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La science peut-elle s’intéresser à l’art ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

La science peut-elle s’intéresser à l’art ? D’emblée, la science et l’art semblent être deux concepts différents sur le monde du fait qu’ils ont des intérêts opposés. La science veut la connaissance objective du réel alors que l’art répond à la sensibilité du regard esthétique sur celui-ci. Pourtant, l’art est ce qui se réalise à travers un processus intelligible, d’où les différentes écoles et académies d’art perpétuant le savoir-faire. Cela n’est-il pas le signe d’informations objectives sur les conditions du réel permettant la réalisation concrète de l’intuition artistique ? Dès lors, on est face à un problème. La science a pour but d’établir des connaissances fiables, or si pour cela elle doit être objective, l’art comme expression de la sensibilité ne peut lui en offrir. Pourtant, l’art pour se réaliser peut-il ignorer la science de ses matières et de ses techniques ? Afin de répondre à ce problème, nous verrons premièrement pourquoi la science porte un intérêt aux connaissances que l’art peut offrir. Puis, deuxièmement, il nous faut aussi voir pourquoi l’art ne peut satisfaire le vœu d’objectivité de la science. Enfin, troisièmement il faut considérer que si l’art ne peut être une science, elle a pourtant besoin de la science.

I) La science s’intéresse à ce que l’art peut fournir comme connaissance

A. L’art est comme tout phénomène, un objet de connaissance

La science par définition a pour propre intérêt la connaissance. La science à son origine étymologique du latin scientia désignait l’idée de l’ensemble des connaissances. Ce qui suggère qu’elle naît de la curiosité de comprendre les phénomènes, de leur donner sens en y découvrant des propriétés et des lois rationnelles. Or si l’art est le champ de plusieurs phénomènes, la science ne peut pas l’ignorer. L’art ouvre sur la curiosité du mécanisme de sa production et de ses effets sur la sensibilité de l’homme. La science veut comprendre comment l’œuvre d’art et plus précisément le sentiment esthétique peut motiver l’homme au-delà des besoins naturels. On dit bien qu’on ne peut vivre sans l’art mais pourquoi une œuvre qui ne répond pas à l’instinct peut tant nous affecter ? Le scientifique peut par exemple se demander pourquoi l’organisme réagit par la production hormonale à la vue des compositions de couleurs et de formes ou à l’écoute de l’articulation musicale des sons. Des phénomènes qui ne sont pas isolés mais qui semblent partager une certaine universalité. Chaque style artistique a un tel public significatif que cela ouvre la curiosité sur le comment d’un mécanisme psychologique. D’ailleurs, tout homme apparaît comme capable de produire de l’art et sinon d’en faire preuve d’une appréciation partagée. L’entendement en remarquant ce qui paraît comme régulier ne peut que réveiller son esprit de rationalité. Puis, on peut aussi parler de l’anthropologie qui est intéressée par le rapport de l’art à la culture. Cette science de l’homme veut voir dans quelles conditions ces dernières s’affectent entre elles. Il est difficile de croire que l’art helléniste a pour seule fin l’expression d’un beau en soi et que ce « beau » ne suggère pas des normes culturelles relatives à son époque. En somme, la science a pour l’art le domaine particulier des sciences humaines.

B. La science s’intéresse aux pouvoirs de l’art sur l’homme

Mais la seule connaissance pour le salut de la connaissance n’est pas le seul intérêt de la science. La connaissance est postérieure à sa motivation qu’est le pouvoir technique. C’est pourquoi on dit que la science veut se donner les moyens d’être maître et possesseur de la nature. A ce sujet, l’art présente un certain intérêt technique quand on observe ses effets sur l’homme. On se demande comment l’art peut agir sur les comportements de ce dernier et sur sa manière de voir le monde. En somme sur sa psychologie. L’intérêt est la maîtrise de ce pouvoir pour élaborer des techniques à diverses fins. Principalement, si la psychanalyse veut voir dans l’art l’expression de l’intériorité cachée de l’individu, elle ouvre sur la considération que le subconscient est manipulable. Si les compositions artistiques peuvent pour la psychanalyse faire preuve de symbolisme, cela suggère qu’elles peuvent être le canal de messages subliminaux. La perspective qui est effrayante est pourtant réelle. On peut concrètement observer ce pouvoir de l’art dès qu’on remarque l’industrie publicitaire qui fait usage du design pour véhiculer des normes pouvant contrôler la masse des consommateurs. Les politiciens peuvent d’ailleurs user des valeurs sentimentales que l’art véhicule avec performance pour contrôler le sentiment général. Le discours politique qui a pour force la rhétorique ne se prive pas de l’usage des figures de style  qui embrouillent sensibilité et rationalité. Derrière tous ses effets, l’art peut  intéresser une science du contrôle psychologique

