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L’injustice peut-elle s’appuyer sur la liberté ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

L’idée de justice (voir : cours de Philosophie sur la justice) renvoie à deux conceptions distinctes. D’un, la justice définit l’ensemble de l’institution judiciaire que procure l’Etat de droit. De deux, elle définit ce qui est équitable entre les différentes parties concernées. La justice demande ce qui doit être. La notion de liberté a pareillement plusieurs sens (voir : cours de Philosophie sur la liberté). D’abord, est libre celui peut faire ce qu’il veut. Puis, la liberté s’apprécie par l’affranchissement. Enfin, elle peut aussi renvoyer à l’idée d’autonomie, soit la volonté de se discipliner. En somme, il y a dans la liberté l’idée d’une conscience qui peut choisir. Dire que l’injustice puisse être appuyée sur la liberté signifie d’une manière générale que ce qui est incorrect est du fait de pouvoir faire tout ce que l’on veut. Ce qui semble sensé, car le fait d’ignorer les lois serait le fait d’aller à l’encontre de la justice même. Toutefois, l’injustice n’est-elle pas une forme de laxisme vis-à-vis de la conscience morale. Se laisser emporter par ses désirs égoïstes n’est-il pas plus passif et automatique que volontaire dans le sens du choix ? Car, que serait la moralité de la justice si elle n’est pas l’objet d’un agent libre qui fait le choix de se discipliner ? On se pose alors l’interrogation de savoir comment comprendre la position de la liberté vis-à-vis de l’injustice si elle semble à la fois renforcer ce dernier et le contredire. Pour répondre à cela, nous allons successivement développer les propositions suivantes. D’abord, dans une première partie, on observera l’idée que la liberté en tant qu’elle s’oppose fondamentalement aux règles, supporte la justice. Ensuite, dans une seconde partie, nous contrasterons cette perspective par un autre qui soutient qu’il ne peut y avoir de justice sans la discipline face à nos faiblesses immorales. Enfin, nous verrons dans une troisième partie une possibilité de dépasser ces deux perspectives contradictoires par l’idée que la liberté entretient nécessairement un rapport dialectique avec l’obligation dans l’autonomie face à l’idée de justice.

Partie I : La liberté supporte l’injustice en tant qu’elle est de nature anarchique et amorale

1. Si être libre est le fait de faire ce que l’on veut, alors la liberté s’oppose aux règles

Dans une première évidence apparente, le fait d’être libre est vécu comme le fait de pouvoir faire ce que l’on veut. L’idée de liberté est ici traduite dans celle du libre-arbitre. En ce sens, être libre soutiendrait l’injustice dans deux situations. D’abord, le fait de pouvoir faire ce que l’on veut peut signifier qu’il n’y ait pas de règles qui organisent la vie d’une  cohabitation avec les autres. Le puissant de nature peut alors oppresser les faibles comme bon lui semble. L’injustice ici est le fait qu’il n’y a aucune limite dans l’exploitation égoïste des situations. Le puissant peut prendre sans autorisation le fruit de l’effort des faibles. Ensuite, s’il y a quand même des règles, celui qui se sent au-dessus de ces dernières ou qui les ignore volontairement serait celui qui est libre au contraire de celui qui est contraint de prêter tout le temps attention à ses gestes par la crainte de la sévérité des sanctions. L’individu au-delà de toute crainte peut alors transgresser la loi et nuire à l’impartialité politique que cette dernière pose. Les lois sont faites pour organiser impartialement la permission, l’interdiction et le devoir de chacun dans le souci de l’intérêt général. En somme être libre, c’est se permettre de s’arroger n’importe quel droit et qui ne peut que faire du tort à ceux des autres. 

