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Revendiquer sa liberté, est-ce un droit ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

Revendiquer sa liberté, est-ce un droit ? Revendiquer signifie demander ce qui doit être selon la conception d’une justice. Quant à la liberté, elle renvoie à trois conceptions. Intuitivement, il s’agit de l’idée de pouvoir faire ce qui nous plait. Ensuite, nous pouvons aussi la ressentir comme un affranchissement par rapport à la contrainte. Enfin, on peut penser à l’idée de l’autonomie, soit le pouvoir moral d’être maître de soi-même. Pour ce qui est du concept du droit, il implique l’idée d’un vivre ensemble organisé par un ensemble de règles qui dictent ce qui est permis et ce qui est interdit. Revendiquer sa liberté au nom d’un droit serait alors vouloir retrouver l’idée d’une liberté qui nous a été enlevée ou qui selon des conditions oppressantes nous doit être légitime. Pourtant, comme l’idée de droit est celle de la délimitation, du fixé et de l’obligation inconditionnelle, liberté et droit semblent se contredire fondamentalement. Pour mieux comprendre cette contradiction afin de pouvoir éventuellement la dépasser, il nous faut considérer les propositions suivantes. D’abord, dans une première partie on doit reconnaître cette évidence apparente que le gouvernement politique ne peut garder l’exclusivité de la liberté. Toutefois, dans une seconde partie, il nous faut aussi comprendre que l’institution du droit fut purement politique dans le souci du garant de la sécurité et la prospérité de l’Etat ; ce qui s’oppose donc à la liberté. Enfin, dans une troisième partie, on proposera le dépassement de cette tension entre droit et liberté par la conception de la liberté comme autonomie.

Partie I : La légitimité d’un droit à la liberté

1. Le souverain ne peut garder l’exclusivité de la liberté politique

D’emblée, on reconnaît dans l’histoire politique de toutes sociétés gouvernées par un souverain que la liberté se ressent par l’affranchissement de l’inconfort d’une politique dictatoriale. Le fait est que le pouvoir politique du souverain est souvent fondé sur des principes que l’on ne discute pas souvent sous peine de sanctions sévères. La politique de la souveraineté dictatoriale fonctionne souvent de telle manière que les lois sont à respecter inconditionnellement. Or, elles se basent souvent sur les intérêts de la force dominante à maintenir et à augmenter son pouvoir. Le problème se trouve alors dans les qualités moralement suspicieuses du fondement de ses lois. Des lois peuvent nous contraindre à d’extrêmes inhumanités comme durant les périodes sombres des inquisitions religieuses ou de la chosification de la personne humaine dans le statut de l’esclave durant les périodes coloniales de nombreuses nations confondues. Il semble dès lors légitime de discuter de l’exclusivité de la liberté politique du souverain, qu’il soit prince, saint ou gouvernement.

2. Un homme est libre et se doit de le rester

Mais encore, il faut reconnaître l’implication fondamentale que si affranchissement il y a, liberté naturelle il y a. En fait, l’idée de contrainte semble inévitablement éveiller la conscience du sentiment d’une liberté inconditionnelle. Si le champion de la liberté existentielle Jean Paul Sartre dit que « Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande », c’est qu’il parle du poids de la liberté qui s’impose face aux pires contraintes, comme les tortures de la guerre pour soutirer des informations. Dans ces moments, on se demande à quel point on peut résister ou si nous sommes capables de dépasser les limites de la peur de la mort. Ces questions dans la solitude de notre existence nous obligent à la conscience de notre liberté, soit plus précisément d’en être responsable. Mais le fait est que le sentiment est là, clair dans sa présence imposante du « tu dois choisir », que nous sommes inconditionnellement libres et que nul ne peut nous extirper de cette révélation de notre condition humaine. Aussi, il est légitime de rappeler cette fondation de notre humanité afin que nul n’oublie qu’on est à jamais intimement responsable.

Il paraît donc clair que le droit à la liberté se doit être pour nous rappeler un dû naturel. Toutefois, il reste que la liberté semble quand même fondamentalement contraire à la finalité du droit comme réglementation politique.

Partie II : Le droit ne peut donner droit à la liberté

1. Dans l’absolu, la liberté est liberticide

Certes, on peut reconnaître la liberté comme un élément de l’intégrité humaine. Toutefois, c’est vite oublier le danger psychologique de l’inconditionnalité d’une liberté absolue. Être libre signifie intuitivement pour l’individu faire ce qui plait à soi. C’est pourtant une perspective non envisageable du fait que cette liberté est liberticide en lui-même. Le fait de faire ce qui nous plait signifie que l’on ne va pas à l’encontre de nos désirs. Or, cela signifierait aussi que le désir nous contraindrait à ses caprices. Il faut remarquer que les désirs sont malicieux. On peut par exemple croire en toute vraisemblance que le désir de se reposer est de mon gré, car j’estime mon labeur suffisant. Or, la marge entre paresse et satisfaction n’est pas toujours évidente. Il se peut même qu’il ne s’agisse que de procrastination. Le désir est une force psychique si puissante dans l’embellissement de l’objet du désir qu’on ne peut aisément résister à ce dernier. En somme, l’idée de faire ce que l’on veut minimise l’estimation de la puissance de notre appétit à nous contrôler inconsciemment. Il semble donc dangereux de brandir cette permission devant les yeux de notre faiblesse morale.

