Dissertation de Philosophie (corrigé)
Introduction
Généralement, la liberté est l’épreuve de la volonté qui fait la conscience d’un obstacle à contourner ou à réduire. Est libre celui qui se sent affranchi et qui se sent le pouvoir de faire ce qui lui plait. En ce sens, il semble légitime de dire qu’être libre c’est réclamer tous ses droits. Car, en effet, le droit est par ailleurs cet ensemble de règles qui encadrent notre liberté de sorte à la protéger par sa positivité et sa formalité. Sans le droit, rien ne garantit le respect de tout un chacun. Toutefois, la forme impérative du droit qu’est la loi ne nous fait pas t-il l’épreuve d’une contrainte plus qu’une liberté ? L’idée de la liberté comme le fait de pouvoir faire ce qui nous plaît n’est pas viable par l’encadrement du droit. Le droit est semble-t-il ce qui est interdit et ce qui est obligé de sorte que la liberté n’est que tout ce qui n’est pas formellement décrit par lui. Il semble donc y avoir une antinomie entre droit et liberté. De plus, on peut s’interroger si le fait d’éprouver la liberté est un critère suffisant pour garantir la liberté dès que l’on peut considérer que le sentiment puisse ne pas toujours être transparent à la conscience. Nous sommes donc face à un problème. Comment penser la liberté si elle ne peut se réduire dans le cadre du droit ni dans l’épreuve de la volonté alors qu’elle ne peut non plus être le fait de pouvoir faire tout ce qui nous plaît ? Pour y voir un peu plus clair et résoudre le problème, on va développer les perspectives suivantes. Premièrement, observons pourquoi on ne peut éprouver la liberté que dans le droit et par le fait de réclamer ce dernier. Deuxièmement, on peut aussi penser le droit comme une contrainte plus qu’une libération. Puis, finalement considérons comment l’autonomie de la réflexion peut faire l’épreuve d’une véritable liberté.
I) On ne peut éprouver la liberté sans réclamer tous ses droits
1.Le droit est le garant de la liberté
Premièrement, il semble évident que la liberté n’a aucune substance sans être signalée par le droit. Être libre naturellement semble déjà absurde dans la mesure où les lois de la nature nous contraignent à des nécessités. On ne décide pas d’être libre vis-à-vis de notre propre conservation quand la force insistante de l’instinct détermine spontanément nos conduites. L’idée du libre arbitre semble donc illusoire. Ce qui reste du concept de la liberté est celui du droit. Le droit est l’ensemble des règles qui réglementent la vie en société. Pour que tout un chacun puisse vivre ensemble en harmonie, la société a besoin d’établir des limites. Ces limites loin d’être inconfortables, permettent à nos affaires au sein de la société d’être plus prospères. Pour Lacordaire « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » En effet, la loi, étant l’impératif des règles du droit, inhibe les envies abusives de chacun pour le bien être des rapports sociaux. Ainsi, chacun réfléchit à deux fois avant de se laisser aller à la dérive de ces passions qui nuisent à autrui. Chacun est donc libéré de la crainte d’autrui si tant est qu’il observe aussi ses droits.
