Dissertations

La société contribue-t-elle au bonheur de l’individu ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

Dans la vie, il est des choses indispensables dont nous devrions nous occuper, notamment sur notre personne et sur celle des autres. L’obéissance à ces devoirs procure une harmonie généralisée au sein de la société, ce qui profite également à chaque individu. Néanmoins, certains choix personnels dévient de ces chemins tracés par le grand nombre, dont l’observation pourrait nuire à la façon de penser des autres. En effet, une situation inhabituelle constitue un mauvais exemple pour la plèbe, surtout si cette nouveauté fait miroiter des avantages particuliers qui ont été bafoués auparavant. Ainsi, le bonheur de la société est maintenu une fois que ses valeurs sont respectées, mais celui-ci se trouve au bord de la déchéance en cas de conflits de valeurs. Comme disait Auguste Comte dans son Discours sur l’esprit positif : « Une appréciation plus intime et plus étendue, à la fois pratique et théorique, représente l’esprit positif comme étant, par sa nature, seul susceptible de développer directement le sentiment social, première base nécessaire de toute saine morale ». Afin d’éviter les divergences d’opinions et faire régner la paix, le membre de la communauté doit alors recourir à une analyse raisonnable du Bien et ce qui mérite d’être poursuivi. L’individu a-t-il pour mission de plaire au grand public ou de rechercher son bonheur personnel ? La réponse à cette problématique sera donnée à travers les trois paragraphes qui suivent : premièrement, la société offre un cadre sain et propice pour l’épanouissement de l’individu ; deuxièmement, l’homme voudrait dépasser les imperfections engendrées par sa nature en créant sa propre voie ; et pour terminer, le bonheur de l’individu sera complet une fois qu’il atteint le degré de perfection requis par la société.

I) La morale est profitable à la fois pour l’individu et pour la société

Les communautés d’hommes, quels qu’en soient l’origine ou les fondements, représentent une moralité à travers ses règles et ses coutumes. Ces dernières proposent certes une efficacité dans le domaine pratique et à l’intérieur des relations établies entre ses membres. Néanmoins, la morale engendre une obligation sur la conscience de chacun, de sorte que l’infraction donne lieu à une sanction intérieure qui est bien plus pénible que le blâme fait par les autres. En effet, une personne qui a perdu le sens de la moralité perd en même temps sa valeur d’homme, et la possession de toutes les choses désirables dans ce monde ne peut compenser ce manquement. C’est pourquoi Diderot nous enseigne ceci dans sa Lettre sur les aveugles : « Quoique nous soyons dans un siècle où l’esprit philosophique nous a débarrassées d’un grand nombre de préjugés, je ne crois pas que nous en venions jamais jusqu’à méconnaitre les prérogatives de la pudeur aussi parfaitement que mon aveugle ». Bien que les actions proprement dites se fassent à travers une relation de commandement obéissance selon les hiérarchies des individus, la légitimité de cet ordre provient de la conscience morale de celui qui obéit. En effet, l’obéissance selon le devoir ne provient pas d’une autorité de celui qui commande, c’est-à-dire que la peur d’être punie n’intervient en rien dans la force de la morale. Les louanges et le prestige qu’on attribue à celui qui a une bonne réputation n’ajoutent en rien à la valeur morale de l’action. Et parallèlement, les conséquences de l’action, qu’elles soient rentables ou décevantes, sont indépendantes de sa nature morale. Max Weber souligne cette remarque dans son livre Le savant et la politique : « Les grands virtuoses de l’amour et de la bonté a-cosmiques de l’homme, qu’ils nous viennent de Nazareth, d’Assise ou des châteaux des Indes, n’ont pas travaillé avec le moyen politique de la violence ». Une personne pleine de moralité gagne la confiance de ses semblables, et la société est d’autant plus prospère que l’ensemble de ses membres sont guidés par la moralité. Qui plus est, une communauté qui est privée de moralité n’a pas sa raison d’être, puisque la raison seule est incapable de guider fermement l’homme à choisir le bien. Inculquer une éducation morale est un devoir pour la société, et cet enseignement se fait concrètement via des modèles observables dans la vie quotidienne. Plus une société se montre intransigeante en termes de conduites et de règles morales, plus ces valeurs se transmettent et s’intériorisent plus facilement chez l’individu. Selon les règles du droit, les délinquants seront pénalisés selon le degré de leur faute, mais ce sont seulement des procédures nécessaires pour maintenir l’ordre, et non en guise d’éducation morale. Dans son Traité sur l’enchaînement des idées fondamentales dans les sciences et dans l’histoire, Cournot énonce ceci : « Jamais les hommes n’ont songé à fonder leurs relations sociales sur la force mécanique, aveugle ou brutale ».

