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La culture évolue-t-elle avec le temps ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

La culture d’un individu permet de connaître de manière plus approfondie sa personnalité et ses centres d’intérêt. Loin d’être des clichés trompeurs, les traits marquants de l’extérieur, notamment le physique ou la façon de parler, constituent des signes retraçant son passé et son histoire. D’emblée, une culture transparaît toujours à travers des supports physiques, et dévoile son authenticité même lorsqu’elle s’applique dans des contrées lointaines. Mais aussi, un individu est perméable à la culture d’autrui, cela pour des raisons pratiques aussi bien que pour des choix personnels. Dans les communautés d’immigrants par exemple, il existe une façon qui leur est particulière d’intégrer la culture du pays hôte. Comme disait Claude Lévi-Strauss dans son Anthropologie structurale : « Et pourtant, rien n’est plus loin de nous que cet autre nous-même, car un corps imité jusqu’aux moindres détails les reflète tous à l’envers, et deux formes, qui se reconnaissent l’une dans l’autre, gardent chacune l’orientation première que le sort lui a assigné ». Nous observons alors la culture d’autrui avec un certain recul, mais son intériorisation provoque également une interrogation sur les principes sur lesquels notre propre culture est basée. Un individu saurait-il résister aux pressions extérieures pour garder intact le respect de sa propre culture ? A travers les trois paragraphes qui suivent, nous donnerons une réponse détaillée sur le problème de l’évolution culturelle : le premier évoquera les forces mises en jeu pour qu’une culture puisse résister au temps ; le deuxième argumentera que tout individu aspire intérieurement à préserver coûte que coûte son identité culturelle ; et le troisième conclura que l’histoire est constituée essentiellement par le changement inopiné des perspectives.

I) La notoriété d’une culture est soutenue par une force politique et commerciale

Certaines sociétés décident de vivre en autarcie dans le but de préserver sa culture, c’est une façon de montrer aux autres la suprématie de leur race, de leurs acquis intellectuels et de leur patrimoine économique. Mais ce conservatisme ne leur sera pas bénéfique dans le long terme : il leur faudra étendre le territoire en vue de profiter davantage de leur avancée sur les autres peuples. Une simple relation commerciale entre deux pays engendre des bénéfices qui ne sont pas toujours équitables, certes, or cela n’est pas forcément synonyme d’une domination culturelle. Remarquons que c’est à travers une les guerres et la colonisation que la soumission d’une culture à une autre s’effectue plus efficacement. Cela est traduit par cet extrait du livre Humain, trop humain de Nietzsche : « Les civilisations ne peuvent pas se passer des passions, des vices et des méchancetés. _ Lorsque les Romains parvenus à l’Empire furent un peu las des guerres, ils essayèrent de retirer de nouvelles forces des battues à la bête fauve, des combats de gladiateurs et des persécutions contre les chrétiens ». A première vue, une guerre se déclare en vue d’entretenir des intérêts politiques, mais cela renferme en vérité des questions économiques. Il en est de même pour les guerres de religion, de sorte que les désaccords et les hostilités envers ceux qu’on désigne comme impie sont seulement un argument de premier plan. Les investissements dans une guerre seront alors renfloués de diverses manières, notamment par le prestige de la victoire sur le peuple vaincu. Parallèlement, l’adoption de la culture des pays colonisateurs devient plus fluide, ce qui se manifeste par le changement des mentalités et du mode de vie. Cournot avance d’ailleurs cette remarque dans son livre Traité de l’enchaînement des idées fondamentales dans les sciences et dans l’histoire : « Il n’est pas moins naturel aux hommes de combattre que de travailler ; partout même l’organisation de la guerre entre peuplades a précédé l’organisation du travail ». Le développement du commerce est également un signe palpable de l’épanouissement à grande échelle d’une culture. En effet, la consommation de produits typiques reflètent un certain mode de vie, non pas en fonction de la richesse et du pouvoir d’achat, mais en vue de l’adhésion à une culture donnée. Or, une culture étrangère, pour qu’elle puisse s’ancrer profondément chez un peuple, doit être légitimée par les dirigeants politiques. Cela dit, un objet n’est jamais neutre pour être destiné uniquement à la consommation, il joue le rôle de symbole pour représenter une culture, et cette dernière sera considérée comme prestigieuse ou de moindre importance. Comme le fait remarquer Descartes dans Les passions de l’âme : « Nos passions ne peuvent pas aussi directement être excitées ni ôtées par l’action de notre volonté, mais elles peuvent l’être indirectement par la représentation des choses qui ont coutume d’être jointes avec les passions que nous voulons avoir, et qui sont contraires à celles que nous voulons rejeter ».

