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Cours de Philosophie sur la science

Ecrit par Toute La Philo

À l’inverse de la religion, des mythes et des croyances, la science est un mode de connaissance, c’est une méthode de recherche de la vérité. Là où on pensait que le vent pouvait être la colère d’un dieu, la science nous a appris qu’il correspondait au déplacement d’une masse d’air.
La terre plate, la planète au centre de notre galaxie, la science a balayé nos certitudes en nous apportant les explications. Découvrons ensemble ce qu’est la science, quel est son objet et quelles sont ses limites.

Comment reconnaître la science ?

Quelle est la différence entre l’opinion et la science ?

Le Dictionnaire Le Petit Robert définit l’opinion comme la “manière de penser, de juger”. Le Larousse, quant à lui, le définit comme un “jugement, avis, sentiment qu’un individu ou un groupe émet sur un sujet, des faits, ce qu’il en pense”.
L’opinion est donc un avis qui est propre à une personne ou à un groupe, mais celui-ci peut s’avérer vrai ou faux. On distingue alors l’opinion vraie d’une opinion fausse. Cette dernière n’est toutefois pas fausse pour la personne qui a cette opinion, mais elle ne repose pas sur quelque chose d’assez solide pour relever de la connaissance. Une opinion, c’est un jugement que porte un individu, et ce, sans que celle-ci soit réellement fondée.

Dans la République de Platon, l’analogie de la ligne distingue deux types de connaissances relatives à l’opinion : l’illusion et la croyance. Ces dernières sont influencées par :

  • nos préjugés ;
  • notre caractère affectif ;
  • notre milieu social.

L’opinion est également illustrée par Platon dans l’allégorie de la caverne par les ombres projetées, maintenant les individus dans leur prison.
À travers ces travaux Platon distingue :

Monde Intelligible (topos noétos) Monde Sensible (topos horatos)
Science (épistémè) Opinion (doxa)
Les principes non hypothétique => Connaissance rationnelle intuitive (Noûs) Objets Sensibles => Croyances, convictions (Pistis)
Les objets hypothétique (mathématique) => Connaissance rationnelle discursive (Dianoia) Ombres des objets sensibles => Imagination (Eikasia)

Dans Ménon, Platon utilise Socrate en disant qu’”En effet les opinions vraies, tant qu’elles demeurent, sont une belle chose, et produisent toutes sortes d’avantages ; mais elles ne veulent guère demeurer longtemps, et elles s’échappent de l’âme de l’homme : en sorte qu’elles ne sont pas d’un grand prix, à moins qu’on ne les arrête en établissant entre elles le lien de la cause à l’effet. C’est, mon cher Menon, ce que nous avons appelé précédemment réminiscence. Ces opinions ainsi liées deviennent d’abord sciences, et alors demeurent stables. Voilà par où la science est plus précieuse que l’opinion vraie, et comment elle en diffère par l’enchaînement.”

Platon oppose donc la science à l’opinion, du fait de sa vérité objective. Pour lui, une opinion est trop instable, et même si l’opinion est vraie, celle-ci peut changer pour une opinion qui serait beaucoup plus séduisante.

Le Larousse définit la science comme l’”ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines catégories de faits, d’objets ou de phénomènes obéissant à des lois et/ou vérifiés par les méthodes expérimentales.”

En philosophie, la science est définie comme un jugement porté sur le monde ou sur un ensemble de propositions logiques via une méthode basée sur la cohérence et/ou la vérification des énoncés.

Les vérités établies par la science ont donc été vérifiées et c’est en ce sens que la science se distingue de l’opinion. Les raisons et les principes sont explicités et produisent un savoir.

Ainsi, la pomme qui tombe obligatoirement par terre quand on la lâche ou l’eau qui bout à 100 °C sont des opinions vraies. Elles deviennent des énoncés scientifiques une fois qu’elles ont été justifiées par la loi de la gravitation ou la loi de la thermodynamique.

