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Cours de Philosophie sur le temps

Ecrit par Toute La Philo

Le temps est une des dimensions de notre réalité. Le temps qui s’écoule fait que toutes les choses évoluent, changent, devenant ainsi autre chose que ce qu’elles étaient. Quand on essaie de penser le temps, on ne se représente pas vraiment le temps lui-même, seulement ses effets sur nos êtres : le changement, le vieillissement…
S’il nous est impossible de voir et/ou de toucher le temps, comment pouvons-nous l’appréhender par la pensée ?
Pouvons-nous l’aborder autrement que par des concepts mathématiques et physiques ?

Théoriquement, nous avons appris à “découper” le temps en trois entités distinctes, le passé, le présent ainsi que le futur. Ainsi, le Petit Robert définit :

  • le passé comme “ce qui a été, précédant un moment donné, ce qui s’est passé.”
  • le présent comme ce “qui existe, se produit au moment, à l’époque où l’on parle ou dont on parle.”. C’est donc ce qui est.
  • le futur comme ce “qui appartient à l’avenir.”. C’est ce qui sera.

Dans sa vie, l’être humain a tendance à regretter le passé, avoir peur de l’avenir et fuir le présent. Pourtant, bien que ces parties soient distinctes, elle représente un tout. Ainsi, le passé n’est que l’expérience de notre présent tandis que l’avenir est la conséquence du moment présent. Partons ensemble à la découverte du temps.

Qu’est ce que le temps ?

Le temps est-il une réalité qui nous est extérieure ?

Que l’on soit vivant, ou non, nous sommes tous soumis au temps. En physique, le temps est un facteur à prendre en compte. La formule mathématique V=D/tV = vitesse, D = Distance parcourue et t = temps est un paramètre important.

Le physicien anglais Isaac Newton, connu pour ses découvertes en mathématiques, en physique, en astronomie et en optique, définissait le temps en fonction de la notion de mouvement et de l’espace. Ainsi, un corps occupe différents points de l’espace grâce au temps.

Le temps est :

  • irréversible : son mouvement se fait dans un seul sens. On ne peut pas revenir en arrière, nous sommes là un instant T pour aller vers ce que nous appelons le futur.
  • sécable* et mesurable : le temps peut être divisé en année, en mois, en semaine, en jours, en heure, en minute et seconde. Toutefois, il nous est impossible de savoir s’il y a eu un début, comme nous ne pouvons pas déterminer quelle sera la fin.
  • continu : le temps s’écoule, et ce, sans jamais s’arrêter, à la manière d’un sablier dont le contenu composant les grains de sable serait infini. Dès lors, nous pouvons nous demander s’il est possible d’analyser ce temps constamment présent.

Le temps ne dépend pas de nous, il est extérieur à notre réalité dans le sens où il est hors de notre monde matériel.

*sécable : « qui peut être coupé, divisé » (selon le Dictionnaire Le Petit Robert).

Le temps est relatif

En physique newtonienne, le temps sert à mesurer les phénomènes du monde. Toutefois, cet instrument se heurte à un problème de taille : comment prouver que celui-ci existe réellement ? En étant doté d’une telle perfection mathématique, le temps s’oppose à tout ce qui est dans l’Univers, ce qui amène à penser que le temps n’est qu’un outil créé par l’esprit.

Avec la théorie de la relativité découverte par Einstein en 1905, le temps, tout comme l’espace, est relatif à la position de l’observateur. Cette théorie s’oppose à la théorie newtonienne qui posait le temps ainsi que l’espace comme des absolus.

Einstein s’aperçoit donc que plus la vitesse est grande, plus le temps s’écoule lentement, et inversement. C’est le début du concept de l’espace-temps.

Les représentations du temps

Le temps est une réalité qui est difficile à saisir. Il existe de multiples représentations pour représenter le temps.

Tout d’abord, le temps s’inscrit dans l’espace. Toutefois, nous ne pouvons pas le toucher comme les autres objets qui constituent l’espace. Nous ne pouvons toucher que les appareils qui servent à le mesurer : une horloge, une montre, un sablier. Concevoir le temps se révèle donc être très compliqué.

L’homme mesure le temps entre deux instants : à neuf heures, il faisait beau, à dix heures, il pleuvait !

