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Un État violent peut-il être juste ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

La violence est la nature d’une force agressive dont l’usage a pour fin l’oppression. Dès lors, un Etat violent serait un Etat oppressif. L’Etat désigne l’abstraction du pouvoir politique. Il a pour fin le maintien de son ordre et la sécurité de ses membres. Dès lors, il n’est pas difficile d’imaginer qu’il ait besoin d’une violence mesurée pour faire respecter ses règles. Toutefois, on se demandera si c’est juste, car la justice renvoie à l’idée d’une légitimité morale. Or, morale et violence ne font pas bon ménage du fait de leurs moyens. La morale vise à convaincre la raison par l’obligation. Il y a donc la demande d’un consentement.  Or, la violence vise à contraindre par la force. Il y a donc la négation de la liberté du choix et de l’esprit du devoir. Cependant si vis-à-vis de la société, les deux visent la même fin, à savoir l’ordre, ne peuvent-ils pas se soutenir ? Car, il semble que les normes morales aussi raisonnablement partagées soient-elles ne peuvent s’imposer d’elles-mêmes. Ne faudrait-il pas reconnaître au moins à la violence, la forme d’un garde-fou effectif pour les moins raisonnables et par ailleurs pour redresser le manque de discipline morale ? Toutefois, il reste le problème même de cette idée de discipline morale. Une morale de l’Etat qui veut s’imposer n’est-elle pas douteuse d’une forme de violence en elle-même quand elle vire au totalitarisme ? En somme, la problématique est de concevoir un Etat qui ferait régner la justice sans que celle-ci soit imposée. Pour résoudre ce problème, on observera dans une première partie la justification de l’usage de la violence de l’Etat. Dans une seconde partie, on développera aussi la perspective que la violence est à la fois contraire à l’Etat et à la justice. Enfin, dans une dernière partie, il nous faut éclaircir la véritable place de la violence dans l’Etat et mettre en perspective sa forme morale pour définir ce qu’est véritablement un état juste.

I) Un État violent peut-être juste dans le besoin de maintenir l’ordre et de rendre effectif la justice

1.L’Etat violent est le juste compromis entre notre liberté individuelle, l’ordre et la sécurité.

En tout pragmatisme, l’Etat en tant que système a pour fin lui-même dans la priorité de sa conservation sinon il ne pourrait assurer l’intérêt général de ses membres. Pour y arriver, il doit réglementer la conduite de ces derniers afin que ceux-ci ne perturbent pas l’équilibre de sa structure. Ainsi, Thomas Hobbes dans le Léviathan, théorise l’avènement de l’Etat qui a pour origine le souci de la paix et de la sécurité face à la violence de la nature humaine qui est déterminée par les passions égoïstes. Aussi, puisque la passion la plus forte est la crainte que l’on puisse porter atteinte à sa vie, la méthode de répression la plus efficace serait donc la menace de la violence. Il faut reconnaître  la nécessité de l’usage d’une forme d’emprise sur la volonté individuelle pour la contraindre à respecter les règles et par conséquent faire régner l’ordre. C’est dans ce sens que l’existence des formes de force de l’ordre aux moyens de répression violente peut être légitime.

2.Le droit qui veut représenter la justice ne peut être effectif sans la menace de la violence.

Moralement parlant, nous usons de l’expression « en droit » pour signifier une certaine justice morale. La justice morale s’entend communément par l’impartialité soit l’idée que chacun a une part qui lui revient selon une certaine mesure objective. Cette justice est nécessaire pour le fonctionnement harmonieux de la vie en collectivité, car elle fait nécessairement l’accord des raisons. Toutefois, l’idée que tout le monde puisse obéir à l’ordre en vertu de la raison seulement est naïve vis-à-vis de la considération de la nature humaine. La raison est de l’ordre de l’idéal, pour l’observer avec toute transparence, il faut faire abstraction de toute sensibilité concrète. Or cela ne peut-être possible en toute rigueur. En fait, la seule rationalité n’est que la lumière de nos pensées actes mais ce qui les motive à la réalisation sont la force des passions. Ainsi, aussi clairement défini et rigoureusement cohérent soit un jugement moral, c’est une passion qui pousse l’homme à respecter la justice envers son prochain. On peut notamment parler de la générosité et de la pitié qui sont des passions altruistes. Pour ce qui est de la politique, il semble que la passion de la peur soit la plus efficace pour faire respecter les lois. La pertinence de cette idée est que la crainte de perdre sa vie est une puissante force motivante. Pour Hobbes, qui ne distingue pas passions et instincts, la conservation de la vie est la nature la mieux partagée entre tous les êtres vivants. Ainsi, les hommes dans le vœu d’une vie en collectivité sereine et en sécurité ont abandonné leur pouvoir individuel au pouvoir sévère de l’Etat pour que celui-ci seul ait le droit à la violence pour faire régner l’ordre.

