Dissertations

L’homme politique doit-il quelque chose au peuple ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

L’homme politique est la personne qui est associée aux affaires politiques. Il désigne souvent l’élu ou du moins le candidat à une responsabilité politique, mais essentiellement c’est une personne qui s’intéresse et qui participe à la gestion de la cité. En ce sens, il est investi d’un pouvoir dont il devrait user pour le bien-être de la vie publique. Toutefois, L’homme politique est souvent connoté d’une manière négative par l’image d’une personne avide de pouvoir et calculatrice en vue de ses intérêts particuliers. L’histoire politique des grandes civilisations ne semble pas manquer d’exemples illustres de politiciens corrompus. Mais, qu’importent leurs véritables intentions, il semble que ce n’est plus une surprise de constater que les politiciens usent parfois de moyens immoraux pour arriver à leur fin comme la tromperie préélectorale ou les manipulations médiatiques. Mais au fond, l’homme politique doit-il quelque chose au peuple ? Devoir quelque chose au peuple signifie être obligé de rendre compte de quelque chose en vertu d’une certaine justice ou en vertu d’un droit simplement juridique. Or, l’homme qui a affaire à la complexité pratique de la vie politique, s’il doit penser à l’intérêt du peuple, doit-il absolument servir les attentes de ce dernier au risque d’en être encombré et de ne plus penser en tout pragmatisme ? C’est un problème, car l’homme politique doit donc paradoxalement servir l’intérêt du peuple sans en faire un devoir au risque de ne pas être efficace. Pour le résoudre, nous adopterons le plan en trois parties . Dans une première partie, on verra pourquoi servir le peuple est le devoir de celui qui veut s’affairer à la gestion de la cité. Dans une seconde partie, nous verrons toutefois en quoi exactement l’idée est problématique tant que la politique semble être dans les faits principalement une affaire de pragmatisme. Enfin, dans une dernière partie, nous observerons pourquoi l’esprit pragmatique n’est pas en toute circonstance recommandable quand on estime le peuple être avant tout une fin.

I) L’homme politique doit servir le peuple

1. La fonction de la politique est de servir l’intérêt public

La politique, de son étymologie grecque polis qui signifie la cité, est traditionnellement définie comme l’art de gérer la cité. Cette dernière représente un certain ordre de la vie en collectivité  des hommes qui a en droit pour objectif l’intérêt public. Les hommes, d’une manière explicite par la voie démocratique ou implicite par la croyance d’être naturellement contraint, acceptent de renoncer à leur liberté individuelle pour être gouvernés dans leur rapport social. En retour, ils attendent des responsables politiques l’assurance de l’intérêt général. Par exemple, Thomas Hobbes dans son Léviathan nous explique que les hommes se sont accordés d’un pacte de soumission dans la peur des conséquences de leur liberté naturelle. Ici, les hommes veulent s’affairer dans  leur commerce avec une conscience rassurée par le fait qu’il y a des lois qui protègent effectivement leur droit. Le principe renvoie ici  à un ordre qui présente tant la sécurité qu’une justice acceptable. L’homme politique doit être en ce sens à l’écoute du peuple, car la responsabilité qu’il tient est lourde des sacrifices de ceux-ci.

2; Le pouvoir politique est rendu légitime par le peuple

Considérons d’ailleurs que le pouvoir dont l’homme politique est investi ne vient implicitement que du peuple. On n’ignore pas que l’accès à ce pouvoir peut venir du seul fait de l’habileté de l’individu, car il n’est pas donné à tout le monde, mais seulement à celui qui sait saisir les opportunités à sa conquête. Toutefois, le pouvoir politique en lui-même ne s’est pas constitué ni ne s’est maintenu arbitrairement. Le fait est que l’autorité n’est pas effective sans l’accord explicite ou implicite de celui à qui elle s’adresse. En politique, elle a des fondements que la majorité du peuple estime suffisants à le gouverner. Généralement, cette légitimité est fondée sur des principes qui transcendent l’individu. Il peut s’agir de principes divins ou traditionnels soient de principes idéaux considérés comme dignes de la nature raisonnable et rationnelle de l’homme. Dans tous les cas, l’homme politique doit manifester dans son usage du pouvoir politique un certain accord avec ce qui le fonde, car il n’en est pas le réalisateur, mais seulement le responsable passager.