La science s’intéresse donc à l’art mais peut-il maintenir cet intérêt pour bien longtemps face au problème de l’idée d’une objectivité de l’art ?

II) La science et l’art s’opposent tant en fins qu’en manière d’être

A. La science vise la connaissance objective or l’art ne pourrait en fournir

Remarquons d’abord que la science ne s’intéresse pas à toutes idées qui prétendent pouvoir former une connaissance. La science ne s’intéresse qu’à celles qui peuvent faire preuve d’objectivité. Une connaissance qui fait preuve d’objectivité désigne une idée fiable par sa rationalité et sa correspondance avec l’objet derrière les apparences changeantes. L’idéal de cette connaissance est de décrire l’objet tel qu’il est. Or, on ne peut former des connaissances objectives en art tant que celui-ci a pour essence le sentiment esthétique. Le sentiment esthétique ne vient pas de l’objet concret, mais de la forme originale que l’artiste donne à celui-ci.  L’art est donc en dehors du réel or la science veut approcher celui-ci. Ce que la science peut observer pour produire de la connaissance objective, ce sont les matériaux et les techniques utilisés pour donner forme à l’idée qui éveille ce sentiment et non la créativité de sa réalisation concrète.

B. Même si la science s’intéressait à l’art, elle ne pourrait appliquer à celui-ci sa méthode de recherche.

De plus, si la science veut vraiment comprendre l’art, elle ne le pourrait pas en tant que science. D’abord, la science a pour objet ce qui peut être observé par des critères qui lui sont propres. Un de ces critères est que l’objet présente la possibilité d’un déterminisme. C’est-à-dire qu’il puisse manifester un rapport de cause à effet nécessaire dans des conditions bien définies pour inviter à la formulation d’une loi. Or, l’art dans sa production transcende l’esprit déterministe. L’art dépasse le mécanisme naturel en formant une composition originale qui est tout à fait dispensable dans l’ordre de la nécessité. On ne peut déterminer par la nécessité ce que produira le processus artistique. Un artiste a d’abord une intuition et non une direction théorique rationnelle, puis la réalisation concrète de cette intuition est inspirée au cours de son contact avec la matière qu’elle veut donner forme. Le processus artistique présente dès lors de la contingence liée à de vagues abstractions. Un autre critère est la possibilité de quantifier l’objet à travers les mathématiques. Les mathématiques procurent à la connaissance leur universalité rationnelle. Ce sont des formes que la raison peut reconnaître partout dès qu’elle est exposée à leur logique. Or, l’art ne peut se prêter à la logique mathématique du fait qu’il répond plus à la sensibilité qu’à la raison. On ne peut en toute rigueur formuler des mesures objectivement précises au sentiment esthétique. Celui-ci est personnel dans la contemplation d’un  regard. Enfin, le critère le plus fondamental de la connaissance scientifique est qu’elle reste une théorie réfutable. La réfutabilité permet à cette connaissance de se distinguer des théories qui peuvent toujours dépasser l’observation expérimentale et qui finalement ne sont qu’une théorie. La connaissance scientifique demande la possibilité d’une expérience qui peut la contredire afin qu’elle puisse avancer avec certitude vers son objet. Sachant que l’art ne peut fournir des théories qui peuvent être réfutées par l’expérience. Et ceci encore du fait du caractère personnel de sa production. « Le bon goût, c’est mon goût », disait le grand Salvador Dali.

