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Une démonstration peut-elle s’appuyer sur les faits ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

Il arrive que la vérité puisse ne pas apparaître comme immédiatement évidente, alors on use de la démonstration pour l’établir d’une manière claire et distincte. La démonstration, en ce sens, a pour rôle de révéler la vérité. Toutefois, il arrive aussi que le menteur puisse faire preuve d’une démonstration cohérente en guise de persuasion. Quand on dit que quelqu’un ment, on estime que ce qu’il dit n’est pas conforme aux faits malgré que la raison ne puisse pas contredire sa logique. En ce sens, une démonstration peut-elle s’appuyer sur les faits ? Car sa nature rationnelle donne à penser qu’elle ne peut s’occuper que de la logique des opérations formelles. Les mathématiques peuvent présenter des formes qui semblent d’ailleurs n’avoir aucune référence concrète.  Toutefois, en considérant de préciser  à quoi les concepts utilisés dans une démonstration se rapportent comme objet concret, ne peut-on faire de la démonstration une science du réel ?  C’est ce que l’esprit fait régulièrement quand il dit raisonner sur des faits et non dans le vide, car après tout, la vérité devrait se conclure à partir du premier. On est donc face à une problématique. Quel sens aurait la démonstration vis-à-vis de la vérité si elle ne peut faire concerner les faits ? Pour répondre à ce problème, considérons le développement suivant. Premièrement, voyons pourquoi la démonstration peut impliquer les faits. Deuxièmement, considérons aussi toutefois pourquoi elle ne peut, en droit, prétendre donner des faits. Troisièmement, considérons les raisons qui donnent à la démonstration toute son importance vis-à-vis de notre rapport théorique avec les faits.

I) Démontrer implique les faits

1. Démontrer implique déjà l’idée de faits.

On considère communément que démontrer c’est établir clairement la vérité. Son étymologie reste en ce sens pertinente comme il s’agit avant tout de montrer ce qui n’est pas à priori évident. Puis, comme la vérité signifie généralement la qualité d’une idée qui correspond aux faits, on implique dès lors que démontrer c’est aussi faire  état des faits. Par exemple, dans le fameux syllogisme d’Aristote qui présente la logique que tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel, on convient de l’intuition du fait que tout homme est mortel et de celle de Socrate étant un homme pour établir clairement que Socrate est mortel. Certes l’idée que Socrate soit mortel peut paraître déjà intuitive tant il n’est pas nécessaire de le démontrer, car on connaît l’être vivant à qui s’adresse le nom «Socrate ». Toutefois, pour celui qui n’en a pas la connaissance il fallait bien préciser que Socrate est un homme et que l’homme fait partie de l’ensemble des mortels pour déterminer la vérité de fait derrière la conclusion logique que Socrate est mortel.

2. La démonstration peut s’appuyer sur des propos se rapportant à des faits comme bases pour conclure une vérité indubitable.

On peut vite critiquer le précédent exemple sur le fait qu’on peut remplacer ses termes par des symboles qui ne se rapportent à rien de factuel et que la logique restera la même. Ce qui est en toute rigueur vrai. Toutefois, tant que la démonstration implique des prémisses qui sont des idées basées sur l’évidence des faits, elle découlera sur une conclusion à la fois cohérente et concrètement pertinente. Une logique qui dit si tout Q est X est que A est un Q alors A est un X, n’est qu’un jeu de l’esprit, mais elle peut être féconde si on considère  de rapporter Q et X à des concepts qui représentent respectivement des faits concrets. On explicitera ici la raison pour laquelle A devrait être concrètement un X par souci de clarté et éviter toute implication subjective. Disons par exemple qu’une voiture est une machine. Or une Mercedes est une voiture donc une Mercedes est une machine. Ici on sait en toute objectivité pourquoi on dit qu’une Mercedes est une machine. Pour démontrer qu’une Mercedes est une voiture, on dira que toute machine finalisée pour telle fonction est une voiture, or, une Mercedes a principalement ladite fonction donc une Mercedes est une voiture. Ici on remarque la même clarté indubitable. L’objectivité de la conclusion tient du fait que si les prémisses sont objectives, la raison ne peut refuser la cohérence du processus qui amène à montrer que la conclusion est dès lors nécessairement aussi objective sans en avoir fait l’expérience personnelle. La force de la démonstration est qu’elle fait l’accord des esprits par la seule cohérence sans pouvoir passer par l’épreuve empirique. On conclura ici avec la définition classique d’Aristote que la démonstration est « Un discours tel que, certaines choses étant posées, quelque chose d’autre que ces données en résultent nécessairement par le seul fait de ces données »