Ces vérités établies deviennent des théories scientifiques qui, avec le temps, peuvent s’avérer fausses ou être invalidées. Toutefois, il est de plus en plus rare que les théories scientifiques soient entièrement jetées à la suite de nouvelles découvertes. Elles sont simplement affinées pour permettre d’obtenir une image plus nette de la vérité.

Toutefois, certains discours prennent la forme de la science pour apporter des explications. Bien qu’ils apportent des principes et des causes, ces discours ne peuvent être qualifiés de scientifiques, ce sont des discours non-scientifiques également appelés pseudosciences.

Par exemple, la force psi, qui est responsable des phénomènes de télékinésie est un discours non-scientifique. En effet, selon les personnes qui affirment son existence, cette force ne peut se manifester lorsqu’on essaie de l’étudier en laboratoire. Si aucune expérience ne peut mettre en évidence cette force, l’hypothèse de son existence ne peut être réfutée.

Quelle est la différence entre la science et la pseudoscience ?

Quand la science est vérifiable par l’expérience

Dans les années 20, des scientifiques et des philosophes viennois se réunissaient entre eux dans une école philosophique promue par le Cercle de Vienne : l’empirisme logique.
Appelé également positivisme logique ou empirisme rationnel, l’empirisme logique a essayé de trouver les critères qui permettaient de distinguer la science et la pseudoscience.

Dans Manifeste du Cercle de Vienne et autres écrits, publié sous la direction d’Antonia Soulez, il est précisé que “Lorsque quelqu’un affirme : “il y a un Dieu”, “L’inconscient est le fondement originaire de l’homme”, “Il y a une entéléchie comme principe directeur du mouvement”, nous ne lui disons pas “Ce que tu dis est faux”, mais nous lui demandons : “Qu’est-ce que tu signifies avec tes énoncés ?” Une démarcation très nette apparaît alors entre deux espèces d’énoncés : d’un côté les affirmations telles que les formules de la science empirique ; leur sens peut être constaté par l’analyse logique, plus précisément par le retour aux énoncés les plus simples portant sur le donné empirique. Les autres énoncés, parmi lesquels ceux que l’on vient de citer, se révèlent complètement dénués de signification quand on les prend au sens où l’entend le métaphysicien.”

Ainsi, pour le Cercle de Vienne, une théorie scientifique peut être décomposée en un ensemble fini d’énoncés simples vérifiables par l’expérience. Ces énoncés simples sont les “énoncés protocolaires” ou “énoncés d’observation”. Pour qu’une théorie soit scientifique, elle doit être déduite à partir de ces énoncés.

Si l’empirisme logique permet d’apporter un éclairage pour distinguer la science de la pseudoscience, il est confronté à certains problèmes :

  • L’expérience peut mettre à mal une théorie scientifique sans que celle-ci ne soit réellement abandonnée ;
  • Les vérités scientifiques n’ont pas toutes été vérifiables par les sens.

Les paradigmes scientifiques

Face à la rigidité de la science par les empiristes logiques, Thomas Samuel Kuhn utilise le terme de paradigme dans son livre La Structure des révolutions scientifiques. Selon lui, à chaque révolution scientifique, les paradigmes sont amenés à être remplacés par de nouveaux concepts, de nouvelles vérités, des méthodes différentes. C’est une nouvelle manière de voir le monde.

Sept ans après la parution de son ouvrage, Thomas Kuhn a précisé son concept de paradigme en proposant un nouveau terme : “la matrice disciplinaire”. Il en distingue quatre :

  • Les “généralisations symboliques” qui sont les lois scientifiques connues et utilisées par les scientifiques (formule mathématique,…) ;
  • Les principes, appelés également métaphysiques par Kuhn, représentent la manière dont le groupe conçoit le réel. Les principes représentent les croyances fondamentales de la communauté scientifique.
  • Les valeurs englobent toutes les opinions sur ce qui est acceptable ou non concernant la science. Elles sont partagées par la communauté scientifique.
  • Les exemples-type apportent des solutions aux problèmes rencontrés par les étudiants dans les manuels, les laboratoires. Quand Thomas Kuhn apporte plus de précisions à son concept en y intégrant le terme “matrice disciplinaire », il nomme paradigme les exemples-type.