La science semble donc ne pas pouvoir comprendre dans l’art ce qui est de l’art.  Pourtant dès que la science frappe à la porte de l’art, l’art peut-il ignorer les précieuses aperçues de la recherche scientifique sur la matière qu’il travaille et les techniques qu’il utilise ?

III) La science ne peut remplacer l’art, mais l’art a besoin de l’intérêt de la science pour la connaissance et la technique

A. S’il n’y avait pas de science en art, l’art ne pourrait pas se réaliser

L’art est certes le produit d’une inspiration tant de l’artiste que du public qui ressent la sensibilité de celui-ci. Mais le fait que cette inspiration puisse prendre forme afin d’être communiquée passe par la médiation des produits de la lecture scientifique du réel. La recherche scientifique fournit du pragmatisme. Dans le souci d’arriver à une fin, elle donne les connaissances suffisantes de l’objet de nos intentions. Elle présente les propriétés de ses états et les lois mécaniques de ses mouvements afin de nous permettre des pas assurés dans l’entreprise de sa manipulation. L’art ne peut dès lors que profiter du pouvoir de la connaissance scientifique tant sur ses matériaux que sur ses savoirs-faire. On observe par exemple comment l’artiste graphique profite de la connaissance de la géométrie, de l’optique et de la maîtrise de divers outils de design pour exprimer le plus clairement possible son imagination. Par ailleurs, en chemin, en découvrant le potentiel de la connaissance scientifique, il peut être nouvellement inspiré et changer de direction intuitive.

B. Toutefois, la science ne peut usurper l’art

Il faut finalement préciser que si la science est une précieuse assistance à l’art, elle ne peut remplacer l’art. D’un, car la science ne comprend pas l’art. La science permet les meilleures stratégies pour arriver à la réalisation concrète de l’inspiration originale, mais il ne permet pas de formuler une recette rigoureuse pour éveiller et produire le génie. On remarque actuellement que la science de la programmation a semble-t-il fini par fournir des programmes de création artistique qui ne sont pas de simples outils de création, mais des intelligences artificielles de créations. En termes d’art visuel, les programmes comme « Midjourney » et « StarryAi » semblent rivaliser en matière de compositions avec les plus grands artistes de tous les temps. On peut y voir même la gracieuse harmonie de plusieurs écoles d’art qui pourtant demandent des schismes esthétiques. Pourtant, il faut vite remarquer que l’algorithme derrière ces « intelligences » n’est pas autonome. Il demande la précision d’un utilisateur qui est inspiré. Dès lors, on ne peut parler que d’une production et non d’un ouvrage tant l’idée d’œuvre renvoie au recours de la volonté dans la production. Par ailleurs, le sentiment artistique est aussi dans le regard de celui qui apprécie le produit et non dans la machine qui le produit. En somme, la science est entre l’art et non l’art en ce sens où elle n’est ni le départ, ni la traversé et ni l’arrivé mais seulement le moyen.

Conclusion

En somme, la science veut bien s’intéresser à l’art par curiosité et par intérêt du pouvoir technique sur l’homme. Elle a pour fin la connaissance de tout ce qui touche l’homme et éventuellement le pouvoir sur celui-ci. Pourtant, le vœu d’objectivité scientifique ne peut se prêter à l’observation de la sensibilité esthétique tant celle-ci découle de l’intériorité personnelle. L’esprit scientifique du déterminisme, de la mesure mathématique et de la réfutabilité ne peut être pratiqué sur cette dernière. Toutefois, l’art a toujours besoin de la curiosité de la science dans le vœu de réaliser concrètement ses intuitions. L’art a besoin des connaissances de la science sur la matière qu’elle veut donner forme, mais aussi des connaissances techniques pour maîtriser la réalisation. En dernier lieu, il faut pourtant bien définir que la science ne fait qu’assister en  apport et ne pourrait remplacer la production artistique. La science n’est pas dans l’autonomie créatrice de l’artiste, elle n’est pas non plus dans le regard contemplatif du public. La science est le moyen de l’art et non la fin.

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