Aujourd’hui, il est possible de représenter le temps selon 5 représentations, qui servent également à penser l’évolution de l’être humain :

  • la droite qui va vers l’infini est la représentation occidentale dont nous avons parlé en début de ce chapitre. Nous ne pouvons revenir en arrière, nous ne pouvons qu’avancer.
  • la flèche qui descend est une chute perpétuelle. Contrairement à la représentation occidentale optimiste, cette représentation est pessimiste.
  • les paraboles sous-entendent qu’il n’y a aucune trajectoire commune. Chaque individu réalise seul son propre chemin.
  • un cercle représente le temps de façon cyclique. Tout ce qu’on vit se répète constamment, et ce, de façon identique.
  • un arbre, ou l’arborescence où le temps est multiple.

Comment penser le temps ?

Une définition difficile

On distingue deux types de représentations du temps :

  • le temps objectif est celui que nous constatons partout, autour de nous, dans la nature et sur nos appareils qui servent à mesurer le temps ;
  • le temps subjectif, appelé également le temps psychologique, c’est-à-dire le temps tel qu’il est vécu par la conscience d’un individu.

En s’interrogeant sur la nature du temps dans son ouvrage Les Confessions, Saint-Augustin se retrouve en difficulté : “Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre […], je l’ignore

Bien que dans le sens commun, l’existence du temps se révèle être une réalité évidente et objective, le temps n’existe pas vraiment. En effet, le passé n’existe plus et le futur n’existe pas encore. Il n’y a que le présent mais celui-ci nous échappe constamment. Cela fait penser aux travaux de Bergson sur la conscience qui se rendait compte que l’instant présent n’existe plus puisque lorsque nous sommes conscients de cet instant, celui-ci appartient déjà au passé.

Le présent n’est donc qu’un point de passage entre ce qui n’existe plus et ce qui n’est pas encore, soit le passé et le futur.

La saisie de la nature du temps est donc une “difficulté logique insoluble”*, soit une aporie. Pour tenter de résoudre cette dernière, Saint-Augustin émet l’hypothèse que le temps serait situé à l’intérieur de l’esprit humain : “Ce n’est pas user de termes propres que de dire ; il y a trois temps, le passé, le présent et l’avenir. […] Car ces trois sortes de temps existent dans notre esprit et je ne les vois pas ailleurs. Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du présent, c’est l’intuition directe ; le présent de l’avenir, c’est l’attente.

Ainsi, pour Saint-Augustin, l’être humain est capable de comprendre ce qu’est le temps, mais il est incapable de l’expliquer. Le temps est donc une intuition spontanée.

* “difficulté logique insoluble” : définition d’aporie selon le Dictionnaire Le Petit Robert.

Quelle est la notion de durée ?

Dans Essais sur les données immédiates de la conscience, Bergson distingue le temps objectif et le temps subjectif, qu’il nomme durée.
Pour Bergson, le temps est spatialisé. C’est la mesure de la représentation dans l’espace effectuée avec un chronomètre, une montre ou un agenda.

Quand je suis des yeux, sur le cadran d’une horloge, le mouvement de l’aiguille qui correspond aux oscillations du pendule, je ne mesure pas de la durée, comme on paraît le croire ; je me borne à compter des simultanéités, ce qui est bien différent. En-dehors de moi, dans l’espace, il n’y a jamais qu’une position unique de l’aiguille et du pendule, car des positions passées, il ne reste rien.”. À travers cette citation des Essais sur les données immédiates de la conscience, Bergson illustre le fait que le temps objectif n’existe pas pour les personnes.
L’homme étant un sujet conscient, il vit le temps sur le mode de la durée, soit le temps psychologique qui est subjectif. Celle-ci étant vécue par la conscience, elle ne peut, par conséquent, pas être mesurée. C’est pourquoi le temps nous paraît long lorsque nous nous ennuyons ou lorsque nous sommes dans l’attente et qu’à l’inverse, le temps nous paraît court, voire nous manque, lors des moments de joie ou lorsque nous nous amusons.

Dans l’Évolution Créatrice, Bergson dit que “Si je veux me préparer un verre d’eau sucrée, j’ai beau faire, je dois attendre que le sucre fonde.”. Cette “attente” ne correspond pas au “temps mathématique” mais coïncide avec notre impatience.
Étant propre à l’individu, la durée, telle que définie par Bergson, est différente du temps des horloges.

Pour Bergson, le temps est donc compris de deux manières différentes :

  • le temps vécu par notre conscience et qui étroitement lié à nos représentations telles que nos pensées ou nos sentiments, c’est la durée, soit le temps subjectif ;
  • le temps qui est mesurable, le temps objectif.

