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Peut-on connaître sans recourir à l’expérience ?

Ecrit par Toute La Philo

Dissertation de Philosophie (corrigé)

Introduction

Peut-on connaître sans recourir à l’expérience ? Une question qui semble à priori absurde, car l’expérience en tant qu’elle et l’ « épreuve » ne peuvent qu’être une condition à la connaissance. Analysons bien ce qu’il en est véritablement. L’expérience est une saisie sensible des phénomènes. Or, ces saisies sont du mouvant, soit du changeant et de la particularité. Une connaissance ne peut être une co-naissance, soit étymologiquement, « naitre avec » la chose réelle elle-même, sans un minimum d’objectivité. On conçoit généralement que la rationalité est la mère de l’objectivité, sinon l’objectivité elle-même. N’y a-t-il donc pas aussi la possibilité de fonder une connaissance par la simple rationalité ? Ce qui, toutefois, semble aussi absurde puisqu’une rationalité vide de consistance concrète ne saurait rien signifier de ce qui est réel. On est face à un problème. Comment la connaissance peut-elle s’incarner à partir de fondements si contradictoires qu’est la particularité subjective de l’expérience et la formalité abstraite de la rationalité ? Pour tenter de résoudre ce problème, il faut cheminer à travers, par les considérations suivantes : en premier lieu, il est important de comprendre avec une certaine exactitude en quoi l’expérience est le garant de la connaissance. En second lieu, il faudra alors voir quelle est sa limite et en quoi la rationalité pourrait produire d’elle-même des connaissances auto-suffisantes. En dernier lieu, nous allons éclaircir les points de leurs véritables modalités dans leur articulation interdépendante à définir le réel.

Partie I : L’expérience est le garant de la connaissance

1. Sans l’expérience, la connaissance ne serait qu’une pure abstraction

Premièrement, la connaissance n’aurait aucune consistance concrète si elle n’était qu’une pure abstraction. Une abstraction est une conception mentale qui interprète idéalement les faits de conscience, à entendre par faits de conscience, les phénomènes qui se présentent à notre conscience. L’abstraction des faits  de conscience recèle deux caractères qui  traduisent ces derniers de manière infidèle. D’abord, toute abstraction opère ces faits dans une représentation générale. Prenons par exemple différentes abstractions sur une personne en particulier. Cette personne sous le nom de Mr Dupont a une identité française sous divers traits généraux, sa nationalité, son langage et ses traditions. Par ailleurs, connaissons-nous vraiment Mr Dupont sans expérimenter au quotidien sa personnalité ? Quelle description générale trahirait lequel si l’on voyait Mr Dupont parler anglais et en même temps pratiquer une tradition allemande ? Ces situations sont pourtant tout à fait possibles, mais il est difficile de les accepter tant notre esprit a une tendance à encadrer les phénomènes dans une vision générale. Ensuite, l’abstraction a aussi ce caractère de fixité. C’est-à-dire qu’elle fige les phénomènes dans une saisie idéale en omettant leur caractère mouvant. Ainsi bien qu’on puisse sentir la fluidité mélodique de la musique, les notes de musique disjointes sur papier aussi détaillées soient-elles ne pourront jamais rendre grâce ni auparavant prédire leur harmonie. Bien sûr, on peut répondre à ce phénomène que le grand Beethoven s’était retrouvé auditivement impotent alors qu’il composait ses dernières œuvres. Cependant, on peut aussi argumenter qu’il avait une mémoire sonore exceptionnelle. Il a fallu à Beethoven de comprendre et d’apprendre mais aussi, surtout, d’expérimenter sensiblement encore et encore la conventionalité des notes pour avoir pu achever un tel génie.