La valeur d’une société se révèle à travers sa capacité à inculquer une moralité chez ses membres, et l’individu lui-même se sent plus en sécurité dans une communauté très pointilleuse dans les questions de moralité. Or, la conformité issue de la règle morale freine les possibilités de penser et d’ agir autrement.

II) Le bonheur de l’individu provient de ses efforts et de ses réussites personnelles

Si les actions remplies de moralité engendrent un respect de la part de nos proches, cela ne signifie pas pour autant qu’elles sont source de bonheur. Que ce soit l’obéissance aux règles de droit ou l’écoute de la voix de la conscience, ces préceptes dénotent une obligation à laquelle on ne peut pas échapper. Cela dit, le jugement sain de la raison nous dicte que l’obéissance est l’option la plus profitable, car le choix contraire engendre un plus grand mal. Il n’est pas contraire à la raison d’imaginer un monde meilleur, qui plus est les actions liées au devoir ne reflètent pas toujours les meilleures possibilités. Hume avance d’ailleurs la thèse suivant dans son Traité de la nature humaine : « Une passion doit s’accompagner d’un faux jugement pour être déraisonnable ; même alors ce n’est pas, à proprement parler, la passion qui est déraisonnable, c’est le jugement ». Tout compte fait, l’individu est obligé de plaire à la société, sinon il va semer le désordre ou subir la marginalisation. Ainsi, il n’a pas vraiment le choix dans le cas où ce qui est proposé par la société ne concorde pas avec ses points de vue. En général, l’obéissance aux règles morales devient une façon de paraître, par conséquent il est difficile de juger sainement si une action relève véritablement de la bonne volonté. Néanmoins, la société se réjouit toujours quel que soit le motif de l’action, car c’est l’obéissance qui compte réellement pour elle. L’individu, pour sa part, peut ressentir une frustration interne en restant dans cette apparence de moralité, puisque la liberté de choisir lui vaudra le prix de son prestige social. Rappelons que l’exclusion est lourde de conséquences sur l’estime de la personne, ainsi que sur son développement dans plusieurs domaines. Dans ses œuvres complètes, Pierre Joseph Proudhon déclare ceci : « Ma conscience est mienne, ma justice est mienne, et ma liberté est souveraine. Que je meure pour l’éternité, mais que du moins je sois homme, pendant une révolution de soleil ». Il est vrai que la vertu représente une valeur incontournable pour tout être humain, mais même son application à la lettre engendre également des méfaits dans l’adaptation à toutes les situations. Pour le cas de la justice par exemple, il est parfois plus juste de commettre l’injustice, comme une manière d’affirmer à quel point l’ensemble du système a toujours été injuste. Bien que la morale ne soit pas mauvaise en soi, sa mise en œuvre requiert toutefois des sacrifices, une situation qui est intenable dans le long terme. Cela se traduit par cet extrait de L’utilitarisme de John Stuart Mill stipulant : « Tant que le monde se trouve dans cet état imparfait, la disposition à accomplir un tel sacrifice _j’en suis tout à fait d’accord _est la plus haute vertu que l’on puisse trouver chez un homme ».