La démonstration peut donc inclure les faits de sorte à en conclure des faits eux-mêmes sans avoir fait l’expérience de ces derniers. Toutefois, cette conclusion reste problématique, car on peut encore se demander comment un fait est un fait sans son expérience. En fait, il faut se demander si la démonstration au fond considère moins la vérité des faits que la simple logique.

II) La démonstration ne peut se fonder sur les faits, car son essence est seulement logique.

1. La démonstration est limitée par la cohérence et non par l’état des faits.

Considérons d’abord que  la démonstration ne peut outrepasser les conditions logiques de la structure qu’elle établit. Revenons au syllogisme. Pour arriver à la conclusion logique que Socrate est mortel, le raisonnement devrait respecter le modèle d’un système défini. Aristote définit quatorze configurations du syllogisme qui devraient présenter le grand terme « mortel », le moyen terme « homme » et le petit terme « Socrate » dans  les seules positions possibles qui offrent une conclusion cohérente. Par exemple, dans la première et la seconde proposition,  on ne peut à la fois inclure le moyen terme et le petit terme dans le grand terme sous peine de conduire à une conclusion incohérente. Si Q (moyen terme) est inclus dans X (grand terme) or que A (petit terme) est aussi inclus dans X (grand terme), on ne peut conclure que A (petit terme) est inclus dans Q (moyen terme) puisque rien ne montre logiquement que A est plus petit que Q. En dehors de ces configurations nécessaires qu’importe la vérité factuelle des prémisses et de la conclusion, elle ne sera jamais acceptée par la partie logique de l’esprit.  Ce qui suggère qu’en toute rigueur, la démonstration ne devrait prétendre à aucune factualité.

2. La démonstration ne se soucie pas naturellement des faits

Puis même si une démonstration peut partir de l’évidence de faits, il convient de signaler qu’il est difficile de distinguer l’évidence de la seule certitude. Ce qui est dangereux, car en partant de prémisses fictives, on peut vite tomber dans l’illusion. En toute rigueur, pour distinguer l’évidence de la simple conviction qui soutient la certitude, la démonstration devrait expliciter ses fondements jusqu’à arriver au premier. Le fait est que la démonstration peut définir des théories qui dépassent toutes références concrètes sans manquer de cohérence. Le discours motivé par la passion, fondé sur des dogmes non questionnés ou basés sur l’habitude culturelle, bref tout ce qui peut incliner la raison en dehors de l’objectivité peut en dehors de leur nature subjective manifester une logique implacable.  La cohérence ne demande qu’en toute rigueur on ne peut pas impliquer en même temps une chose et son contraire. En ce sens, elle  montre qu’elle se soucie moins du rapport de nos idées avec les faits que du rapport  de nos idées entre elles. En fait, la faculté rationnelle qui se concerne sur les faits est dite l’entendement. Celui-ci a pour rôle de rendre intelligibles nos perceptions en leur donnant une interprétation opérable par la raison. Il est donc important de ne pas confondre les deux ordres tant le premier s’éprouve par la nécessité logique et le second, la pertinence empirique.

Une démonstration ne peut donc s’appuyer que sur la cohérence qu’elle présente. Toutefois cela signifie-t-il qu’elle n’offre rien d’important vis-à-vis de notre entendement des faits ?