2. L’idée du droit est de maintenir la sécurité publique et la prospérité du vivre ensemble et non l’intérêt inconditionnel de l’individu

Mais, il ne s’agit pas seulement d’un problème individuel, car l’individu aura vite fait de rencontrer et de s’associer à d’autres individus pour former un groupe, une famille, une communauté et plus généralement une société organisée. Organisée, car une société avertie des querelles fratricides reconnaît dans ses individus la faiblesse de leur égo. Il ne suffit pas seulement de vivre sous le même intérêt ni sous le même territoire, mais aussi de maintenir sous contrôle le bon déroulement de cette association. Ainsi, l’Etat rationnel naîtra du compromis de la liberté individuelle pour le bien-être général du vivre ensemble. L’Etat rationnel s’organise par l’institution des règles du Droit. Le Droit est un ensemble de règles qui organisent rationnellement la vie en société afin de s’assurer prioritairement de la sécurité du bien public et de la prospérité de la société en général. De ce fait, le Droit prétend arriver à ces fins en répondant à la justice de l’impartialité de deux manières qui neutralisent l’idée d’une liberté absolue. D’un, le droit comme il est positif, soit imposé, est défini dans la formalité pour que nul n’est censé l’ignorer. Le droit est écrit dans des formats publics comme le code civil et rappelé dans les termes et les conditions de toutes affaires légales. De deux, le droit est défini dans l’esprit de l’objectivité. Le droit ne rend compte des effectivités personnelles. Ces deux caractères du droit qui fixent le permis et l’interdit permettent la bonne manœuvre d’une société stable..

Ainsi, liberté et droit semblent se contredire. Il nous paraît alors encore inconcevable de penser un Etat formé par des individus simplement contraints.

Partie III : La liberté contractuelle de l’Etat

1. L’Etat est fondé sur la liberté contractuelle des individus

Il faut en fait rappeler que si l’Etat est rationnel, c’est qu’il reconnaît l’obligation morale de ses individus dans leur contrat social. Certainement, l’Etat fait preuve de sévérité pour ceux qui n’observent pas proprement la loi. Toutefois, la politique reconnaît qu’elle ne peut faire l’économie d’une aspiration morale. Le fait est qu’aucun homme n’est véritablement contraint à l’image de la chose inconsciente mue par les seules lois de la nature. La disposition de l’homme face à la loi est dite une obligation, car  il y a une différence entre cette dernière et la nécessité. La nécessité est la réaction mécanique aux forces extérieures alors que l’obligation est une autodétermination intérieure. Entre la simple chose et l’homme, ce dernier nous dit Sartre « existe », soit de l’étymologie « ex-ister » qui signifie « sortir de », dans le sens où il opère une transcendance en sortant de lui-même au lieu de seulement « être ». Rétrospectivement, mais dans la même veine, Rousseau puis Kant nous dit que l’homme est autonome, soit qu’il est capable d’être son propre maître face à ses appétits et à ses devoirs. Ainsi, il serait dangereux pour tout État de penser le droit comme purement descriptif reflétant une simple mécanique politique. Le droit se doit être compris comme prescriptif, car c’est un idéal et non un fait. Le droit doit certes évoluer avec les conditions du réel, mais il faut y laisser à l’homme une certaine légitimité rationnelle pour que celui-ci l’observe et non s’y trouve seulement à être contraint.

2. On doit d’abord reconnaître notre responsabilité avant toutes revendications

Toutefois, l’idée de l’autonomie ne s’arrête pas seulement à la reconnaissance rationnelle. Si on ne peut faire de la revendication de sa liberté un droit, c’est parce que cette idée n’est qu’un rappel redondant de ce qui est déjà là et qui est plus précisément la « responsabilité ». Rappelons-nous de Sartre et de sa thèse selon laquelle nous ressentons intimement notre liberté dans la contrainte. Quand nous sommes face au choix, aussi dilemmatique soit-il, nous sommes face à un poids. Ce poids est le fait que nous soyons responsables or nier cette conscience serait la pire dégradation de notre humanité. Le fait de la nier serait volontairement, et donc aussi d’une manière malhonnête, se régresser à l’état de la chose inconsciente ouverte aux circonstances contingentes du monde, soit donc de n’être qu’à la dérive. En fait, le grand pouvoir de la conscience nous incombe le devoir moral d’en faire le meilleur usage. Et cet usage est la réflexion responsable. On peut donc conclure que la nature même du droit comme une responsabilité politico-sociale représente déjà la liberté, mais qu’il ne faut pas penser la liberté comme inconditionnelle, car elle est le poids de la conscience.

Conclusion

En résumé, on s’était demandé comment la nature fondamentale du droit et de la liberté semblait contradictoire alors que l’un et l’autre étaient pareillement nécessaires. De ce fait, le droit à la liberté nous est apparu comme nécessaire du fait que le souverain politique pouvait abuser de son pouvoir dans l’inhumanité de ses lois. Mais aussi que dans la contrainte nous reconnaissons notre liberté inconditionnelle. Toutefois, il nous aura semblé que le droit de la simple idée d’une liberté absolue était dangereux pour nous-mêmes, mais que la liberté était aussi fondamentalement contraire à l’idée du droit même. Le droit est politique dans son dépassement de l’intérêt individuel, car il se veut être objectivement impartial pour garantir le bien-être général. Toutefois, il nous a aussi fallu remarquer que le pouvoir politique ne pouvait nous traiter en chose, mais se devait de nous considérer comme des entités morales. L’homme est autonome et s’il se sent contraint, il s’agit plus exactement d’un sentiment d’obligation, soit de se maîtriser. Mais au final, ce qui fait véritablement la possibilité de la dynamique droit et liberté est la conscience de notre responsabilité et inversement la responsabilité de la conscience même. La véritable liberté est là, mais elle n’est pas sans condition, elle est un poids qu’il faut observer.

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