Pour Thomas Kuhn, les théories sont scientifiques par rapport au contexte dans lequel elles ont été établies. Ainsi, ce qui est une théorie scientifique aujourd’hui, ne le sera plus demain quand un nouveau paradigme viendra balayer l’ancien.

Un paradigme reste en place, et ce, jusqu’à ce qu’il rencontre trop d’anomalies et que les nouvelles expériences ne puissent plus être comprises. La science entre alors en crise, et la révolution scientifique qui arrive entraîne avec elle un nouveau paradigme où les problèmes non résolus de l’ancien paradigme trouvent de nouvelles solutions.

Les paradigmes de Thomas Kuhn donnent des arguments aux relativistes. Le relativisme est une “doctrine selon laquelle les valeurs morales, esthétiques dépendent de facteurs historiques, sociaux… et n’ont rien d’absolu.” (Le Petit Robert).

Des énoncés réfutables

Pour Karl Popper, la réfutabilité permet de distinguer la science des discours non-scientifiques.
Si l’histoire des sciences est faite d’une série de réfutation, c’est parce qu’il est possible de prouver qu’une théorie est fausse, mais la preuve de sa vérité n’est que provisoire. C’est vrai jusqu’à ce que l’on vienne prouver le contraire.
Ainsi, pour ce philosophe anglais, une théorie est corroborée seulement lorsqu’elle a testé sa résistance aux contrôles négatifs.

Si nous énonçons la théorie selon laquelle “tous les loups vivent en meute”, celle-ci représente une vérité provisoire qui sera invalidée si l’on découvre un seul loup qui ne vit pas en meute. Bien que toute théorie scientifique soit provisoire, cela représente la plus grande force de la science. Pour Popper, une théorie scientifique n’est pas une vérité, mais une “proposition convaincante”.

La réfutabilité permet de distinguer la science de la pseudoscience dans le sens où une théorie scientifique est vraie tant que l’on ne prouve pas le contraire.

Quelle est la démarche scientifique ?

L’induction

Le Larousse définit l’induction comme une “opération mentale par laquelle on passe d’observations données à une proposition qui en rend compte.”
L’induction, c’est observer un fait ou l’expérimenter et en tirer une conclusion générale. Elle part du particulier pour aller vers le général.

Avec l’image du cygne, Popper illustre très bien ce qu’est l’induction. Un individu rencontre des cygnes blancs. Il n’a jamais vu de cygnes noirs. Il finit par conclure que tous les cygnes sont blancs. Ce qui est vrai dans ce cas particulier, mais faux dans la généralité, car il existe des cygnes noirs.

L’induction permet donc de créer des conclusions hâtives. Dans son ouvrage Qu’est ce que la Science ? Alan Francis Chalmer pointe un autre problème relatif à l’induction : à partir de quand est-il légitime de passer d’observations particulières (tous les cygnes observés ce jour sont blanc) à la conclusion générale (tous les cygnes sont blancs) ? Combien de fois faut-il observer, expérimenter un fait particulier pour réaliser une conclusion ?

Ce à quoi Francis Bacon répond par trois règles :

  • la multiplication des observation et/ou la variation des expériences pour distinguer les purs accidents du fait essentiel ;
  • compléter la connaissance du fait observé en recherchant si ce cas particulier se retrouve dans le général ;
  • vérifier si ces faits observés se produisent dans des proportions et/ou dans des circonstances différentes.

La théorie et l’expérience

L’induction permet de conclure une généralité basée sur l’observation et/ou l’expérimentation d’un fait particulier. Or, une théorie est scientifique lorsqu’elle est précédée d’une expérience. C’est cette dernière qui va corroborer ou réfuter la théorie scientifique.

