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Cours de Philosophie sur la conscience

Ecrit par Toute La Philo

Qu’est-ce qu’est la conscience ? La connaissance ou une illusion ? Il est dit que la conscience est propre à l’être humain, qu’en plus de savoir qui il est, celle-ci lui permet de s’élever au-dessus du règne animal. La conscience permet à l’homme de se connaître lui-même, tout en ayant connaissance du monde qui l’entoure.

En nous donnant la possibilité de penser, la conscience nous invite à réfléchir, elle nous donne l’opportunité de réaliser des questionnements philosophiques. Mais elle nous amène également à nous interroger sur la notion d’existence : pourquoi vivons-nous ? Pourquoi meurt-on ? Qu’est-ce qu’est la vie ? Qu’est-ce qu’est la mort ? Quel est le but de tout ça ? La conscience est à la fois bonne et pernicieuse pour l’être humain. Quelle est la notion de conscience ? Comment les auteurs philosophiques la définissent-ils ? Explorons tout ça ensemble !

La notion de conscience

Composé de “cum” et “scire”, la conscience signifie littéralement “savoir avec”. La conscience est un savoir qui est avec soi, une connaissance qui nous accompagne.
Avec ce savoir, l’individu est capable d’appréhender ce qui se passe à l’intérieur et hors de lui-même.

Dans le langage courant, ce terme est utilisé à travers de nombreuses expressions.
Lorsque l’on dit “Je suis conscient de…”, on se rapporte au monde dans lequel on vit. On a pleinement connaissance des conséquences liées à nos actions. La conscience est donc rattachée à la connaissance et à la responsabilité. Au contraire, le fait de “ne pas avoir conscience de ce que l’on fait ”, c’est agir trop vite sans exploiter notre capacité réflexive. Nous n’avons donc pas la connaissance de nos actes parce que nous ne prenons pas le temps nécessaire pour réfléchir à la conséquence de nos actes.

Par ailleurs, les expressions : “avoir bonne ou mauvaise conscience” renvoient à la conscience morale.

On peut donc distinguer :

  • la conscience psychologique qui est une capacité réflexive offrant à l’homme la connaissance de ses actes et de ses pensées ;
  • la conscience morale qui permet à chaque individu de discerner le bien du mal.

Ainsi, la conscience est une activité psychique permettant à l’homme de réfléchir sur le monde qui l’entoure et de se prendre lui-même comme un objet de pensée. L’homme est à la fois face à lui-même (états d’âme, désirs, etc.) et face au monde.

Qu’est ce que la conscience de soi ?

La définition de la conscience de soi selon Descartes

Avant d’aboutir à sa fameuse locution latine, “Cogito Ergo Sum“ (Je pense, je suis), René Descartes va utiliser le doute pour remettre en question les perceptions et les opinions. Dans son œuvre, les Méditations Métaphysique, Descartes utilise le morceau de cire ainsi que l’image de la tour pour démontrer que nos 5 sens sont trompeurs. Son raisonnement le pousse à douter de ce qui fonde ses 5 sens. Il se met alors à douter de l’existence de son propre corps. En mettant en doute ses pensées, il réalise sa première certitude. S’il sait qu’il est en train de douter, il pense, car le doute est avant tout une pensée. Donc s’il doute, il sait qu’il pense, et s’il pense, il est. Grâce à cette certitude première, pour penser, il faut être, Descartes pose l’existence de la conscience. Appréhender et connaître la sensation de sa propre existence, c’est avoir conscience de soi.

Quelles sont les différentes représentations de soi ?

Comme le souligne David Hume, le Moi seul ne peut jamais être saisi. En effet, la conscience de soi n’est pas un objet et ne peut en aucun cas être saisi en dehors de ces représentations.
Dans son Traité de la nature humaine, Hume précise : “Je ne peux jamais me saisir, moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la perception. Quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps, je n’ai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je n’existe pas.” Pour avoir le sentiment d’exister, nous devons percevoir que nous existons. Cette comparaison avec le sommeil de David Hume souligne clairement cette impossibilité que l’on a de vouloir saisir le Moi en tant qu’objet.