Donc, non seulement la violence est un juste compromis vis-à-vis de notre liberté individuelle en préservant l’ordre par sa menace, mais aussi elle donne à la justice le moyen de se réaliser concrètement. Si la justice se veut être l’observation et l’acte d’un agent moral, la violence oppressive ne la dénaturerait-elle pas ?

II)  La violence est contraire à l’Etat et à la justice

1.La violence ne peut garantir l’ordre

La seule violence n’est jamais suffisante pour faire régner l’ordre de la justice. Le caractère subjectif de la violence nous donne des raisons de douter de son effectivité. D’abord, dans un ordre pratique, la violence est difficilement mesurable d’une manière objective. La violence est la qualité d’une expérience sensible où la sensibilité est relative à chaque individu et à chaque circonstance. De ce fait, on ne peut pas dire que la violence de la séquestration pénale d’une durée précise puisse véritablement réparer n’importe quel tort ou redresser la moralité du criminel. La violence ne peut jamais être juste comme sanction, car on peut difficilement préciser à quel moment elle est abusive ou au contraire insignifiante. Pour être juste en toute impartialité ou en toute équité, il faut se baser sur une transparence rationnelle. Or, la violence ne peut qu’être ressentie subjectivement, tant qu’elle est l’ordre de la passion, elle ne peut être examinée par la raison. Ce qui amène souvent au cercle vicieux de la vengeance destructrice. Tant qu’il y a des personnes qui ne sont pas satisfaites de la mesure de la violence à l’encontre de la violence, il y aura toujours une réponse violente au besoin d’une justice personnelle.

2.La violence ne peut être organisée par l’Etat ni rendre justice.

Ensuite, fondamentalement la violence ne peut faire preuve ni de pouvoir politique ni de justice, car la légitimité de l’un et de l’autre demande un agencement moral. La violence est de l’ordre du fait. Ainsi, elle fait effet immédiat sur l’instinct et peut menacer les esprits rebelles. Dans l’ordre des faits naturels, il n’y a pas à proprement parler d’Etat ni de justice. Les faits sont les faits par pure nécessité. L’Etat n’est pas un fait de nature comme la meute de loups ni la ruche de l’abeille où tout se prête à un mécanisme naturel. La nature est l’ordre d’êtres vivants qui répondent aux seuls signaux de l’instinct. Au contraire, L’Etat est l’ordre de la raison qui veut dépasser la vie naturelle. L’Etat est comme la raison qui fait une réflexion sur ses conditions et décide de les transcender. Ainsi, son avènement est le moment où les hommes se sont sentis obligés de réglementer la vie en collectivité afin de faire face à la nature sauvage. En ce qui concerne la justice, si les règles semblent en surface seulement décrire les actes et leurs conséquences, elles impliquent l’injonction du « tu dois ! ». La justice demande l’autorité morale du jugement et non la nécessité d’un déterminisme naturel. Il y a donc dans les cas de l’Etat et de la justice un agent moral qui agit par devoir en dépassant les seules nécessités naturelles.

On a ainsi pu observer les problèmes d’ordre pratique que l’Etat violent présente mais aussi sa nature contradictoire vis-à-vis de l’idée de l’Etat et de la justice. Malgré ces inconvénients, comment alors concevoir un Etat qui veut faire régner la justice sans employer la violence pour  l’imposer?