Dans son ouvrage Qu’est ce que la Science ? Chalmers explique la vision erronée concernant la méthode expérimentale : certains ont tendance à croire qu’une hypothèse scientifique débute par l’observation d’un fait et que celui-ci est ensuite interprété. Or, une hypothèse scientifique est précédée par une expérience. En effet, l’observation d’un fait entraîne de nombreuses expériences qui vont ensuite conduire à une hypothèse scientifique.
Dans la “philosophie de Claude Bernard” qu’il a présenté lors d’un discours au Collège de France en 1913, Bergson stipule que “Trop souvent nous nous représentons encore l’expérience comme destinée à nous apporter des faits bruts : l’intelligence, s’emparant de ces faits, les rapprochant les uns des autres, s’élèverait ainsi à des lois de plus en plus hautes. Généraliser serait donc une fonction, observer en serait une autre. Rien de plus faux que cette conception du travail de synthèse, rien de plus dangereux pour la science et pour la philosophie.

Elle a conduit à croire qu’il y avait un intérêt scientifique à assembler des faits pour rien, pour le plaisir, à les noter paresseusement, et même passivement, en attendant la venue d’un esprit capable de les dominer et de les soumettre à des lois.

Comme si une observation scientifique n’était pas toujours la réponse à une question, précise ou confuse ! Comme si des observations notées passivement à la suite les unes des autres étaient autre chose que des réponses décousues à des questions posées au hasard ! Comme si le travail de généralisation consistait à venir, après coup, trouver un sens plausible à ce discours incohérent.”

Dans ce discours, Bergson nous précise qu’une observation scientifique est une réponse à une question. Les scientifiques savent ce qu’ils font, car ils se basent sur une théorie pour savoir où recueillir et comment obtenir les données.

C’est ce qu’on appelle la démarche hypothético-déductive :

  • on élabore une hypothèse ou une théorie ;
  • on déduit ce qui doit se passer si la théorie, l’hypothèse est juste ;
  • on teste ensuite l’hypothèse en établissant un protocole d’expérience ;
  • le ou les expériences effectuées permettent de corroborer ou de réfuter l’hypothèse initiale.

Quelle est l’ambition scientifique ?

Quel est l’objet de la science ?

Les deux finalités de la science

La science a deux finalités, celle de connaître le réel et les lois de la nature afin de maîtriser ces lois pour améliorer les conditions de vie et accroître encore plus ses connaissances.

Dans ses cours de philosophie positive, Auguste Combe annonce ceci :

Sans doute, quand on envisage l’ensemble complet des travaux de tout genre de l’espèce humaine, on doit concevoir l’étude de la nature comme destinée à fournir la véritable base rationnelle de l’action de l’homme sur la nature, puisque la connaissance des lois des phénomènes, dont le résultat constant est de nous les faire prévoir, peut seule évidemment nous conduire, dans la vie active, à les modifier à notre avantage les uns par les autres.[…] Mais, malgré l’importance capitale de cette relation, qui ne doit jamais être méconnue, ce serait se former des sciences une idée bien imparfaite que de les concevoir seulement comme les bases des arts, et c’est à quoi malheureusement on n’est que trop enclin de nos jours. Quels que soient les immenses services rendus à l’industrie par les théories scientifiques, quoique, suivant l’énergique expression de Bacon, la puissance soit nécessairement proportionnée à la connaissance, nous ne devons pas oublier que les sciences ont, avant tout, une destination plus directe et plus élevée, celle de satisfaire au besoin fondamental qu’éprouve notre intelligence de connaître les lois des phénomènes.”

Ainsi, on peut distinguer deux types de science :

  • La science pure ou la science fondamentale qui tente de connaître le réel et les lois de la nature ;
  • La science appliquée qui permet, grâce aux connaissances rationnelles, de réaliser des objectifs pratiques (médecine, …).

Le réalisme scientifique : un moyen de décrire le réel

Le Réalisme scientifique est une thèse selon laquelle la Science sait prédire avec succès les phénomènes. Le monde décrit par la science est le monde “véritable”. Et les entités théoriques décrites par la science doivent être considérées comme vraies.

