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Peut-on faire valoir ses droits tout en étant injustes ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

Le droit est le cadre légal qui définit les règles de la société. Il a un caractère positif dans le sens où dès qu’il s’impose, on ne peut plus s’y opposer si ce n’est au risque de la sanction sévère. On peut donc imaginer le fait qu’un droit dans sa seule forme légale ne peut garantir le contenu d’une injustice. Toutefois, le droit et la justice semblent fondamentalement être liés. L’étymologie du mot de justice contient le radical latin « jus » qui signifie littéralement « droit ». Ainsi, pourquoi le droit comme institution de l’Etat est ce qui définit la justice. Mais encore, la justice a un autre sens dans celui de l’équité. Être juste, c’est mesurer les choses proportionnellement selon la particularité des situations. Ce que la généralisation du droit positif manque nécessairement de considérer. Un problème émerge donc à travers ces différentes conceptions du rapport du droit et de la justice. Comment concevoir la justice du droit dans ses deux natures apparemment contradictoires qu’est l’impartialité et l’équité ? Pour résoudre ce problème, il nous faut développer successivement les perspectives contradictoires. Ainsi, dans une première partie, nous allons voir pourquoi le Droit et l’injustice sont fondamentalement incompatibles. Puis, dans une seconde partie, nous allons aussi considérer la perspective que le Droit puisse être injuste. Enfin, dans une dernière partie, nous tenterons de dépasser la contradiction par le souci d’un équilibre entre impartialité et équité, plus qu’une préférence radicale de l’un ou de l’autre

Partie I : Droit et injustice sont fondamentalement incompatibles

1. L’injustice ne peut demander un droit qui contredit l’essence de ce dernier comme une réglementation

De prime abord, il semble évident que l’injustice est la qualité de ce qui ne respecte pas le Droit. Le Droit est l’ensemble formel des règles de la société. Ces règles ont pour but de limiter l’abus de la liberté de chacun pour le bien-être général. L’idée est que la liberté d’un individu s’arrête là où commence celle d’un autre. Ceci est dû au fait que si on laissait à chacun la liberté de faire tout ce que permet leur pouvoir naturel, alors il y aurait des conflits perpétuels et les misères de l’insécurité qui s’ensuivent. Si chacun se laisse aller à ses envies sans aucune limitation formelle, chacun devra user des moyens les plus efficaces, aussi vils qu’ils soient, pour se satisfaire, mais aussi pour se protéger de tout un chacun. La justice est donc le droit, car le droit permet d’organiser ce qui est dû à chacun en toute impartialité. L’injustice au contraire est l’acte qui se moque de ce souci de partage égal. L’injustice est l’acte qui ne connaît que l’ego. C’est pourquoi, il exploite autrui comme un moyen pour se satisfaire.

2. Le droit qui se fonde sur le principe de la réciprocité refuse l’injustice du parti pris

Ensuite, si on renvoyait l’idée de justice à celle de la réciprocité morale, soit à celle du fait de donner à chacun ce qui lui est dû selon un échange équitable de biens ou de services, là encore l’injustice ne peut faire valoir ses droits. L’idée de justice peut se comprendre par celle du commerce équitable. Les individus font des échanges qu’ils considèrent avoir une valeur d’équité dans la proportionnalité adéquate des parts. Dans l’échange d’un service pour une rémunération par exemple, il y a la réciprocité des obligations. Celui qui offre un service est tenu d’honorer une certaine quantité et une certaine qualité, celui qui engage le service est tenu de répondre à un autre par la qualité et la quantité d’une certaine rémunération. Il y a à travers les deux parties une relation de devoir et pour chaque partie, un droit légitime. Celui qui ne tient pas compte des tenants du contrat est dit injuste, car il aura donc abusé la considération de ses propres intérêts. L’échange juste implique le sacrifice formel de son ego dans son service envers autrui. L’injuste qui ne respecte pas la réciprocité du devoir ne gagne donc aucun droit et ne peut en réclamer non plus.

On ne peut alors penser l’injuste comme ayant le droit de réclamer un droit si ce dernier soutient la justice tant réglementaire que morale. En réfléchissant à la nature fondamentalement politique du droit,  n’entre-t-elle pas en contradiction avec le sens de la justice morale ?

Partie II : Le droit peut être injuste

1. Le droit positif n’est qu’une condition politique

D’abord, il est vrai que le droit est une condition politique. L’histoire politique d’une société conditionne les règles de l’organisation sociale. Quels nouveaux droits penser dans les nouvelles conditions économiques, écologiques, technologiques, démographiques ou géopolitiques en jeu dans une société organisée? Le droit est le produit d’une gestion politique qui se veut être objectivement efficace selon les conditions du réel en perpétuelle évolution. Ce qui pose le problème de la nature idéaliste du droit naturel. Cette nature idéaliste pense trouver des principes moraux inconditionnels à tout individu humain. Or, la nature concrète des conditions réelles ne peut toujours plaire à l’appréciation métaphysique. On peut penser que l’esclavagisme fut la volonté d’une cruauté gratuite, or rien n’est moins objectif vis-à-vis de l’essor économique de la société qui en a profité.  Ni Athènes ni Rome avec leurs grands penseurs éthiques comme Aristote, Sénèque et même Epictète qui est même un ancien esclave, ne remettent en cause l’esclavagisme, aussi cruelles soient les conditions de l’esclave.