Aucune société ne peut échapper au contact avec d’autres cultures pour des raisons politiques et économiques, ce qui définit de manière inconsciente des rapports de domination entre les peuples concernés. Mais cette influence s’opère en vérité au niveau de l’individu, ce qui le substrat de la conscience et de la volonté.

II) L’homme est en mesure d’ériger la valeur de sa propre personne

L’éducation de base reçue par un individu depuis sa petite enfance détermine le cours de son existence vers la réussite ou l’échec. C’est à travers ces enseignements élémentaires qu’il comprend en quoi les choses désignées comme bonnes sont dignes d’être poursuivies, et par la suite les valeurs fondamentales qui sont incorporées dans sa culture. En effet, ces principes seront profondément ancrés dans l’esprit de l’individu parce qu’ils sont en même temps appliqués dans sa communauté pour en ressentir les avantages. Mais aussi, le fait de vivre auprès des siens et de partager ces mêmes valeurs engendre un sentiment de reconnaissance de la part de ses semblables, et surtout une fierté d’avoir des racines qui nous a forgées tel que nous sommes. Ce passage de L’Ethique de Spinoza fournit un argument pour cette thèse : « Il y a donc hors de nous beaucoup de choses qui nous sont utiles et que, par cette raison, il nous faut appéter. Parmi elles la pensée ne peut inventer de meilleures que celles qui s’accordent entièrement avec notre nature ». Sachons que la première origine de la dépression est ce malaise issu de la mésestime de soi, ou encore de l’absence d’une appartenance et d’un rattachement. Or, avoir une identité culturelle ouvre tellement de perspectives pour connaitre davantage et agir en conséquence, ne serait-ce pour le domaine professionnel. Faire connaitre sa culture par l’enseigne de sa boutique est une marque de différentiation que nul ne peut rivaliser, ou encore avoir des caractères physiologiques qui se démarquent du groupe n’est jamais une honte, au contraire. Par contre, le fait de suivre la tendance est un manque de personnalité et de confiance en soi, ce qui creuse davantage le fossé entre les groupes dominants et les dominés. Comme disait Montaigne dans ses Essais : « C’est une absolue perfection, et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être. Nous cherchons d’autres conditions, pour n’entendre l’usage des nôtres, et sortons hors de nous, pour ne savoir quel il y fait ». Faire face aux préjugés est certes très difficile, mais cela sera aussitôt surmonté lorsque nous disposons d’une base culturelle qui forge notre identité. En effet, la volonté nous pousse à agir sur le monde et sur nous-mêmes, elle est la force créatrice qui prend son fondement dans l’esprit et qui détermine ensuite ce qui doit être. En disposant de la force de la volonté, aucun individu ne pensera à s’autodétruire, c’est-à-dire à se blâmer sur son sort et à nier ce qu’il est. Ce que nous considérons comme faiblesse ne vient pas en effet de nous-mêmes, mais de l’image que les autres renvoient vers nous. Par conséquent, il nous incombe de faire la différence entre le vrai et l’apparence, entre ce qui relève de notre propre être et ce qui nous est extérieur. Cette argumentation fournie par Schopenhauer dans Le monde comme volonté et comme représentation poursuit la même ligne d’idée : « Cette volonté, grâce au monde représenté, arrive à savoir ce qu’elle veut : c’est le monde même, c’est la vie ».