Dans son ouvrage, Concevoir et expérimenter : thèmes introductifs à la philosophie des sciences expérimentales, Ian Hacking précise que “pour le réalisme scientifique, les entités, états et processus décrits par les théories existent vraiment, pour peu que ces théories soient exactes. Protons, photons, champs de force et trous noirs sont aussi réels qu’ongles d’orteils, turbines, tourbillons dans un cours d’eau ou volcans. Les interactions faibles que décrit la physique des particules élémentaires sont aussi réelles que le fait de tomber amoureux.”

La science décrit le monde tel qu’il est, et ce, avec exactitude. Le réalisme scientifique est défendu par de nombreux auteurs, dont le philosophe américain Hilary Putman qui explique dans son ouvrage Qu’est-ce que la vérité mathématique ? que “L’argument positif pour le réalisme est que c’est la seule philosophie qui ne rend pas le succès de la science miraculeux.”.

Cet argument repose sur le constat des progrès réalisés par la Science qui serait vu comme miraculeux si leur objet n’était pas le réel lui-même.

L’antiréalisme

Le réalisme scientifique ne fait pas l’unanimité et certains s’opposent à l’idée que ce qui n’est pas observable existe au même sens qu’un arbre ou une chaise. Pour eux, ces entités théoriques que sont les atomes ou les gènes par exemple, ne sont que des modèles qui servent à faciliter l’explication du réel. Ian Hacking précise que “ L’antiréaliste s’oppose à ces entités qui ne sont pour lui que fictions, constructions logiques ou éléments d’un processus intellectuel d’appréhension du monde.”

L’antiréalisme a donné naissance à l’instrumentalisme. Cette doctrine pragmatique, fondée par J. Dewey, stipule que les théories qui ne correspondent pas à une réalité objective sont en réalité des instruments au service de l’action. Leur fonction est de prédire et d’agir sur le réel, comme le ferait un instrument de mesure.

Quelles sont les limités de la science ?

Ayant comme ambition de connaître et de décrire le réel, cela présuppose que la science dispose de tous les moyens nécessaires pour parvenir à cette finalité.
La thèse de science physique explicitée dans nos manuels nous révèle que toutes les connaissances sont réductibles à des connaissances physiques.

Toutefois, la science qui prétend que tout est réductible à des propriétés physico-chimiques est mise à mal avec l’expression “effet que cela fait” de Thomas Nagel. En effet, l’expérience vécue face à la vision d’une couleur ou des sentiments qu’un individu ressent ne peut se réduire simplement à des propriétés physiques.

Dans son article What Mary Didn’t know (Ce que Mary ne savait pas) Frank Cameron Jackson réalise une expérience de la pensée :

Marie est une brillante scientifique qui est forcée, peu importe pour quelle raison, d’étudier le monde depuis une chambre noire et blanche par le moyen d’un écran de télévision en noir et blanc. Elle se spécialise dans la neurophysiologie de la vision et nous supposerons qu’elle acquiert toutes les informations physiques qu’il y a à recueillir sur ce qui se passe quand on voit des tomates mûres ou le ciel, et quand nous utilisons des termes comme « rouge », « bleu », etc. Par exemple, elle découvre quelle combinaison de longueurs d’onde provenant du ciel stimule la rétine, et comment exactement cela produit, via le système nerveux central, la contraction des cordes vocales et l’expulsion d’air des poumons qui aboutissent à la prononciation de la phrase : « Le ciel est bleu ». […]
Que se produira-t-il quand Marie sortira de sa chambre noire et blanche ou si on lui donne un écran de télévision couleur ? Apprendra-t-elle quelque chose, ou non ? Il semble tout à fait évident qu’elle apprendra quelque chose sur le monde et sur notre expérience visuelle du monde. Mais alors on ne peut pas ne pas dire que son contenu de connaissance était incomplet. Mais elle avait toutes les informations physiques. Donc, il en faut plus, et le physicalisme est faux.”

Ainsi, même si cette Mary dispose de tous les moyens nécessaires pour connaître toutes les propriétés physico-chimique relatif à la vision des couleurs, elle ne dispose cependant pas des connaissances relatives à l’expérience vécue lorsqu’elle voit réellement les couleurs. Il y a donc des connaissances qui existent qui vont plus loin que les simples propriétés physico-chimiques.

