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L’affirmation de soi est-elle une négation d’autrui ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

L’affirmation de soi est le fait de se présenter significativement devant autrui. Il s’agit de montrer dans les rapports avec ce dernier l’existence transcendantale d’un soi pour soi et non d’un soi pour l’autre. Ainsi, le sujet manifeste personnellement la position de ses pensées, l’autonomie de  ses prises de décisions et  la propre attribution de ses responsabilités. Mais que devient alors autrui dans ces conditions ? Le concept d’Autrui renvoie à cet autre sujet que la conscience de soi reconnaît comme existant en dehors de lui. Il s’agit de l’autre homme que l’on reconnaît à la fois comme un semblable et un étranger. Or l’affirmation de soi en se concentrant sur soi ne s’opposerait-il donc pas à la conscience de l’existence de ce dernier, comme si celui-ci n’est pas un être transcendant égal à soi ? Pourtant à bien considérer la nature relationnelle de l’affirmation de soi, un paradoxe apparaît nécessairement. On se demandera sur quoi baser cette affirmation si elle ne peut avoir comme projet que la conscience d’autrui. Pour répondre à ces interrogations problématiques, on considérera un développement dialectique à partir du plan suivant. Premièrement on observera en quoi exactement l’affirmation de soi peut se présenter comme une opposition envers autrui. Deuxièmement il nous faut toutefois mesurer cette perspective par une autre qui présente la présence d’autrui comme la condition même de la réalisation de cette affirmation. Ce qui nous amène à proposer dans une dernière partie la synthèse que l’affirmation de soi ne peut donc que coexister avec celle d’autrui.

I) L’affirmation de soi comme opposition à autrui

1. S’affirmer c’est savoir dire non

S’affirmer peut renvoyer à l’idée de montrer notre autonomie dans la négation d’autrui. Il s’agit de manifester la volonté de tenir les rênes de sa vie de ses propres mains. Ce qui paraît naturellement de notre droit. Dans cette perspective, il n’est dès lors pas question de laisser à autrui le loisir de nous juger par rapport à ses attentes et par ailleurs de nous influencer sur ses propres perspectives. Le rapport avec autrui nourrit un certain hypnotisme envers les normes sociales. En société, il y a toutes sortes d’ordres verticaux qui positionnent l’individu sur une échelle de valeurs répondant à sa culture. Ainsi par exemple l’inégalité économique fait que certains aient honte de leurs conditions, on regarde souvent d’ailleurs les défavorisées sous la perception de la misère. Mais encore, la chaîne de commande et des fonctions divisent les hommes en titre et en honneur que certains se sentent plus  être asservis aux autres que de servir sa communauté. Il s’ensuit que celui qui veut sortir de ces conditions, du moins en termes d’état d’esprit, doit renverser les ordres dans sa perception. Il doit cultiver une certaine estime de soi pour reconquérir cet amour de soi-a-soi. Ce qui demande de revoir la perception de soi vis-à-vis de ce qu’autrui peut penser. Il ne doit pas s’attacher aux préjugés définit par les valeurs socioculturelles ambiantes et se faire son propre juge. Mais encore, il doit avoir l’audace de se donner le droit de dire ce qu’il pense, de faire ce qu’il juge bon, de choisir ce qui l’attire personnellement.

2. S’affirmer serait réduire autrui à n’être que le moyen de ses intérêts

Dans le renversement de soi pour autrui vers le soi pour soi, le sujet doit alors poser ses intérêts comme prioritaires. Le fait est que celui  qui est psychologiquement soumis à autrui sert indirectement l’intérêt de ce dernier. Celui qui manque d’estime a constamment besoin de l’appréciation positive d’autrui. De ce fait, il dit rarement non aux demandes d’autrui, dès qu’il voit une opportunité de servir les autres il voit l’occasion d’être reconnu par lui. Le problème est que sa vie lui échappe finalement. Il est surchargé par les promesses qu’il donne à autrui et finit souvent par ne pas répondre à l’attente de ce dernier. Il arrive alors qu’il se démoralise dans la culpabilité de ne pas être à la hauteur d’autrui et sombre dans des virées autodestructrices.  Or cette volonté d’être reconnu par autrui n’est pas faire preuve d’une véritable affirmation de soi, mais au contraire d’une confirmation d’autrui en soi. Celui qui s’affirme sait dire non aux attentes d’autrui et s’il répond aux demandes d’autrui ce n’est que pour son intérêt. Il a un esprit pragmatique qui pense y gagner un certain avantage. Autrui est dès lors réduit à n’être qu’un moyen. Un chemin efficace et indispensable pour arriver à ses propres fins.