À partir du XIXe siècle, la psychologie scientifique se met à critiquer la notion philosophique de la conscience définie par Hume ou Descartes. La qualifiant trop rapprochée d’une notion spirituelle, la psychologie scientifique, portée par le courant comportementaliste (le behaviorisme) rejette les idées philosophiques susmentionnées. Elle définit la conscience de soi comme la résultante des différents mécanismes de la fonction cérébrale.

Qu’est ce qui influence la conscience de soi ?

Le monde extérieur

Bien qu’elle se définisse comme conscience de soi, l’être humain a besoin de ses semblables s’il souhaite avoir réellement conscience de lui-même. En effet, c’est à travers le regard et la reconnaissance des autres que nous prenons conscience et connaissance de nous-même. Prendre conscience de soi se réalise aussi grâce aux choses que nous sommes en mesure de produire.
Pour que la conscience de soi se constitue chez l’homme, elle a besoin de l’existence d’une extériorité et de se confronter à l’altérité.

L’intentionnalité

Toute conscience est conscience de quelque chose”, à travers cette phrase, Edmund Husserl développe la conscience comme intentionnalité, qui signifie que la conscience est la conscience de quelque chose et non la pure conscience de soi. L’intentionnalité a été remise au cœur des réflexions par Franz Brentano et se réfère au sens de la philosophie médiévale qui suggère ce qui est pensé dans un objet.
La conscience, et ce, y compris la conscience de soi, ne peut être saisi sans avoir conscience de quelque chose d’autre. Cette idée souligne l’idée que l’existence d’une extériorité est indispensable à la conscience.

La société

De même qu’elle a besoin du monde extérieur, la conscience de soi a besoin de l’altérité.
La perception que nous avons de nous-même est clairement influencée par la société dans laquelle nous vivons.
En effet, Karl Marx précise que notre classe sociale ainsi que la période dans laquelle nous vivons constituent des rôles décisifs dans notre propre perception de nous-même. Cette dernière est clairement influencée par notre milieu social et historique.

Qu’est ce que la conscience morale ?

L’instinct divin

Dans les parties précédentes, nous avons pu voir que la conscience se repose sur la conscience que nous avons de nous-même ainsi que sur notre capacité de nous construire en relation avec le monde qui nous entoure. Nous pouvons alors nous demander s’il n’existe pas, en chaque individu, une capacité innée, une intuition, qui nous permettrait de discerner le bien du mal. C’est ce que développe Jean-Jacques Rousseau, l’un des plus gros défenseurs de la conscience morale. Selon lui, lorsqu’un être humain naît, il dispose d’un sens naturel de la morale. Pour Rousseau, la conscience est un don divin qui nous permet de distinguer le bien et le mal. Cependant, au fur et à mesure que nous grandissons dans la société, notre “instinct divin” est étouffé par la société. Ainsi, selon Rousseau, l’homme naît naturellement bon, et c’est la société qui le pervertit, en opposition à Voltaire qui développe l’idée selon laquelle l’homme naît mauvais et que seule la société peut lui donner les clés de la conscience morale.

La conscience morale selon Kant

Emmanuel Kant développe le concept des impératifs catégoriques qui nécessitent de s’interroger sur le caractère universel de l’action que l’on souhaite entreprendre. Cela nous permet, en tant qu’être humain de comprendre la conscience de l’immoralité d’une action.

Par exemple, si nous décidons de tuer notre voisin par simple mésentente, nous devons nous demander si nous acceptons que cette règle soit universelle ? Si la réponse est non, c’est que cette règle n’est pas morale. En effet, qui peut se sentir en sécurité dans une société où l’on peut tuer son voisin et/ou ses semblables simplement parce que l’on ne s’entend pas avec eux ? Nous retournerions des dizaines de milliers d’années en arrière.

Grâce à ce test d’universalisation de la maxime de l’action, chaque individu a les clés pour déterminer si son action est conforme à la loi de la raison.

