement le monde. Finalement, il faut remarquer que la science n’est qu’un moyen et que les changements qu’elle peut opérer sont ceux de l’homme et non d’elle-même.
I) La science a le pouvoir de changer la vision du monde
A. La science semble déjà avoir changé le monde
A première vue, le progrès scientifique n’a-t-il pas déjà changé plusieurs fois les conditions tant matérielles que culturelles des hommes au cours de son histoire ? Le monde de chaque époque semble ne plus être celui qui le précède, en grande partie à cause de l’évolution de la recherche scientifique et des visions du monde qu’elle cultive en conséquence. D’abord, les recherches scientifiques en étant au cœur du progrès technique ne cessent de restructurer la matérialité des artifices de l’homme sur le monde. Toute infrastructure, système, entreprise change au rythme de l’évolution de leur moyen technologique. Mais encore, l’esprit du positivisme scientifique aura instauré plusieurs façons de voir le monde, face au progrès technique qui semble ne pas cesser de se développer dans tous les domaines. D’abord, l’homme pense être capable de tout contrôler comme s’il était le maître et possesseur de la nature, grâce à la science. Ensuite, la plupart des hommes dits modernes semblent ne plus penser qu’en termes de productivité et de pragmatisme. Tout être y compris l’homme, aux yeux de cet esprit, est pensé comme des moyens. Puis, l’étude comparative du développement scientifique dans les différentes régions du monde semble définir les marques de la supériorité d’une civilisation à une autre.
B. La connaissance des lois de la nature permet de manipuler le monde
Mais théoriquement parlant, comment la science serait-elle capable de changer le monde ? Il faut savoir que la science est d’abord la science des lois et grâce à la connaissance de celles-ci, on peut contrôler d’une manière considérable les phénomènes où elle s’applique. La science y arrive, car elle repose ses connaissances sur le déterminisme, soit l’idée que toute chose ait une cause qui lui est propre dans des conditions bien définies. L’esprit du déterminisme consiste à décrire l’enchaînement des causes et des effets, soit à articuler un fait à d’autres faits en montrant qu’ils sont liés par des rapports de causalité. Plus simplement, certains faits étant donné que d’autres s’ensuivront nécessairement. L’observation dans cet esprit permet ainsi de formuler des lois que le scientifique s’efforce d’organiser sous la forme d’une consistance universellement identifiable dans des théories. Le déterminisme permet à partir de là d’opérer avec une précision chirurgicale des modifications dans l’événement des phénomènes naturels. Grâce à lui, en sachant donc exactement comment les événements se déroulent, l’intelligence peut ruser la nature à être à son service.
La science semble donc déjà avoir changé plusieurs fois le monde dans sa matérialité et dans sa spiritualité. Théoriquement, le fait qu’elle a pour esprit de découvrir les lois de la nature permet d’imaginer qu’elle est capable de contrôler cette dernière. Toutefois, si la science observe des lois immuables, ce qu’elle produit n’est-il pas en toute rigueur soumis à celles-ci de sorte qu’il n’y ait pas véritablement de changement ?
II) La science ne peut fondamentalement changer le monde
A. La science a ses limites vis-à-vis de son rapport au monde
Il faut premièrement mesurer la puissance de la science et remarquer qu’elle a notamment ses limites. D’abord, on remarquera que la science même si elle a permis de créer des artifices ne peut aller à l’encontre des lois fondamentales de la nature qui rendent ces artifices réalisables et fonctionnels. Ce que la science crée est soumis au déterminisme naturel de la thermodynamique, de l’électromagnétisme, de la mécanique, etc. La science suit les lois qu’elle croit attribuer à la nature, elle n’en crée pas. Puis, la science a ses exigences vis-à-vis de ce qu’elle observe et théorise. L’objet de la science est un fait où des critères particuliers peuvent s’appliquer à son observation expérimentale. Nous en citerons notamment trois : la reproductibilité soit le fait qu’il est possible de reproduire l’observation du phénomène dans les même conditions, la mesurabilité qui stipule que les mesures mathématiques peuvent être appliqué à la formulation d’une loi sur le phénomène, et enfin la réfutabilité expérimentale, c’est-à-dire le fait qu’on puisse réaliser une expérience qui peut invalider une théorie sur l’objet, qui se pose comme une démarcation entre la possibilité d’une véritable science que l’on peut tirer du phénomène et l’interprétation d’une pseudoscience. Les phénomènes produits par le rapport existentiel de l’homme au monde semblent ne pas pouvoir être appliqués à ces critères. Il s’agit notamment de ce qui a fondamentalement un caractère métaphysique comme le culte, l’art et la personnalité de l’individu. La science quand il parle d’objectivité ne touche qu’à ce qui est concrètement observable, et quantitatif.