L’expression “effet que cela fait” est d’ailleurs très bien illustré par Thomas Nagel avec la chauve-souris : “J’ai dit que l’essence de la croyance selon laquelle les chauves-souris ont une expérience est que cela fait un certain effet d’être une chauve-souris. À l’heure actuelle, nous savons que la plupart des chauves-souris (le microchiroptère, pour être précis) perçoivent le monde extérieur principalement par sonar, ou écholocalisation, détectant les réfractions provenant d’objets situés à l’intérieur de leur champ perceptif, de leurs propres cris brefs, subtilement modulés, émis à haute fréquence. Leurs cerveaux sont conçus de manière à établir une corrélation entre les impulsions venues de l’extérieur et les échos subséquents, et L’information ainsi acquise permet aux chauves-souris de faire des discriminations précises relatives à la distance, à la forme, au mouvement et à la texture des objets, comparables à celles que nous faisons par L’intermédiaire de la vision. Mais le sonar d’une chauve-souris, bien qu’il soit de toute évidence une forme de perception, n’est pas semblable, dans sa manière d’opérer, à un sens quelconque que nous possédions, et il n’y a pas de raison de supposer qu’il ressemble subjectivement à quoi que ce soit dont nous puissions faire l’expérience et que nous puissions imaginer. Ceci semble créer des difficultés pour la notion de I’effet que cela fait d’être une chauve-souris.”

Avec son expression “l’effet que cela fait”, Thomas Nagel nous fait comprendre que même si nous disposons de toutes les connaissances pour comprendre le sonar utilisé par la chauve-souris, nous ne pouvons pas ressentir l’effet que cela fait d’utiliser ce système d’écholocalisation. Bien que nous ayons les connaissances théoriques pour comprendre son fonctionnement, nous sommes ignorants quant à l’expérience que l’on pourrait vivre si, en tant qu’humain, nous disposions d’un système semblable.
Les informations physiques, les propriétés physico-chimiques, ne permettent donc pas de prendre conscience de la sensation ressentie face à ses expériences vécues.

Conclusion

La science est une démarche rationnelle et méthodique pour vérifier des hypothèses. Elle permet d’établir des théories qui ne sont valables que parce qu’elles n’ont pas encore trouvé un fait qui les contredit. Une théorie scientifique est donc avant tout provisoire. Si la science permet de décrire le réel, cela devient beaucoup plus complexe lorsqu’elle cherche à décrire avec exactitude le réel qui n’est pas observable. Si le réalisme scientifique maintient fermement que la science décrit le monde “véritable”, et ce, même pour ce qui n’est pas observable, les antiréalistes s’opposent à cette idée. Selon eux, tout ce qui n’est pas observable ne peut avoir une existence similaire à un objet du réel que l’on peut observer. Les antiréalistes considèrent que les entités théoriques ne sont que des fictions, des modèles, pour expliquer plus facilement ce qui n’est pas observable. En somme, la description des entités théoriques n’est qu’une vulgarisation.
Si la science continue encore de nombreuses découvertes, elle se retrouve mise à mal par une connaissance qui dépasse son entendement : celle de l’expérience vécue. Ainsi, avoir les connaissances de quelque chose ne signifie pas que nous pouvons avoir conscience de l’effet que cela fait.

Comment les auteurs parlent-ils de la science ?

Bachelard, La formation de l’esprit scientifiqueAu fond, le progrès de la pensée scientifique revient à diminuer le nombre des adjectifs qui conviennent à un substantif et non point à les augmenter

Bergson, Les deux sources de la morale et de la religionL’humanité gémit, à demi écrasée sous le poids des progrès qu’elle a faits

Descartes, Règles pour la direction de l’espritLes premiers principes ne peuvent être connus que par intuition ; et au contraire, les conséquences éloignées ne peuvent l’être que par déduction

Descartes, Principes de la philosophieToute la philosophie est comme un arbre dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences qui se réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale

Platon, MénonEt que, pour bien diriger, il n’y a que deux choses, l’opinion vraie et la science ; et l’homme qui les possède est un bon guide

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