L’homme aspire naturellement à se bâtir une identité, cela à travers sa culture qui lui fournit des valeurs et des principes. L’évolution culturelle consiste alors à étoffer sa propre culture, compte tenu de certaines lacunes observées dans celle-ci et sous l’influence des cultures étrangères.

III) La culture évolue en fonction de l’aspect matériel de la vie

Le principal support d’une culture est le peuple, mais le peuple lui-même ne peut être aussi hétérogène dans sa façon de penser et ses convictions. Les historiens et les anthropologues s’intéressent à l’étude d’une civilisation lointaine ou contemporaine, sans qu’ils soient obligés de vivre comme ces peuples d’autrefois. Par contre, il est des individus qui admirent la culture d’autrui en essayant d’imiter ces coutumes, ou alors de connaître avec minutie les croyances sur lesquelles elle s’appuie. Toutefois, certaines pratiques ne sont plus compatibles avec le mode de vie actuel, dont l’aspect matériel est essentiellement gouverné par la modernité. Friedrich Schiller, dans son ouvrage Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, affirme ceci : « Aussi la culture apparaît-elle encore comme imparfaite dans tous les cas où le caractère moral ne peut s’affirmer qu’en sacrifiant le caractère naturel ». Quelle que soit la culture à laquelle nous appartenons, il est un fait indéniable que le côtoiement avec les autres peuples influence notre façon de voir les choses selon un certain degré. Nous serons toujours enclins à revenir aux sources pour nous rappeler en quoi consistent réellement les principes auxquels nous tenions, mais nous constatons inévitablement qu’ils ne peuvent plus être appliqués à la lettre. C’est pourquoi une culture développe certains changements au fil du temps, d’un côté pour des raisons de survie, et de l’autre par un choix éclairé qui nous fait équilibrer l’efficacité des nouvelles pratiques et la valeur de notre culture ancestrale. En tout cas, c’est l’individu qui décide de son destin et qui forge l’évolution d’une culture. « Alors se lève le rude combat entre le besoin et l’inertie, c’est le premier qui est vainqueur, mais la seconde se plaint amèrement », déclare Fichte dans ses Conférences sur la destination du savant. Ce n’est pas véritablement le temps qui ternit les principes sous-jacents à une culture, et on observe d’ailleurs des pratiques qui restent intactes après des millénaires. Une culture qui évolue ne signifie pas une culture qui a perdu son essence, c’est seulement sa façon de se manifester extérieurement qui doit s’adapter avec le cours des choses. Ainsi, on observe de nouveaux symboles qui héritent des mêmes significations que ceux d’avant, c’est-à-dire que les fondements et les valeurs des pratiques sont encore conservés. Si on se réfère uniquement sur les signes observables, on peut affirmer que la culture évolue, toutefois l’individu maintient intact les raisons pour lesquelles un rite mérite encore d’être pratiqué. Comme nous le fait remarquer Berkeley dans son Essai pour une nouvelle théorie de la vision : « Quand nous remarquons que les signes sont variables et d’institution humaine, quand nous nous souvenons qu’il y eût un temps où ils n’étaient pas associés dans notre esprit avec ces choses qu’ils nous suggèrent maintenant si facilement, mais où leur signification fut apprise par les lents progrès de l’expérience, cela nous préserve de les confondre ».

Conclusion

Les deux principaux moyens pour qu’une nouvelle culture s’implante dans l’esprit du grand nombre  sont la guerre et l’ouverture des frontières. En conséquence, le droit de la guerre donne raison à ce que le vainqueur puisse dominer le vaincu même dans ses principes et ses vérités. Toutefois, le fait d’appartenir à une culture me permet de répondre avec assurance qui je suis, ce qui me servira de repère face à la diversité du monde dans lequel je suis confronté. Et ce fondement solide pousse notre volonté à surmonter les obstacles, et surtout à nous défendre contre ces remarques désobligeantes à l’encontre des différences. En réalité, c’est l’individu qui prend conscience de l’importance d’une culture, et qui décide de la raviver de diverses manières. Le respect d’une culture renvoie donc à ce retour aux sources, en les extériorisant par les possibilités de signification dans notre époque. Une culture a-t-elle le pouvoir de transformer la société ?

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