Obéir à la règle morale est certes très appréciée par l’ensemble de la communauté, mais le contenu de l’action ne renferme pas toujours des dispositions conformes à la saine raison. L’individu a le pouvoir de penser par lui-même les choses qui le rendent heureux, que la société soit capable ou pas de les accomplir pour lui.

III) La réalisation des actions passe nécessairement par l’aval de la société

Il est dans la nature de l’homme de vivre en société, et cette communauté artificielle présente également des fonctions et des attributs qui seront exécutés par ses membres. En principe, la société a pour mission de rendre ses membres heureux, mais cela dans des conditions imposées par le grand nombre. Il s’agit alors d’un bonheur uniformisé et mesuré selon certaines normes, et dont le résultat n’est pas toujours profitable à tout un chacun. Pourtant, une société libérale qui laisse de côté ses principes et ses valeurs s’efface totalement face à l’individu, donc n’a plus sa raison d’être. Dans son livre De la Démocratie en Amérique, Tocqueville annonce ceci : « Chez les nations où l’aristocratie domine la société et la tient immobile, le peuple finit par s’habituer à la pauvreté comme les riches à leur opulence ». Toutefois, il est très difficile de comparer la valeur de l’individu et celle de la société, puisque les priorités respectives issues de ces deux entités sont le plus souvent divergentes. Pour l’individu en particulier, son bonheur repose sur la liberté, c’est-à-dire la possibilité de disposer de son corps et de sa raison selon sa volonté. Cette liberté se conçoit en effet de manière fictive, et c’est la société elle-même qui décrète au premier abord l’homme comme étant naturellement libre. Dans le concret, le point de vue de la société fait alors obstacle à celui de l’homme individuel. Hegel a d’ailleurs fait la remarque suivante dans ses Leçons sur la philosophie de l’histoire : « La passion est regardée comme une chose qui n’est pas bonne, qui est plus ou moins mauvaise ; l’homme ne doit pas avoir de passion ». En faisant ce qui est bien par nécessité, l’individu réussit à faire bonne figure devant les autres, mais il sera malheureux par la suite. Ainsi, ce n’est pas la société qui contribue au bonheur de l’individu, mais c’est ce dernier qui a le devoir de plaire à la société. S’il arrive à l’homme de connaître le bonheur, c’est à travers ses propres actions, bien que celles-ci passent sous l’œil vigilant de la société. Savoir apparaître avec beaucoup d’intelligence, voilà donc le secret du bonheur. C’est en ce sens que Schopenhauer annonce ceci dans ses Aphorismes sur la sagesse de la vie : « Lorsqu’on voit, au contraire, comment presque tout ce que les hommes poursuivent pendant leur vie entière, au prix d’efforts incessants, de mille dangers et mille difficultés, a pour dernier objet de les élever dans l’opinion ».

Conclusion

Une personne dotée de moralité sait la valeur de l’action en elle-même, c’est pourquoi elle possède une bonne volonté de l’accomplir, même à l’insu de tout le monde. Le bon sens nous guide alors nécessairement vers une vie remplie de moralité, et parallèlement une société rigide en matière de règles morales gouverne ses membres avec plus de facilité. Mais en vérité, l’ordre du monde et des choses ne plait pas nécessairement à l’individu, or celui-ci n’a pas le pouvoir de changer le monde tel qu’il voudrait le représenter. L’individu décide alors de suivre une vie pleine de moralité au prix de son bonheur, ou bien il prend le courage de vivre une vie hors du commun pour se constituer une vraie personnalité. Renier la société équivaut à renier sa nature humaine, donc tous les projets de l’homme doivent tenir compte des incidences sur ses semblables. Selon son libre décret, l’individu choisit de plaire à la société en mettant des actions vertueuses en œuvre, et ce choix volontaire lui procure alors du bonheur. Le bonheur des autres peut-il devenir mon propre bonheur ?

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Toute La Philo

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