Déjà dans l’Antiquité, Aristote définissait le temps dans son ouvrage Physique comme “le nombre du mouvement selon l’avant et l’après” stipulant ainsi que le temps est ce qui est mesurable entre deux moments, soit entre “l’avant et l’après”, dans les changements que l’on peut observer dans la nature. La larve devient cocon, il y a un avant et un après, de même que le cocon devient un papillon.

La subjectivité objective du temps

Dans ses travaux, Kant a cherché à faire la synthèse entre le temps objectif et le temps subjectif. Il s’est interrogé sur le temps tel que nous le concevons. Pour lui, l’esprit humain n’est pas capable de concevoir ce qui est en dehors de ses propres structures. Il ne peut donc savoir si le temps existe réellement, toutefois, c’est dans le temps, mais également dans l’espace, que l’être humain expérimente le monde. Pour Kant, “le temps n’est qu’une condition subjective de notre (humaine) intention.”. Il nomme l’espace et le temps comme des “formes à priori de notre sensibilité”. Le terme “formesignifie que l’espace et le temps sont des structures de notre esprit et le terme “à priori” stipulent que ces “formesexistent avant toute expérience. En effet, notre expérience du monde se fait toujours grâce à ces formes que sont le temps et l’espace. Ces derniers sont les formes de notre sensibilité.

Bien que le temps soit situé dans notre esprit, pour Kant, cela ne signifie pas qu’il n’a aucune valeur objective. Le temps s’impose à nous, il constitue la réalité pour nous. Il n’est donc pas une illusion individuelle.

L’irréversibilité du temps

La conscience de notre finitude

Étant conscient du temps qui passe, l’être humain sait que sa destinée est de mourir. La temporalité de l’homme est marquée entre sa naissance et sa finitude. Cette idée d’un temps irréversible qui nous rapproche un peu plus de la mort chaque jour est à l’origine de notre angoisse existentielle.

Dans son ouvrage Du temps et de l’éternité, Louis Lavelle explique que “L’irréversibilité constitue pourtant le caractère le plus essentiel du temps, le plus émouvant, et celui qui donne à notre vie tant de gravité et ce fond tragique dont la découverte fait naître en nous une angoisse que l’on considère comme révélatrice de l’existence elle-même,[…]”. Ainsi, en prenant conscience de notre existence, nous prenons conscience de ce temps irréversible qui s’écoule de façon continue ce qui nous amène à prendre conscience de notre finitude : on naît pour mourir.

La crainte de la mort

Bien que la mort soit la crainte la plus universellement partagée, mais également la plus forte, selon Epicure*, nous n’avons pas à la craindre.

Dans sa Lettre à Ménécée, ce philosophe atomiste et matérialiste explique que “La mort, n’est rien pour nous : tant que nous existons nous-même, la mort n’est pas ; quand la mort existe, nous ne sommes plus.”. Si l’homme est vivant, il ne fait pas l’expérience de la mort et cette dernière lui est totalement inconnue. En revanche, si l’homme est mort, il n’existe plus : il ne peut donc pas connaître la mort. Pour Epicure, il est inutile de craindre quelque chose que nous ne pouvons pas connaître. Vaincre la crainte de sa propre finitude, c’est donc prendre conscience que nous nous inquiétons de quelque chose que nous ne connaîtront jamais.
En se libérant de la peur de la mort, nous pouvons donc mieux jouir de la vie en nous délectant de tout ce qu’elle a à nous apporter. L’être humain est donc libéré de ce poids qui l’entraîne à attendre l’arrivée de la mort, qu’il ne connaîtra jamais, pour profiter de la seule chose dont il peut réellement faire l’expérience : la vie.

Plus de deux millénaires plus tard, Martin Heidegger apporte lui aussi ses réflexions concernant la crainte de la mort. En étant livré à la mort dès sa naissance, l’être humain se sent abandonné. Il ne comprend pas l’existence de la vie si elle se conclut par la mort. La vie est donc vue comme quelque chose d’absurde. Toutefois, il tente de faire comprendre que l’homme est soumis à la mort et que nous ne pouvons rien contre elle. Bien que l’on puisse y penser, il ne faut pas que l’idée de la mort, cette existence du nulle part et du rien nous empêche de vivre.

* Epicure : Pour ce philosophe, la mort n’est rien de plus que la disparition des poussières (ou atomes, mais ce terme n’existait pas à proprement parler dans l’antiquité.) qui constituent un être. Pour lui, la vie après la mort n’existe pas.