L’homme politique doit donc servir le peuple tant que le pouvoir qu’il veut détenir ou maintenir est conditionné par des responsabilités envers le peuple. Toutefois, pour atteindre ses objectifs politiques, le fait qu’il doit répondre moralement au peuple n’est-il pas handicapant en termes de pragmatisme?

II) Pour mieux servir le peuple, l’homme politique doit dépasser l’idée de devoir quelque chose au peuple

1. La politique demande parfois d’être en désaccord avec le peuple

L’homme politique a certainement pour vocation de servir l’intérêt public. Ce service demande toutefois des moyens que le peuple peut considérer comme inacceptables. Il s’agit généralement de moyens qui ne correspondent pas aux attentes du peuple qui sont conditionnées par les bonnes mœurs. Or, celles-ci ne sont pas suffisamment objectives pour y convenir en toutes circonstances, car elles sont relatives à des conditions culturelles d’une époque. La politique, qui se veut être réaliste en termes de technique, demande d’avoir principalement un esprit pragmatique pour gérer le bien public dans ses conditions concrètes changeantes. Par exemple, d’un point de vue technique, on peut comprendre que le contrôle démographique de la natalité est nécessaire à la gestion économique quand la consommation des ressources demande une modération considérable. Or, d’un point de vue moral, l’idée est difficilement convenable, car il permettrait le droit  d’empiéter sur la vie privée de la famille. Au fond, le problème est en ceci que le public peut rarement se mettre à la place du politicien chargé de problématiques complexes entre l’efficacité des moyens et le programme idéal que ce dernier veut réaliser. L’homme politique reste le mieux placé pour considérer l’objectivité de l’action politique, car il a pour expérience directe le jeu de l’État lui-même et ses conditions mobiles. En ce sens, il devrait se sentir ne rien devoir à un peuple ignorant de la réalité politique, mais seulement se soucier de la réussite de ces actions. Ce dernier semble d’ailleurs n’être la seule chose que le peuple peut juger tant les moyens immoraux sont souvent cachés derrière le rideau du théâtre de la vie politique.

2- L’homme politique doit rester pragmatique

On soupçonne souvent l’homme politique d’user de son autorité pour servir ses intérêts personnels. L’homme qui s’intéresse au pouvoir politique pourrait ne voir en celui-ci que l’opportunité de servir au mieux ces derniers. Ce soupçon est en fait le produit d’une impression inévitable qui est celle du Machiavélisme nécessaire à la vie politique. L’homme politique peut dans les faits abuser du pouvoir politique en détournant celui-ci des cadres légales de son autorité. Devant l’observation de l’opinion publique, cette action paraît généralement être une trahison. Après tout, nul ne devrait être au-dessus des lois et surtout pas l’élu du peuple ou celui qui aspire à l’être. Il est toutefois difficile de réussir en politique si on veut absolument se conformer au devoir de suivre la juridiction. Bien qu’une juridiction puisse être établie dans un certain pragmatisme étant donné qu’elle veut être effective, leur nature nécessairement abstraite et générale dans le souci de la formalité pose problème. Cette nature risque de manquer de pertinence vis-à-vis de la particularité des situations. Or l’homme politique doit être avant tout un homme d’action. Il doit toujours être prêt à saisir les meilleures opportunités que les circonstances lui offrent. En fait, fondamentalement, obéir à toute forme de rigidité idéale neutralise l’esprit d’efficacité politique qui doit faire preuve de pertinence technique vis-à-vis du devenir des événements.

L’homme politique doit donc transcender ses considérations morales envers le peuple s’il veut réussir en politique. Toutefois tout moyen est-il donc justifiable pour servir le peuple, quitte à ne plus considérer celui-ci comme une fin?