III) En fait la violence est hétérogène à l’idée d’injustice

1.La violence n’est qu’un moyen et non une fin

Remarquons d’abord que la violence en tant que qualité peut prêter à confusion dans son ordre. La violence est la qualité d’une force dont on use comme moyen et non sa propre fin. Cet éclaircissement rend compte de sa conditionnalité. On utilise la violence dans des cas et non en toute circonstance. En ce qui concerne l’Etat qui veut être juste, l’application de la violence doit donc être précédée de la considération des circonstances. Par exemple, la justice parle à la raison mais si la personne à laquelle elle s’applique ne peut faire preuve de cette dernière sous l’impulsion de ses émotions ou faute d’une pathologie psychiatrique, alors l’usage de la violence est légitime en tant que moyens de maîtrise. Il faut noter ici que la violence ne répond pas seulement à la violence, mais à un manque de communication rationnelle entre les partis. Les séquestrations ne sont pas des violences gratuites ni seulement des réparations de torts symboliques. Elles sont les moyens d’une maîtrise qui donne au séquestré le temps à la réflexion et éventuellement à la perfectibilité morale.

2.Un Etat qui impose sa justice est injuste

Enfin, n’oublions pas l’essence de la violence qui est de s’imposer. On évoque souvent la violence quand on observe une agressivité physique jusqu’à confondre les deux. Il n’y a pas que la force physique qui peut être violente. Il y a ici la nécessité de distinguer agressivité et violence. La seule nature fait preuve de la première  et non de la seconde. En effet, l’agressivité est en toute rigueur la qualité impulsive d’une force spontanée. Elle est purement de l’ordre de la mécanique qui est appréciée par un observateur subjectif.  La violence quant à elle n’est jamais loin d’une intention, celle de s’imposer.  Faire violence c’est transgresser volontairement un espace pour asseoir une domination plus ou moins conséquente mais qui a une visée. En ce sens, il faut remarquer que la volonté excessive de justice peut être aussi violente quand elle s’impose comme une norme absolue. L’Etat qui veut entrer dans toutes les affaires des citoyens et asseoir une perspective absolue de la justice n’a rien de cette dernière et tout de la violence. L’Etat dans l’idéal du maintien de l’ordre et de la sécurité ne devrait avoir pour fonction que régalienne. Or celui qui est investi du pouvoir politique n’est pas immunisé contre les utopies totalitaristes qu’il fait souvent preuve d’interventionnisme dans les affaires privées. A ces égards, pour être véritablement juste, l’Etat doit être ou garder l’environnement de l’hétéronomie en permettant et en favorisant la communication entre le gouvernement et le peuple.  Un Etat qui agit autrement est contraire à son essence qui est celle d’être la totalité abstraite de l’obligation sociale des individus.

Conclusion

Pour résumer, on est parti de cette interrogation sur la place de la violence vis-à-vis de la justice de l’Etat. On s’était demandé s’il était possible de concevoir un Etat qui veut faire observer la justice sans l’effectivité de la violence à imposer cette dernière. Il nous a paru qu’effectivement la violence était nécessaire à faire respecter la justice en menaçant les intentions immorales et qu’elle instaurait par ailleurs l’ordre. Le seul ordre de la violence n’est pas viable, car la violence ne peut être mesurée objectivement. En fait, l’Etat et la justice ont une nature contraire à la violence, car l’Etat et la justice sont de l’ordre de la raison et la violence de l’ordre du fait. Mais avec un certain recul, on observe que la violence n’est qu’un moyen et qu’elle n’est donc qu’optionnelle. La légitimité de son usage ne prend effet que dans les circonstances où la communication raisonnable n’est plus accessible. Enfin, il nous a paru pertinent de préciser que la violence n’est pas la seule agressivité physique, elle est l’agressivité assujettie à l’intention de s’imposer. Vis-à-vis de l’Etat, cet éclaircissement souligne que l’Etat peut faire preuve d’une violence morale dans son intervention totalitaire de la vie publique. Ainsi, l’’Etat qui veut être véritablement juste doit laisser une part d’hétéronomie à l’appréciation de la justice.

 

 

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