S’affirmer peut donc renvoyer à l’idée de s’opposer à autrui et le fait de le réduire comme simple moyen annule complètement la considération d’un égal en lui. Toutefois, on se demande si autrui ne serait donc pas indispensable à cette affirmation, qu’il en soit en fait la condition même.

II) La reconnaissance d’autrui est la condition de la conscience de soi

1. Sa propre perception passe nécessairement par la présence d’autrui et son regard

On se demandera premièrement si cette affirmation de soi peut véritablement dépasser l’existence d’autrui. L’affirmation de soi est certes la preuve d’une saisie de soi, mais on oublie vite le chemin qui permet, et qui affecte par ailleurs, la simple conscience de soi. En effet, il faut d’abord reconnaître la nécessité logique de la saisie de soi par la présence d’autrui. Si la conscience est propre à un sujet, autrui est le médiateur entre l’être et la représentation de la totalité de l’être qu’est ce sujet. Le fait est que si comme le dit Husserl que toute conscience est une intentionnalité, soit une conscience qui porte nécessairement sur quelque chose, on fait donc la preuve de la distance de l’être et de sa saisie dans la saisie d’autrui. Ce qui impose la distinction du principe de l’identité de soi et de l’autre. La conscience de l’autre qui précède logiquement la conscience de soi est donc la première condition de tout rapport à soi. Maintenant que penser de soi si ce n’est par la perception de l’autre aussi imprécise ou impertinente est cette dernière ? Grâce à la faculté de signe qu’est le langage, ce moyen de l’existant qui fait preuve de l’expression de sa transcendance dans le dialogue, permet d’avoir un regard sur soi. C’est une thèse de Sartre quand il développe: « pour obtenir une vérité quelconque, il faut que je passe par l’autre, l’autre est indispensable à mon existence, aussi bien d’ailleurs qu’à la connaissance que j’ai de moi-même».

2. La connaissance de soi passe par le dialogue avec autrui

Ensuite, demandons-nous si baser l’objectivité de la connaissance sur la seule introspection subjective est suffisant. L’affirmation de soi semble demander l’indépendance du jugement or même si ce jugement ne portait que sur soi-même, ce que nous avons vu est de droit du fait de l’intimité de son être à soi-même, il ne peut que réduire l’appréciation de soi. Le sujet a des parties qui ne lui sont pas totalement transparentes, car il est difficile de mettre à distance son égo. On observe souvent ces comportements inattendus qui découlent de notre être, ces pensées et ces gestes qui après coup de leur spontanéité se présentent à nous même comme les nôtres. Ils nous sont si surprenant qu’on s’imagine être aliénés, qu’ils ne viennent pas de nous. Pourtant, on ne peut échapper à la conscience de leur réalisation. Ces faits attestent qu’on a nos propres obscurités, que cette vision de soi sur soi qui se veut à des angles morts. On ne peut sortir de ces conditions qu’en s’ouvrant au dialogue avec autrui. Il nous fait preuve d’une certaine confiance en ses dires et que ceux-ci soient trompeurs ou pertinents, toutes informations est la bienvenue pour se former une connaissance objective. En effet, dans le dialogue, la raison se reconnaît au moins à l’œuvre par la réflexion, soit le retour de sa pensée sur elle-même. Elle finit par poser le sujet comme un objet observable à distance de la seule appréciation personnelle.