Qu’est ce que la conscience selon les auteurs ?

La conscience est une activité selon Kant

Pour Kant, la conscience ne donne pas la connaissance de ce que nous sommes, comme le prétendait Descartes, la conscience est une activité.
Pour aboutir à cette conclusion, Kant a cherché à identifier le moi en partant d’un postulat selon lequel le pouvoir d’identification est forcément dans la conscience.
La connaissance, selon Kant, trouve son origine dans deux sources, la sensibilité et l’entendement.

Kant définit la sensibilité comme “la capacité de recevoir des représentations par la manière dont les objets nous affectent.”
Il définit également l’entendement comme une faculté active qui permet de créer des concepts. Nous n’avons connaissance d’un objet que lorsque notre intuition sensible, en lien avec la vision de cet objet, a été subsumée sous un concept.

Ainsi, la connaissance du monde extérieur qui nous entoure ne peut s’opérer qu’à travers une liaison des intuitions sensibles et des concepts de l’entendement. La conscience ne peut donc pas être la connaissance de la conscience de soi, car c’est grâce à la conscience que nous pouvons avoir la connaissance. Elle permet la connaissance de l’objet, mais ne peut en aucun cas être un objet de connaissance.

  • Le fait d’avoir “conscience de quelque chose”, se rapporte à la conscience immédiate qui accompagne les actes d’un individu.
  • Le fait de se penser soi-même comme conscient de quelque chose se rattache à la conscience réfléchie.

La phrase de Kant, « Auparavant, il se sentait simplement ; maintenant, il se pense” illustre bien les deux consciences susmentionnées. Lorsque l’on est enfant, nous parlons de nous à la troisième personne : “Jules veut manger”, “Bastien veut jouer dehors”. Lorsque l’enfant exploite le “je”, il passe de la conscience simple, comparable à celle de l’animal, à la conscience réfléchie, la conscience de soi. L’enfant passe alors du sentiment de soi à la pensée, distinguant le monde extérieur de son propre monde intérieur tout en ayant conscience de faire partie de ces deux mondes.

Outre l’idée de mouvement entre ces deux consciences, il apparaît également une notion de temporalité.

Bergson : la conscience et la temporalité

Selon Bergson, nous ne pouvons avoir conscience que de ce qui était et de ce qui adviendra. En effet, lorsque notre conscience se pose sur l’instant présent, celui-ci n’existe plus puisqu’il appartient déjà au passé. Le moment présent est un instant, un instant qui n’existe plus quand on pense à lui et que l’on ne peut pas anticiper car il nous échappe.

D’une chose qui pense, selon Descartes, nous passons à une chose qui s’écoule, selon Bergson. À chaque instant, nous faisons, en tant qu’être humain, l’expérience de la conscience qui accompagne nos perceptions ainsi que nos actes.
Grâce à notre mémoire, qui est une fonction du passé, notre conscience imprime chaque événement que l’on vit. “Percevoir, c’est se souvenir”, car la conscience perçoit ce qui a été pour établir un lien entre un événement issu du passé et un événement que l’on vit au présent. Être conscient selon Bergson, c’est réaliser un lien entre ces deux événements afin d’agir dans le monde.
Hormis le passé, la conscience est également en relation avec l’avenir. En effet, elle agit dans le présent pour matérialiser ce qui n’est pas encore.
Pris entre le passé et l’avenir, la conscience pour Bergson est mouvement.

La conscience selon Husserl

Souvent cité, la phrase “Toute conscience est conscience de quelque chose”, d’Edmund Husserl stipule que la conscience est “intentionnalité” dans le sens où elle se projette vers le monde. Pour Husserl, avant d’adopter sa capacité réflexive, la conscience est visée et elle donne le sens aux choses qu’elle perçoit. Afin d’illustrer ces propos, l’auteur prend l’exemple d’une silhouette. Lorsqu’on aperçoit cette dernière, on anticipe sur ce qui nous apparaît et nous visons le sens de ce qui nous apparaît pour reconnaître un homme ou une femme.
Cette approche “phénoménologique” étudie les choses telles qu’elles apparaissent dans notre conscience.