2.Fondamentalement la liberté n’est pas sans être en projet
Cependant il ne suffit pas de savoir un droit pour se sentir libre. Comme nous l’avons vu, le libre arbitre est illusoire, car on ne peut pas naturellement faire ce qui nous plaît. A défaut, on a une volonté qui peut exploiter le potentiel de notre puissance naturelle, mais même cette puissance a une limite. Si volonté de dépasser la limite il y a, une liberté qui fait le projet de cette limite comme un obstacle est en jeu. Seulement sans une action conséquente, cette liberté ne signifie rien. La liberté advient dans ce projet, car il y a la volonté d’agir. L’obstacle est là devant nous, mais si il est obstacle c’est parce que notre conscience fait l’épreuve de son existence. Aussi, le fait que la conscience cogite sur cet obstacle est déjà le signe intellectuel de la liberté. L’inconscient est passif devant ses instincts, mais le conscient peut suspendre momentanément ces derniers. Mais être conscient ne suffit pas d’être libre, il faut rendre concrètement effective cette liberté dans l’action. Revenons au concept du droit. Le droit est ce qui nous est socialement dû. Aussi imposant soit-il, le droit reste à distance de soi. Il y a entre notre conscience et le droit, un espace pour la volonté de l’action. Il faut que le droit soit le projet de cette volonté pour que l’on éprouve la liberté. Cela va aussi dans le sens où être octroyé d’un droit ne signifie pas qu’on est octroyé d’une liberté. Le droit n’est qu’une destination moyennant l’épreuve de la liberté dans le trajet. Rien ne garantit la liberté sans l’action d’aller à la rencontre de ce droit donné ou non.
Le droit est ce qui donne la liberté et l’épreuve de la liberté est la conquête du droit. Cet encadrement du droit est-il donné comme moins une contrainte qu’un véritable choix dépendant du seul sujet individuel?
II) Le droit dans l’impératif de la loi et la liberté comme de nature individuelle semblent être antinomiques.
1.Le droit est un encadrement négatif de la liberté
D’un, il semble évident que le droit s’oppose fondamentalement à cette idée de la liberté qui signifie le pouvoir de faire ce qui nous plaît. La liberté entendue dans le droit semble en être une réduction concrète. Techniquement, cette liberté ne signifie que ce qui nous est permis en dehors de ce qui nous est interdit ou de ce qui nous est obligé d’une manière formelle par la loi. S’il ne s’agissait que d’une formalité prescriptive, il n’y aurait aucun problème, car il suffirait de recourir au bon sens de la raison pour l’observer. Il y a plutôt dans le droit une description impérative. Le droit ne dit pas seulement que tu ne dois pas ou que tu dois faire ceci ou cela. Il décrit explicitement que tu dois ou tu ne dois pas faire ceci sinon tu recevras telle ou telle sanction. Les règles du droit ont donc un aspect contraignant par le fait que leur effectivité soit nécessairement appuyée par la mesure d’une répression.
2.Le droit est en dehors de notre libre décision individuelle
De deux, on ne décide pas d’une manière indépendante du contenu de nos droits. Le droit procède d’une condition politique qui dépasse la seule liberté individuelle. D’abord, le droit découle d‘une légitimité qui force l’obéissance, de la raison ou de la passion. En démocratie, il s’agit comme le dit sans exagérer Tocqueville d’un despotisme de la masse. En théocratie ou en monarchie, il s’agit d’un principe divin ou sacré. En tyrannie, il s’agit de la puissance du souverain. Pour ce qui est de la visée du contenu, la préservation de la liberté n’est que facultative si étant considérée. La fin des règles du droit est de répondre aux exigences du souci du pragmatisme politique. Pour Platon, il s’agit de savoir gérer harmonieusement la multiplicité des éléments de la cité. Pour Machiavel, il s’agit de conserver et d’éventuellement étendre le pouvoir du souverain. C’est parce que l’individu n’est pas pertinent dans son individualité, il est l’élément composant une masse dont il faut savoir gérer la tendance. Ainsi, quand la politique se soucie de la globalité économique, technologique ou démographique, les droits sont taillés par des conditions pratiques plus qu’idéales. Dans l’idéal, par exemple, tout le monde devrait avoir les mêmes droits en termes de liberté par respect pour la personne humaine libre de naissance. Dans la pratique, pour des raisons de sécurité ou de mérite, certains sont privilégiés de certaines libertés que d’autres n’ont pas.
III) Le fait d’éprouver la liberté et de la conserver dépasse sa seule épreuve
1.On peut croire éprouver la liberté sans véritablement être libre.