L’affirmation de soi ne peut donc passer que par autrui tant celui-ci nous permet la conscience de soi, mais aussi une position du regard plus pertinente. Ne s’ensuit-il donc pas qu’une véritable affirmation de soi ne peut donc que coexister avec autrui ?

III) L’affirmation de soi reconnaît sa coexistence avec la présence d’autrui dans sa conscience

1. Se considérer ce n’est pas nier autrui

Remarquons d’abord que cette appréciation négative de l’affirmation de soi dans son rapport d’opposition avec autrui est excessive. En fait, l’affirmation de soi n’exige pas vraiment une opposition envers autrui. C’est une position qui n’est certes pas neutre, car elle se penche sur soi, mais cela ne signifie pas qu’elle soit antipathique envers autrui. S’affirmer soi même c’est surtout prendre en considération sa valeur, ses sentiments et ses idées vis-à-vis de nos rapports avec autrui. L’idée de négation, au contraire, se penche sur autrui comme un ennemi, un obstacle à neutraliser. La négation d’autrui veut poser ce qui vient de soi comme les seules choses valides, elle est totalitaire en s’opposant à la possibilité du différent. Or L’affirmation de soi est une ouverture. Il s’agit de tendre l’oreille, d’être à l’écoute en évitant de se laisser influencer par des préjugés. Cette disposition peut tendre vers autrui. Elle peut être altruiste dans le sens où elle considère un rapport honnête avec ce dernier. S’affirmer c’est considérer autrui en étant à l’écoute de ses attentes et de ne pas tromper autrui en lui faisant de fausses promesses.

2. L’affirmation de soi demande une coexistence avec celle d’autrui

Enfin s’affirmer soi-même ne signifie pas se donner la permission de dominer autrui. Il ne s’agit ni de le juger ni de le réduire en un simple moyen. Il s’agit seulement de se positionner comme présent, d’être à soi-même et de clarifier ce qui est de soi et ce qui est d’autrui. On ne se laisse pas être absorbé par  autrui, mais on n’absorbe pas non plus celui-ci. L’entreprise de la domination amène à la guerre et aux misères qu’elle provoque. Les misères de la guerre des sujets sont la perte d’un enrichissement mutuel dans le dialogue, l’angoisse et la souffrance de la solitude.  S’affirmer, au contraire, c’est, au fond, comprendre une relation intersubjective entre soi et l’autre sujet. Je suis quelque part présent en autrui comme autrui est présent en moi, mais qu’aucune présence ne doit dominer l’un ou l’autre. Il s’agit d’être en accord, de coexister et de trouver un équilibre avec la présence d’autrui. Remarquons qu’avec autrui on appartient à la même condition humaine. Tendre vers soi ne peut que tendre vers autrui comme si se connaître c’est en fin de compte connaître l’homme en son humanité. Dès lors, c’est un mouvement qui ne peut que faire preuve d’empathie.

Conclusion

Que représente l’affirmation de soi entre le sujet qui affirme sa réalité et qui confirme la présence d’autrui ? Il parait que s’affirmer s’oppose à autrui dans le sens où c’est dire non à l’invasion de celui dans sa vie. Par contre, s’il implique de se donner la priorité à ses intérêts, le statut d’existence d’autrui comme un sujet égal à soi est neutralisé, car on réduit celui-ci à n’être que le moyen de nos satisfactions. Pourtant, autrui est là, s’imposant comme le chemin nécessaire à la réalisation de soi. D’un, il médiatise non seulement la conscience de soi par sa présence à notre conscience., Mais aussi, de deux, son regard importe nécessairement à la connaissance objective de soi tant nous avons besoin de nous refléter dans un dialogue avec lui. En fait, s’affirmer soi-même ne signifie pas s’opposer d’une manière antipathique envers autrui. Retrouver son autonomie dans un domaine qui est déjà sien ne signifie d’ailleurs pas vouloir conquérir celui de l’autre. On affirme une position, soit une place qui nous est naturellement dû, mais nous comprenons aussi que dans cette existence nous avons un voisin, voire un compagnon qui nous visite de temps en temps. Puis, comme tout bon hôte, s’affirmer signifie autant faire preuve de courtoisie.

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