2. Le droit peut être l’expression d’une forme d’injustice

De ce fait politique, le droit ne peut qu’être d’une nature générale, car il doit faire abstraction du particulier pour être pragmatique. Le pragmatisme a besoin de l’impartialité pour s’élaborer rationnellement. Il serait incommensurable de penser dans les détails chaque particularité des individus. Il faut les organiser dans des abstractions quantifiables pour faciliter la gestion des données et établir des stratégies conséquentes. D’où le problème de la justice politique à rendre pauvrement compte de l’équité. En effet, on peut renvoyer l’idée de justice à celle de l’équité morale, soit à celle du fait de savoir discerner les tenants particuliers d’une situation et d’agir avec proportionnalité. L’acte injuste est celui qui est l’œuvre d’un mauvais jugement de la situation. Ce mauvais jugement est le manque de considération envers la particularité d’une circonstance. On peut comprendre qu’on ne peut pas traiter toutes les situations d’une manière générale. Une circonstance peut présenter une particularité pertinente dans la considération de la sensibilité des sujets en jeu. Ce n’est pas là où s’adressent les droits, mais à des encadrements abstraits. Si on n’est pas inclus dans des types classifiés, on peut être la victime d’une injustice en tout droit de celui qui l’applique.

Le droit peut alors abriter l’injustice de sorte qu’on peut faire valoir le premier en dépit du second. Les deux propositions toutes autant valides, mais qui sont contraires semblent donc montrer que le droit peut jouer avec la justice. Quel sens aurait le droit ainsi compris ? Autant préférer l’anarchie ?

Partie III : Le droit ne peut poser comme absolu son sens de sa justice ni dans sens de l’égalité ni celui de l’équité

1. Le droit peut entraîner la justice à favoriser l’injustice dans son souci d’égalité

D’abord, remarquons comment le droit dépasse à la fois la justice et l’injustice en formant le premier à favoriser le second dans la démocratie de l’égalité. Ceci s’explique par le fait que la politique du droit dans ses vœux d’une justice commutative est plus souple envers la discrimination positive. Le concept de la justice commutative stipule que tous les hommes naissent égaux en droit. Pour rectifier la rétribution inégale des héritages naturels ou économiques, le droit privilégie positivement les démunis. Or, cette souplesse peut ironiquement prendre à revers le caractère impartial du droit. Considérons l’histoire de la politique du droit occidental. Elle montre que le droit a fini par favoriser un souci humaniste dans sa considération de la liberté individuelle. En fait, la prospérité politique d’une société permet d’être moins rigide sur les aspects objectifs du droit formel et permet de se pencher avec plus de considération sur la liberté individuelle des citoyens. Si l’idéalisme de la liberté individuelle a fini par progressivement conquérir la conceptualisation morale de nombreux droits, grâce à la voix démocratique, elle ramollit progressivement la rigidité objective de la politique impartiale du droit. Le fait est que la démocratie représentative au suffrage universel a un aspect dogmatique quand la majorité ne fait pas preuve de rationalité en choisissant des élus qui n’ont aucune éducation politique. On est loin du vœu de Platon de voir une cité dirigée par des élites intellectuelles. Ce genre de démocratie peut actuellement décider de n’importe quelle direction du gouvernement et par ailleurs des normes de la justice. Dès lors, l’impartialité de l’égalité est contradictoirement devenue un parti pris dans ce qui est considéré comme norme.

2. Si le droit tient à être juste, il doit être pensé comme un équilibre entre impartialité et équité et non dans l’extrémisme de l’un ni de l’autre

En fait, s’il nous a semblé paradoxal de penser que le droit puisse soutenir l’injustice, c’est parce que l’absolutisme corrompt la justice. L’impartialité absolue dans l’idée d’égalité de droit nuit à la considération de la proportionnalité des parts à ceux qui méritent plus que d’autres. Or, l’équité absolue pose problème dans la négation d’une juste mesure objective. Prendre absolument parti reste dangereux dans le sens ou il y a le risque de la disposition particulière (culturelle ou intéressée) de l’autorité qui décide de la distribution. Il faut donc penser le droit en toute circonstance comme un équilibre entre ce qui est prescrit par la loi et ce qui semble équitable. C’est pourquoi la Justice moderne nous permet le jugement du procès avant toute exécution législative. Le procès moderne est la rationalité en œuvre quand les choses sont d’abord mises sous la clarté de la raison démonstrative et appuyées par un souci scientifique des faits avant toute décision de justice. Si le juge interprète les lois, c’est parce que le droit est prescriptif plus que descriptif. Le droit, comme « ce qui revient de droit à chacun», parle à une raison qui sait discerner les faits et agir proportionnellement par la pensée des circonstances. Pourtant, il est aussi le droit, comme « ce qui doit être observé », dans sa formalité, car il est une direction objective qui n’est pas censée être ignorée.

Conclusion

Nous étions face à ce paradoxe que le droit pouvait à la fois soutenir la justice et l’injustice. Au début le droit nous a paru comme incompatible à l’injustice du fait que fondamentalement Droit et justice semblaient être la même chose. On a aussi vu que le droit pouvait abriter l’injustice en tant qu’il n’est qu’un instrument politique qui fait une priorité le bienêtre de la société en générale. Ce qui nous a amené à la conclusion que la source du problème est le fait d’un manque d’équilibre entre les deux sens de la justice que sont l’égalité et l’équité. On peut faire la preuve que le droit qui se veut être juste en toute égalité de traitement puisse favoriser l’injustice suivant nécessairement le parti pris démocratique. De même que celui de l’équité qui n’est pas à l’abri du manque d’objectivité. En définitive, le droit doit être une réflexion de la justice qui s’apprécie dans le jugement des faits et non dans l’idéalisation des faits ou dans les faits en eux-mêmes.

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Toute La Philo

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