D’abord, le fait d’éprouver la liberté ne garantit pas qu’on soit véritablement libre. La liberté certes s’éprouve dans l’acte mais ce qui donne force à la volonté d’agir peut-être dépendant d’une cause externe à la conscience. On remarquera pour cela la pertinence des passions qui est accompagnée par la force du désir. Les révolutions qui tiennent symboliquement lieu de l’expression de la liberté est la conséquence organique des passions de la masse qui ne trouve plus une condition politique satisfaisante. La politique a pour moralité de répondre au bien-être général. Or quand la masse éprouve qu’elle a trahi cette moralité, elle réclame passionnellement la légitimité du souverain. Ce mouvement est moins rationnel que passionnel car si l’individu peut penser raisonnablement, la raison n’a pas une force en elle-même, elle la tire dans le cœur. Les individus « héroïques » ont su moins convaincre qu’influencer la masse des individus par leur charisme rhétorique plus que par leur rigueur rationnelle. Hitler a non seulement su faire exploit du sentiment patriotique lors d’une époque allemande rancunière de la première guerre, mais il a aussi su magnifier l’excellence de l’oratoire. Ce sont là deux stratégies rhétoriques qui exploitent la passion dormante de la masse.
2.La liberté se conserve dans la conquête intime de la réflexion
En fait, il ne suffit pas de laisser à la politique la gestion de notre liberté même après avoir gagné la considération politique de la liberté individuelle. Il ne suffit pas non plus de se sentir libre par le seul sentiment de sa volonté. La liberté est une lutte pour la transparence et par conséquent l’autonomie. Par exemple, le droit à la désobéissance civile demande la responsabilité de bien réfléchir à ses raisons. Ce droit se contredit dans sa fin si les seules passions aveugles font l’objet d’une mutinerie. En fait, la liberté est la lutte perpétuelle de la conscience à se maintenir. Cette lutte n’est seulement pleinement à l’œuvre que par le bon usage de la raison. D’abord de la raison, car la conscience d’une pensée en mouvement est la suspension des contraintes naturelles. Si on ne peut concrètement s’en débarrasser, on peut au moins choisir ce qu’on en fait. La liberté est comme le signifie analogiquement Alain est celui du marin qui oriente la voile de son navire pour aller contre le courant grâce au courant même. Cette ingéniosité n’est possible que par l’effort de la raison qui pense le déterminisme des choses qu’on peut organiser pour une fin. Mais ensuite, surtout d’un bon usage, car comme on l’a vu la raison tire quand même sa force des passions et qu’il faut se méfier que cette force ne devienne pas aveugle. Le bon usage de la raison est l’usage autonome de la réflexion. Il s’agit d’aller au fond des choses pour reconnaître ou non leur bien-fondé. La passion n’est que l’auxiliaire des principes au fond de nos perspectives, elle n’est que force soit qu’une cause motrice et non une cause finale.
Conclusion
En résumé, dans la réponse de notre problématique qui était de savoir comment penser la liberté, si elle ne pouvait être ni le droit limité, ni le libre arbitre ni le sentiment de liberté, nous avons cheminé à travers l’éclaircissement suivant. Le droit aura semblé être la seule condition de la liberté du fait que la liberté ne pouvait être qu’encadrée formellement. Le fait de réclamer le droit nous donne par ailleurs l’épreuve de la liberté. La forme impérative du droit qu’est la loi contredit le seul rapport droit-liberté. Le droit étant contraignant dans l’obligation de le respecter. Par ailleurs, le fait d’éprouver la liberté par la seule volonté est insuffisant. La volonté peut n’être mue que par des passions aveugles de leurs raisons principales. Ce qui nous a amené à finalement considérer que la raison en mouvement qu’est la réflexion autonome seule peut véritablement faire l’épreuve de la liberté. La liberté si elle est à réclamer est déjà permise par la conscience, mais si on veut qu’elle reste vivante, il nous faut le bon usage de la raison.