2. Le fait de ne pas être obligé moralement favorise l’injustice

Toutefois, être libre ne signifie pas seulement l’absence de loi ou du manque de considération envers cette dernière. Être libre, c’est aussi ne pas sentir le poids de sa conscience. Le hors la loi n’est pas seulement celui qui choisit d’aller à l’encontre de la loi pour des motifs intéressés personnellement, mais aussi celui qui fait abstraction des obligations morales que la conscience impose. La conscience morale est cette intentionnalité de la conscience sur la valeur de nos actions. Elle est ce qui discerne le bien et le mal et qui nous oblige en conséquence. Ce qui fait qu’elle a un certain poids dans le regret, quand elle nous rappelle spontanément nos actions passées, et dans le doute, quand elle présente des dilemmes moraux. L’idée d’être libre dans sa conscience permet donc à l’individu de ne pas traiter ses semblables avec équité. Il n’aura aucune considération dans la proportion mesurée des charges de chacun et n’éprouve aucune responsabilité sociale. En psychologie, on parle de l’existence du sociopathe. Il s’agit de la disposition psychologique d’un individu qui n’a aucune considération morale sociale. Le sociopathe est centré sur lui-même et fait rarement, sinon nullement, preuve de culpabilité.

La liberté dans sa disposition anarchique et  amorale vis-à-vis de la société favorise l’injustice. Peut-on vraiment parler de liberté dans le fait d’être juste passif envers ses envies ? N’y a-t-il pas plus de liberté dans le fait de se maîtriser ?

Partie II : Le fait d’être injuste est contraire à la liberté

1. L’injustice est moins le choix libre que le fait de se laisser emporter par la dérive de nos pulsions immorales

En effet, il semble que se laisser emporter par ses envies n’a rien de libre. Les envies sont plus de l’ordre du naturel que du choix libre. Le corps ne nous demande pas de l’écouter, il s’impose par l’instinct et nous fait pareillement réagir que décider. On observera alors que le corps  qui est un organisme pour sa conservation et plus généralement pour sa satisfaction, ne se « soucie » que de lui-même. Il est fondamentalement centré sur lui-même, car l’instinct ne peut être que le produit et la fin de son propre corps et non celui d’un autre. Dans cette impossibilité d’être pour l’autre, le corps est fondamentalement amoral et ce qui par ailleurs favorise l’injustice. Celui qui laisse son corps se soucier de lui-même ne fait pas la mesure de l’impartialité puisqu’il n’a en jeu que sa partie ni pareillement la mesure de l’. Pour lui, l’autre n’est qu’un moyen pour arriver à sa satisfaction.

2. La justice est l’autonomie du devoir alors que l’injustice est la paresse de l’esprit à maîtriser le corps

Pourtant, la nature nous a fait grâce de la conscience. Cette présence à soi dans ses pensées et ses actions. Certes, l’instinct s’impose, mais l’esprit finit par pouvoir suivre son processus afin de le suspendre et de l’encadrer de degré en degré d’intensité. Cette faculté de présence à soi nous permet alors de penser la conséquence des choses et de choisir les actions à suivre. Ce qui produit la notion d’autonomie. La conscience autonome semble être la véritable liberté, elle dépasse le seul déterminisme matériel du corps. Rousseau dans  Le Contrat social  nous en donne une définition incontournable : « L’impulsion du seul appétit est esclavage et l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté ».  Ainsi, la justice est le choix du devoir. Elle est ce qui dit non aux conséquences immorales de nos envies et pose ce qui doit être aux dépens de la possibilité de la souffrance du corps.

L’injustice serait donc appuyée par le manque d’autonomie et non par un libre-arbitre. Au contraire, la justice est la décision d’une maîtrise de soi, ce qui fait l’épreuve d’une volonté libre. Si l’on conçoit que l’injustice puisse être le produit de l’involontaire, ne permet-on pas l’irresponsabilité ? Ne faut-il pas considérer dans l’acte injuste une volonté en cause pareille à l’acte juste ?