2. D’ailleurs, d’un point de vue empiriste, l’expérience est déjà fondamentalement de la connaissance

Deuxièmement, on peut argumenter avec les penseurs empiristes à l’illustre exemple de la pensée de John Locke, dans son Essai philosophique concernant l’entendement humain, que l’expérience est le fondement de toutes nos connaissances. Les arguments sont les suivants : d’abord le réel est ce qui se présente à nous par nos organes sensoriels. Les différentes sensations sont alors organisées par la raison sous le nom d’idées. Cette organisation a une hiérarchie dans l’ordre des idées les plus simples aux plus complexes. Les idées les plus simples sont les unités les plus distinctes de sensations à partir de la forme, de la couleur ou de l’odeur. Ces idées sont alors organisées par la réflexion, soutenue par les facultés de la raison comme la mémoire qui sert à les reconnaître, en des compositions unifiées, mais hétérogènes comme l’unité de la forme d’un phénomène ajoutée à celle de son goût. Enfin, on obtient des dénominations abstraites pour définir les phénomènes. Le phénomène des lettres est par exemple déterminé par ses formes conventionnelles et ses dispositions. À noter donc que John Locke ne nie pas l’importance de la raison dans sa capacité à abstraire le réel. Cependant, il faut surtout souligner que ces abstractions ne sont jamais pures, autrement elles seraient fondamentalement des sensations organisées qui sont reconnues par la mémoire.

En vertu de la connaissance, l’expérience est indispensable postérieurement pour reconnaître les idées, mais aussi d’une manière à priori pour les former. D’où viennent alors ces connaissances intuitives, comme celles des mathématiques, qui ne demandent pas l’avis de l’expérience pour se confirmer d’elles-mêmes ?

Partie II : Les connaissances se forment et se démontrent à partir de la raison

1. Les données de l’expérience sensible n’ont aucune pertinence cognitive à priori du fait de leur nature d’être toujours particulières

Remarquons d’abord comment l’expérience sensible nous est donnée. Les phénomènes stimulent nos organes de sens et nous en avons une représentation originale à notre conscience. À cet égard, nous rencontrons deux problèmes cognitifs importants. Premièrement, nos sensations sont diverses relativement aux différents degrés de sensibilité de nos organes de sens. Chacun de nous a une acuité naturelle différente, mais aussi des éventuelles maladies dont nous ne nous rendons pas toujours compte. Deuxièmement, les conditions d’observations d’un phénomène dépendent d’un facteur extérieur comme le climat, les reliefs immédiats et les différents déplacements. On ne saurait alors accorder une substantialité suffisamment consistante à l’immédiateté de ces conjectures particulières de nos perceptions.

2. Il faut alors la validité rationnelle de la démonstration pour ériger les idées en une connaissance

Ainsi, il faut bien alors que la raison saisisse et identifie les constantes des phénomènes afin de les formuler en des interprétations communicables. Une connaissance ne signifie pas une expérience subjective qu’un seul sujet à un moment donné de son observation peut identifier. Une connaissance est un concept que l’on peut partager, elle présente des caractères essentiels pouvant être reconnus par d’autres sujets. Or, la découverte de ces caractères essentiels peut-être seulement procédée par un usage méthodique, scrupuleux et désintéressé de la raison.  Descartes nous propose dans son discours de la méthode les soins suivants : se méfier des idées préconçues, examiner le plus finement possible les éléments composants, revérifier pour ne rien omettre, puis synthétiser dans un ensemble bien cohérent l’articulation des idées. L’idée est que par cette méthode on découvre ces vérités qui sont à elles-mêmes leur propre signe que l’on appelle par évidence. Mais encore, par cette opération de l’esprit que l’on nomme la déduction, on peut féconder d’autres connaissances à partir de celles qui ont été déjà rationnellement admises. La déduction opère à partir de données déjà admises comme valides pour en formuler d’autres qui nécessairement en découlent. Comme l’explicite Aristote, il s’agit d« un discours tel que, certaines choses étant posées, quelque chose d’autre que ces données en résulte nécessairement par le seul fait de ces données ». La pertinence de la déduction est que la validité de la connaissance est objective et la connaissance produite n’a d’autorité que par la cohérence, ce qui ne peut se contredire, de l’articulation interne de ses prémisses. Par conséquent, la connaissance répond à ses critères les plus importants que sont l’autosuffisance rationnelle de la raison à elle-même et l’accord des esprits entre eux qui reconnaît la nécessité rationnelle.

On comprend la primauté de la raison tant elle semble d’elle-même déterminer entièrement la connaissance. Pour résoudre cette apparente indécidabilité entre la nature sensible et rationnelle de la connaissance, il est primordial d’apporter des éclaircissements aux véritables modalités de l’expérience et de la raison sur le réel.