III) La démonstration est nécessaire à l’entendement des faits

1. La démonstration est à la base de la production théorique nécessaire à l’entendement des faits.

Premièrement, même si la démonstration a pour priorité la cohérence aux dépens des faits, elle reste nécessaire à la fécondité théorique qui est elle-même nécessaire à l’interprétation des faits. En science, la démonstration dite hypothético-déductive sert à préciser d’une manière rigoureuse, grâce aux outils mathématiques si possible, les prévisions d’une expérience afin de formuler un corpus théorique qui devrait adéquatement y conduire. Dans le cas échéant de l’impossibilité de réaliser concrètement l’expérience à l’égard de l’état de la technologie actuelle, l’usage de la déduction reste pertinent. En effet, cette dernière permet de pertinentes suppositions qui ont une valeur de solutions provisoires. Déduire consiste à tirer de l’opération logique qu’on effectue entre les premières propositions que sont les prémisses, une conclusion qui va de soi. Ainsi,  en réfléchissant à partir de données considérées comme suffisamment pertinentes, on obtient une conclusion à titre d’hypothèse logique. Cette hypothèse peut servir  notamment dans de nombreux cas en science théorique à répondre à une problématique posée ou à combler un manque théorique dans l’explication des phénomènes. Dans le cas de la physique quantique par exemple, on ne peut observer le comportement des particules sans les perturber. À cet égard, ce qu’on peut faire c’est formuler des modèles théoriques basés sur de rigoureuses démonstrations mathématiques qui déterminent par probabilité tous les mouvements et les positions possibles des éléments quantiques. Bien que cette observation soit donc indirecte et ne devrait prétendre à aucun moment être radicalement réaliste, car elle présuppose que la réalité joue le jeu des règles métaphysiques de la mathématique, elle a au moins la pertinence de mettre hors-jeu la subjectivité en procédant par la rigueur rationnelle.

Enfin, d’une manière fondamentale, la démonstration a ce mérite de faire travailler l’esprit à éclaircir nos propos pour bien les mesurer. Le fait de démontrer ne peut omettre l’examen rationnel des opérations et des concepts qu’on met en jeu dans le raisonnement. Si les concepts qu’utilise la démonstration prétendent par exemple se rapporter véritablement à des faits, la démonstration reste nécessaire à expliciter leur objectivité. Il faut d’abord développer ici que tout concept présente principalement des sens. Le sens qui se rapporte au fait est déterminé par l’entendement qui définit les caractéristiques propres d’un objet à partir de nos perceptions. User de concepts qui se rapportent à des faits dans la démonstration expose donc les concepts qu’elle met en rapport au risque de se contredire entre eux. En ce sens, ce qui est important à considérer est que quand on demande une démonstration, on met à découvert face à l’esprit critique les fondements de nos jugements. Elle peut nous faire prendre conscience en fin de compte que nos intuitions n’étaient pas si objectives ou qu’elles méritent un certain raffinement. Une bonne interprétation des faits ne devrait pas rester aux intuitions. Elle devrait présenter  une certaine rigueur rationnelle qui manifeste en toute transparence à la conscience pourquoi elle est pertinente.

Quel sens aurait la démonstration vis-à-vis de la vérité si elle ne se souciait pas de la conformité des concepts qu’elle utilise aux faits? La démonstration nous est apparue comme impliquant naturellement les faits comme elle est une démarche de la raison qui veut établir clairement la vérité. D’ailleurs, il semblait évident qu’elle pouvait se baser sur des faits pour conduire la raison à établir d’autres faits. Toutefois, dans sa nature, elle concerne prioritairement la cohérence des rapports qu’on effectue entre les formes. Le fait qu’on peut substituer arbitrairement tout concept à de simples symboles et quand même faire l’accord des esprits rationnels montre qu’elle ne supporte que la logique. Pourtant, à bien considérer sa nature à nous faire réfléchir, son usage reste inconditionnel à l’objectivité de nos propos. La démonstration déductive est à la base de notre ingéniosité théorique. En partant de prémisses solides, on peut déduire des prévisions pertinentes et précises. Puis finalement, l’enjeu le plus important de la démonstration est qu’elle permet de développer nos pensées afin que celles-ci soient à la lumière de la raison critique.

 

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