B. Ce que l’on observe comme monde n’est qu’une représentation
Puis, remarquons aussi donc que ce que la science opère comme changement dans le monde n’est qu’une vision du monde et non le monde en lui-même. La science voit tous les phénomènes comme donnés à connaître et ces connaissances à produire un pouvoir sur eux. Or, qu’est-ce qu’on sait exactement du réel au-delà de nos différentes manières à le représenter tel le regard de l’art, du culte et de la science ? Malgré tous les progrès scientifiques et notamment sur ce qu’ils pensent saisir du monde, il est encore possible de postuler que l’entendement humain a ses cadres qui limitent l’idée même d’objectivité. Selon Kant, le réel nous est nécessairement donné dans le cadre a priori de l’espace et du temps. Une idée pertinente, puisque que les sens ne se déploient qu’à travers une dimension définie. On peut supposer à partir du constat qu’il y a des dimensions réduites comme la dimension euclidienne que notre perspective de l’espace soit autant réduite vis-à-vis d’une dimension plus « large ». Puis, il y a la question de notre temporalité, tout mouvement semble ne pas pouvoir échapper à l’impression d’un écoulement vertical ou horizontal. On ne peut en toute rigueur penser à l’Eternel soit ce qui n’a ni début ni fin. En fait ces cadres, à bien approfondir les choses, sont les conséquences de nos limites logiques. On ne peut pas même dans nos rêves les plus surréalistes dépasser le principe de l’identité et de la non-contradiction. La raison humaine ne peut voir que de la distinction entre l’identique et le différent. Elle ne peut imaginer une chose qui est à la fois lui-même et sa négation. Ce qui s’ensuit ne relève que du sens, le transexuel par exemple est propre à lui-même selon un concept défini, il est transexuel ou non transexuel. En fait, le vœu même de vouloir tout définir atteste l’impossibilité de ne pas être capable de ne pas identifier de l’être.
La science a donc ses limites tant vis-à-vis de ces critères que vis-à-vis de la logique au fondement même de l’entendement. Toutefois, le monde sous notre entendement est bel et bien, co-construit avec la science étant donné qu’il n’est plus naturel. Il reste ceci que si la science a le pouvoir de changer le monde alors qu’elle a ses limites vis-à-vis de son rapport au monde, l’homme étant l’acteur de ce dernier lui reste donc transcendant. Ce qui signifie par conséquent qu’il revient à l’homme de signifier ce pouvoir.
III) La science est un moyen dont l’usage dépend de l’homme
A. La science a le pouvoir de changer la matière et non l’homme
Remarquons d’abord que la science n’est pas autonome, elle n’agit pas d’elle-même mais reste dépendante de la volonté de l’homme. Tout au plus, la perspective de son rapport au monde influence les hommes à se former des états d’esprit culturellement partagés, mais il s’agit d’un commentaire du regard humain qui conceptualise une vision idéologique et non un fait naturel. Comme le dit d’ailleurs si bien Marx, ce sont les idées qui mènent le monde. Les conditions matérielles sont signifiées par des directions idéologiques, elles n’ont pas en elles-mêmes leur propre force à changer le monde. Le mouvement historique des hommes est engagé par des convictions. A titre d’illustration que les conditions matérielles ne sont pas ultimement les facteurs du bonheur, elles sont certainement les conditions de base car pour être heureux, il faut d’abord dépasser le souci de ses besoins naturels. Toutefois, elles restent secondaires à la manière de l’homme de donner sens à son rapport d’existence au monde. L’imagination fait d’ailleurs qu’un enfant soit autant heureux en jouant avec de simples pierres qu’avec les jouets les plus technologiquement complexes.
B. La science ne peut changer l’homme, celui-ci en est donc le responsable conscient
Finalement, si l’homme a le pouvoir de s’influencer lui-même à travers des perspectives conceptuelles, il change donc le monde avec des valeurs et non avec de simples conditions matérielles. Aussi, il faut prévenir que la science en lui-même est donc neutre, car elle n’est qu’un moyen. La science n’est qu’un moyen de connaissance et de progrès technique. Si on prétend que la science a d’une certaine manière automatique, un pouvoir sur le monde en dehors de la volonté humaine, alors ce serait faire preuve d’une honteuse irresponsabilité. L’homme transcende ses moyens en leur donnant fin et valeur. Que doit donc voir l’homme à travers le pouvoir de la science ? Que faire de ses connaissances et comment les penser vis-à-vis d’autre rapport au monde comme l’art et le culte ? La technique où elle s’applique doit-elle être le moyen du salut de l’homme ou celui de sa damnation ? La réponse n’appartient plus à l’esprit scientifique, mais à l’esprit philosophique. Ceci étant, la conscience que la science est ultimement entre nos mains, est lourde d’une grande responsabilité vis-à-vis l’avenir du monde que l’homme peut concevoir.
Conclusion
En résumé, la science a effectivement un pouvoir sur la matière tant elle connaît ses lois, elle influence aussi une culture comme celle de la démarcation entre ce qui est moderne et ce qui ne l’est pas. Toutefois, il faut remarquer que ce pouvoir a ses limites. La science ne peut dépasser les lois qu’elle pense tirer du monde. Elle ne veut d’ailleurs pas s’intéresser aux phénomènes qui échappent à ses critères d’observation. Puis, comme la science est porteuse du regard de l’entendement de l’homme, on peut supposer que la réalité n’est pas réductible à ce dernier car ce regard a sa propre logique fondamentale de saisir le monde. Il s’ensuit que si le monde représenté à travers la science peut ne pas être la totalité du réel, et seulement un regard que l’homme en fait, alors ce dernier transcende la finalité de la science. L’enjeu est que si l’homme pense que c’est la science qui change le monde et non les fins qu’il donne à la science, alors l’homme peut, c’est la voie à l’irresponsabilité d’une sorte de destin inévitable. La transcendance de l’homme sur la science est pourtant lourde d’une responsabilité éthique, car la direction qu’on donne à la science est la condition de nos futurs.