Partie III : L’idée de justice et d’injustice comme de l’ordre du droit et non du fait

1. Le fait de se sentir juste ne présume pas forcément non plus le choix libre

Tout d’abord, contrastons l’idée d’une injustice involontaire par celle d’une justice qui peut pareillement l’être. La justice, avant d’être mise sous la clarté de la lumière rationnelle, est un sentiment, voire une impression. On se sait moins juste qu’on se sent juste. En fait, être juste renvoie d’abord à reconnaître les signes de la justice que notre éducation culturelle nous a fournie par un conditionnement solide de la sphère sociale. On se sent juste, car on reconnaît une valeur de la justice qui implique toute une vision du monde conceptuel propre à une société. Ceci semble n’avoir rien de reprochable en termes de justice, si on considère que les valeurs humanistes dépassent toute société. L’idée d’une justice idéale néglige de véritablement apprécier les conditions historiques particulières d’une société, à savoir ses conditions économiques et idéologiques ; ce qui revient à être purement politique. La justice est alors intrinsèquement liée à des problématiques politiques de sorte que les droits ne sont que des impositions formelles pour organiser en conséquence la vie de l’Etat. S’il y a d’intuitif dans nos impressions de la justice, il est possible que cela ne soit que l’effet de ces impositions qui ont fini par devenir des dispositions durables dans nos interactions sociales de sorte qu’on oublie ou qu’on ignore les véritables fondements politiques.

2. Ni la justice ni l’injustice ne peuvent exclure la responsabilité

Ce qui fait finalement que la justice et l’injustice soient pareilles dans leurs modalités de réalisation, que celles-ci soient intuitives ou imposées. Un principe de la volonté libre doit les définir nécessairement  où elles n’auront aucun sens moral. Il s’agit de la responsabilité.  Il faut d’abord souligner que ni la justice ni l’injustice ne sont de l’ordre du fait. Être juste ou injuste ne renvoie pas à la nécessité naturelle à l’œuvre. Le beau temps qui succède à l’orage n’est pas plus juste que le loup rassasié qui épargne l’agneau. Pareillement, il n’y a pas plus d’injustice dans la bête qui s’accapare le territoire d’une autre par sa férocité que dans un tremblement de terre qui ravage des décennies de construction ardue. Si la justice se définit par ce qui doit  être, c’est parce qu’elle est la considération d’un ajustement équitable des choses par un agent qui se saisit rationnellement. Pareillement à l’injustice qui est l’acte de « nier » la mesure proportionnelle des choses. Si l’injustice est le produit d’un manque de souci moral, c’est parce qu’elle reste l’action d’une volonté qui se complait dans la facilité de l’exercice de l’immorale. Ces deux œuvres d’une volonté consciente impliquent nécessairement  la responsabilité. Par ailleurs, l’irresponsabilité n’est pas non plus un fait, car c’est moins ce qui s’impose naturellement que le choix moral de la fuite. On est toujours obligé de choisir dès que notre conscience nous présente les faits de nos actes. Ne pas choisir sous prétexte de rester neutre est déjà un parti pris dans celui de la retraite ou de la désertion. On est engagé nous dit Sartre.

Conclusion

En résumé, si on est parti de la problématique que la liberté puisse à la fois se poser comme une condition favorable de l’injustice et comme son obstacle, on est arrivé aux développements suivants. Il nous aura semblé que la liberté favorise effectivement l’injustice dans le sens où faire ce que l’on veut est contraire à la notion de règle. Or, les règles organisent la justice par le droit. Fondamentalement, une conscience libre des considérations morales comme celle du sociopathe ne peut qu’ignorer la justice comme l’acte de l’équité altruiste. On a aussi pu considérer que l’injustice est le fruit d’un manque de discipline morale qui est l’œuvre d’une liberté autonome. Celui qui est injuste est moins libre que l’esclave de ses envies. Cependant, il nous a semblé que le sentiment de justice peut pareillement s’imposer sans l’œuvre d’une autonomie dans l’oubli ou l’ignorance de ses fondements politiques. En fait, il fallait entrevoir que ni la justice ni l’injustice ne peuvent être considérées comme des faits, mais plutôt comme des droits étant donné qu’elles dépendent d’un agent volontaire. L’acte du juste ou de l’injuste est nécessairement imputable d’une responsabilité, il est le produit d’un choix par la prise de conscience.

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