Le divertissement

Le temps étant irréversible, l’homme cherche à s’en extraire par tous les moyens possibles. C’est ce que Pascal appelle le divertissement. Conscient de sa finitude, l’homme cherche un moyen d’oublier sa mort. Pour ce philosophe, nous sommes tous en proie au divertissement. Nous recherchons désespérément un moyen de nous consoler face à la difficulté d’être soi. Ce terme “divertissement” de Pascal renvoie à la recherche des biens matériels et/ou de la gloire, soit des activités humaines futiles. “Le présent n’est jamais notre but, le passé et le présent sont nos moyens, seul l’avenir est notre fin“. L’être humain cherche à se trouver lui-même à travers ces divertissements, mais en réalité, il ne fait que fuir. Il n’aspire qu’à échapper à sa condition : “Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pouvoir rester en repos”. Ainsi, face à la crainte de l’homme, l’ego trouve en les divertissements un moyen de faire diversion ce qui montre que l’homme a des difficultés à vivre avec lui-même.

Conclusion

Le temps ne peut être une suite continue d’instants, car nous sommes incapables, en tant qu’être humain, de délimiter un instant. Bien que nous soyons tous en mesure de comprendre ce qu’est le temps, la tâche se révèle être hasardeuse lorsque nous essayons d’expliquer ce qu’est le temps. Tout simplement parce qu’il est vécu par la conscience. Si nous regardons d’anciennes photos de nos amis et que nous les comparons avec ce qu’ils sont aujourd’hui, nous percevons le passage du temps, mais nous ne ressentons pas le temps. L’expérience du temps ne peut se faire qu’au présent en étant attentif à la durée, à ce temps qui passe. L’homme étant situé dans le temps, nous ne sommes pas capables de répondre à des questions du type : “qu’est-ce qui crée le temps ?”, “Pourquoi le temps existe ?” « Quels sont le début et la fin du temps ?”. Pour y répondre, il faudrait que l’homme soit en mesure de penser en dehors des limites imposées par le temps, ce qui est impossible.
D’autre part, le temps étant irréversible, cela nourrit notre angoisse de notre propre finitude. Pourtant, nous devons nous affranchir de cette angoisse pour profiter pleinement du temps qu’il nous reste. C’est pour fuir notre condition de mortelle que notre ego cherche à faire diversion à travers des activités futiles. L’objectif est de fuir l’idée même de penser à la mort tout en fuyant le fait de pouvoir être confronté à soi-même.

Comment les auteurs définissent-ils le temps ?

  • Aristote, PhysiqueLe temps est le nombre du mouvement
  • Augustin, Confessions « Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus« 
  • Augustin, Confessions « Quant au présent, s’il était toujours présent, s’il n’allait pas rejoindre le passé, il ne serait pas du temps, il serait l’éternité« 
  • Bergson, La pensée et le mouvement « La durée réelle est ce que l’on a toujours appelé le temps, mais le temps perçu comme indivisible« 
  • Bergson, Matière et mémoire « Rien n’est moins que le moment présent, si vous entendez par là cette limite indivisible qui sépare le passé de l’avenir« 
  • Kant, “Le temps n’est pas un concept empirique qui dérive d’une expérience quelconque. En effet, la simultanéité ou succession ne tomberait pas elle-même sous la perception, si la représentation du temps ne lui servait a priori de fondement. Ce n’est que sous cette supposition que l’on peut se représenter qu’une chose existe en même temps qu’une autre (simultanément) ou dans des temps différents (successivement)
  • Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même « Souviens-toi de la substance totale, dont tu participes pour une minime part ; de la durée totale, dont un court et infime intervalle t’a été assigné ; de la destinée, dont tu es quelle faible part !« 
  • Platon, “[L’auteur du monde] s’est préoccupé de fabriquer une certaine imitation mobile de l’éternité, et, tout en organisant le Ciel, il a fait de l’éternité immobile et une, cette image éternelle qui progresse suivant la loi des Nombres, cette chose que nous appelons le Temps.”
  • Platon, “Le Temps est l’image mobile de l’éternité immobile
  • Sartre, L’Être et le NéantLe temps de la conscience, […] c’est le néant se glissant dans une totalité comme ferment détotalisateur.”
  • Sartre, L’Être et le Néant « Je ne puis ÊTRE heureux qu’au passé […] le passé n’est justement QUE cette structure ontologique qui m’oblige à être ce que je suis PAR-DERRIÈRE. C’est là ce que signifie “était”« 

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