Partie III : La véritable modalité de la raison et de l’expérience dans leur articulation interdépendante

1. La connaissance n’est pas une adéquation à ses objets réels

Parlons de la nature rationnelle de la connaissance en ce qu’elle ne peut être véritablement en adéquation avec le réel. Mais convenons d’abord de définir exactement ce que l’on entend par réel. Le réel du latin « res » et qui signifie « chose » ne semble avoir d’usage que comme adjectif. D’où la confusion syntaxique entre réel et réalité. Il n’y a pas à proprement parler de « réel », mais plutôt de « ce qui est réel ». Cela dénote que « ce qui est » réel est « ce qui est » présent à la conscience. C’est ce qui est important à souligner, et que « ce qui est » est toujours et déjà « quelque chose » dans le sens d’être déjà signifié, soit pris dans une production conceptuelle, plus ou moins élaborée, de l’esprit. Il n’ y a jamais de « réel » brut dès la conscience, ces  phénomènes qui stimulent nos sens sont organisés synthétiquement par l’esprit. Prenons le simple exemple de l’assemblage quelconque des lettres « i », « m », « n », « e » et qui donne un semblant de mot comme « nime ». Nous avons articulé les éléments suivants dans une nature interprétative de la raison à assimiler l’étrange, à ce qui est familier. Que « nime » soit absurde n’est que de l’étrangeté et de l’originalité et jamais un « non-sens ». Ce qui prouve que le réel est pour nous nécessairement « rationnelle ». Mais, alors toute connaissance objective de ce « ce qui est » serait-elle vaine ?

2. L’expérience n’est pas le garant de la connaissance, l’expérience est une mesure de la connaissance

C’est à ce moment que la valeur de l’expérience scientifique entre jeu comme mesure objective de la connaissance. La science comprend le « ce qui est » comme dans l’analogie de la montre fermée d’Einstein. L’analogie est que par l’observation des phénomènes comme, ici dans l’exemple, celle de la rotation des aiguilles de la montre, on arriverait à interpréter d’une manière objective le mécanisme intrinsèque qui produit les phénomènes. Le réel est à jamais fermé comme la montre du fait de la nature déjà paradoxalement rationnelle de notre saisie, on ne saurait être certain de la décrire parfaitement. Même si on ne peut être sûr de la nature objective de la réalité, on ne peut nier que nous arrivons à discerner en quoi une connaissance est moins objective qu’une autre. C’est dans cette optique que l’épistémologue Karl Popper nous explique le mécanisme de la pertinence des connaissances scientifiques. Selon Popper, une expérience scientifique est la conjecture de théories scientifiques qui font l’expérience d’une hypothèse pour en mesurer la pertinence. Plus exactement, l’expérience scientifique peut être définie comme un procédé d’une rigueur mathématique qui observe les phénomènes à l’aide d’outils théoriques, les méthodes d’observations et les concepts qui appuient la validité rationnelle des implications, et de théories matérialisées, soit les technologies d’observations comme le thermomètre, pour mesurer la réfutabilité d’une hypothèse. Une connaissance appuyée de l’expérience scientifique a deux forces majeures d’objectivité. D’un, la connaissance scientifique se distingue de simples spéculations qui peuvent se prêter à n’importe quel raisonnement, sa réfutabilité expérimentale est pensable. La théorie de l’évolution de Darwin nous fait penser à une expérience qui pourrait l’invalider, comme par exemple, l’éventuelle découverte de l’anachronisme d’une espèce. De deux, la connaissance scientifique est mesurée dans son expérience par la validité même de la conjecture des théories qui l’expérimentent. Si le thermomètre, une théorie matérialisée, est pertinente pour mesurer la température qui elle est utilisée dans l’expérience, alors elle participe positivement à la pertinence même de cette dernière. Ces pertinences qui s’accumulent, définissent des seuils d’objectivité, que celles-ci augmentent ou diminuent, selon la précision de nos connaissances.

En résumé, il apparaît que sans l’expérience, la connaissance ne serait qu’une pure abstraction, étant donné que l’expérience en serait le fondement. Ce qui semble être contredit par la démonstration rationnelle qui rectifie la subjectivité sensible et qui semblerait même pouvoir féconder des connaissances purement déductives. La raison comme un entendement naturel de principes rationnels sur le « ce qui est » a une longueur d’avance interprétative sur la conscience des phénomènes. Ce qui fait douter de l’existence d’un « ce qui est » intrinsèquement objectif. Il n’en reste pas moins que l’expérience scientifique allie avec force théorie et expérience pour nous offrir des connaissances de plus en plus objectives. En définitive, elles sont déjà et toujours indissociablement interdépendantes.

Conclusion

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