III) L’homme politique malgré tout pragmatisme a le devoir de traiter le peuple comme une fin

1. L’esprit de la fin qui prend le dessus sur l’esprit des moyens risque de neutraliser l’esprit autonome

L’esprit de l’homme d’action n’est certes pas négligeable pour la réussite politique. Toutefois, l’homme politique ne doit pas en donner le privilège en toute circonstance sous prétexte qu’il n’y a que l’efficacité qui devrait compter. L’esprit pragmatique plaît à celui qui ne veut pas s’encombrer de la moralité, mais il peut toutefois dangereusement habituer ce dernier à la facilité des moyens au mépris de la recherche de compromis. On peut comprendre l’esprit utilitariste qui veut en toute situation calculer les risques, mais l’homme n’est pas un programme informatique qui appliquerait automatiquement ses décisions. L’enjeu est ici notre autonomie morale. Vouloir à tout prix l’efficacité nous fait oublier petit à petit notre capacité de prendre des décisions raisonnables, soit réfléchies et mesurées. On peut devenir passif et lâche vis-à-vis de la facilité des solutions pratiques. Au contraire, l’homme politique doit considérer l’esprit du devoir pour le propre salut de son autonomie. Le souci du devoir nous apprend par exemple la patience, le courage et la détermination. Sans ces qualités,  un homme politique marchandera facilement son intégrité en faveur du sophisme. Il n’aurait aucun scrupule à trahir sa parole à la moindre occasion profitable. En fait, se méfier de l’idée d’efficacité et mesurer ses conditions prévient surtout l’homme politique de manquer d’user avant tout de sa conscience rationnelle. Une conscience qui est vitale pour maintenir sa dignité d’homme.

2. L’homme politique doit considérer qu’il a affaire à une communauté d’homme et non à de simples choses

Dans les faits, les moyens les plus efficaces sont presque évidents à opter tant qu’il s’agit de choses, mais la politique traite des êtres qui ont une sensibilité métaphysique non négligeable : le sens des valeurs. Les hommes ne vivent pas et ne meurent pas pour ce qui serait de pures conditions matérielles, mais pour des valeurs. Sans ce sens, rien ne nous motiverait à une société plus juste et plus digne de gouverner des êtres perfectibles. On peut penser que le résultat compte plus aux yeux du peuple que les moyens. Mais il ne s’agit pas d’une réalité en soi. Il ne s’agit toujours que d’un idéal, celui d’un esprit conditionné par la culture de la performance technique, pareil à un esprit conditionné par la culture de l’excellence morale humaine. À cet égard, l’homme politique doit se demander à quoi il aspire à être dans son entreprise. Il est vrai que choisir une conduite vertueuse plutôt qu’une conduite pragmatique est naïf à l’égard du monde fondamentalement amoral de la politique. Toutefois, un homme politique qui ne suit que la voie de l’efficacité déshumanise l’activité politique. Il ne s’agit pas de gérer des entités mécaniques, il s’agit de favoriser l’espace d’épanouissement de notre humanité qui se doit être une société humaine.

Conclusion

En résumé, il nous a paru que l’homme politique se devait de servir le peuple étant donné que la politique se doit être de l’ordre de l’intérêt public. Ce dernier est la raison pour laquelle le peuple sacrifie sa liberté individuelle. Puis comme le pouvoir dont il est investi est rendu légitime par des fondements en quoi le peuple croit, il doit à celui-ci leur respect. Toutefois, que l’homme politique ait pour objectif de mieux servir le peuple ou non, il doit dépasser la considération de devoir quelque chose à ce dernier. Il ne doit pas toujours se soucier des attentes du peuple, car les conditions réelles ne permettent pas toujours de les satisfaire. En ce sens, l’homme politique devrait être un homme d’action dans le sens où il doit savoir saisir les opportunités que présentent les événements. Pourtant, bien que la réussite politique demande d’être amorale, l’homme politique ne devrait pas vouloir l’efficacité à tout prix. Le fait est que cet état d’esprit peut lui faire perdre facilement son autonomie. Habitué au souci du pragmatisme, il ne considère plus de réfléchir à des compromis raisonnables. Puis fondamentalement, il doit avoir le sens des valeurs et réfléchir avec eux, car ceux-ci sont au cœur des motivations du développement humain que la société devrait promouvoir.

A propos de l'auteur

Toute La Philo

Laisser un commentaire