Dès lors, la conscience donne un sens à l’objet, et ce, sans se régler sur l’objet qu’elle aperçoit. Elle ne peut donc plus être pensée comme une vérité unique.

La remise en cause de la conception classique de la conscience humaine

Pour des raisons pratiques, la philosophie et la métaphysique sont parties d’un postulat selon lequel la conscience était ontologiquement supérieure au corps humain. La conscience, tout comme l’esprit et l’âme sont favorisés au détriment du corps.
En renversant cette hiérarchie, en stipulant que “la conscience est une évolution dernière et tardive du système organique.”, Nietzsche place le corps en premier et explique que la conscience est dérivative du corps. Ce dernier, pour Nietzsche, est composé d’une pluralité de forces qui luttent continuellement les unes contre et/ou avec les autres, qu’il nomme “la volonté de puissance”. Le Moi est multiple et par conséquent, la conscience ne peut pas être réduite à une unité. Il voit en cette dernière une illusion pratique qui rassure l’être humain face à la pluralité de ces forces.
Il s’oppose catégoriquement au “Je pense, je suis” de Descartes, stipulant que le “je” est la conséquence de cette lutte entre les différentes forces.
Pour Nietzsche, c’est illusoire de croire que la conscience est à l’origine de nos pensées, car ces dernières s’imposent à nous, “les pensées viennent à moi quand elles le veulent et non quand je le décide”. Nietzsche explique que la conscience n’a accès qu’à la surface visible de l’iceberg. Ce qui nous pousse à agir de telles ou telles façons nous est donc inconnues.
Ainsi, la croyance en l’ego, tout comme le Moi rationnel, ne sont que des mythes et le corps est bel et bien le souverain de la conscience.
Il définit le Moi comme une identité narrative qui est en perpétuelle construction.

Conclusion

La conscience permet de comprendre, d’avoir connaissance, en partie, de ce que l’on est tout en appréhendant le monde extérieur dans lequel on vit. Pour autant, la conscience comporte de nombreuses zones d’ombres et si Nietzsche est le premier à remettre en question sa notion d’autorité au sein du psychisme, il est suivi par Freud qui finira par développer le thème de l’inconscient en précisant que “le Moi n’est pas maître en sa propre maison”.

Citation d’auteurs en lien avec la conscience

Bergson, L’Évolution CréatriceLa conscience est la puissance de choix.”

Dante, La Divine ComédiePourvu que ma conscience ne me fasse pas de reproches, je suis prêt à subir la volonté de la fortune.”

Descartes, Les Principes de la philosophiePar le mot de penser, j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-même; c’est pourquoi non seulement entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir, est la même chose ici que penser.

Hegel, Phénoménologie de l’EspritL’homme est un être doué de conscience et qui pense, c’est-à-dire que, de ce qu’il est, quelle que soit sa façon d’être, il fait un être pour soi.”

Humel, Traité de la nature humaineJe ne peux jamais me saisir, moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la perception. Quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps, je n’ai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je n’existe pas.”

Husserl, Idées directrices pour une phénoménologieLe mot intentionnalité ne signifie rien d’autre que cette particularité foncière et générale qu’a la conscience d’être consciente de quelque chose.”

Kant, Critique de la raison pureLa conscience est une représentation qu’une autre représentation est en moi
La conscience est la raison pratique représentant à l’homme son devoir pour l’acquitter ou le condamner en chacun des cas où s’applique la loi

Kant, Fondements de la métaphysique des mœursAgis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle.”

Nietzsche, “La conscience est la dernière et la plus tardive évolution de la vie organique, et par conséquent ce qu’il y a de moins accompli et de plus fragile en elle.

Rabelais, PanagruelScience sans conscience n’est que ruine de l’âme

Rousseau, Emile ou de l’ÉducationConscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rend l’homme semblable à Dieu.

Sartres, L’Être et le NéantLa conscience est le refus d’être substance

Socrate, « Je sais que je ne sais rien« 

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